• - Les vrais résultats des élections 2017

       Les vrais résultats des élections 2017        

                     La législative

                     La présidentielle

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                                       19 juin - la législative 2017

     

    Montée de plus en plus importante de la désertion électorale * devenue plus que majoritaire en 2017 (64,6 %).

     

    Quelques précisions préalables.

     

    Dans les résultats officiels partout relayés, on connait bien le traitement commun qui est réservé aux non inscriptions sur les listes électorales, aux abstentions et aux votes blancs ou nuls. Dans le texte    "L'errance des crabes..."   j'explique pourquoi cette grande ignorance est bien autre chose qu'une grande indifférence.

    Rassembler ces différents  comportements électoraux n'est pas habituel. C'est peut-être aussi pour cette raison qu'il n'est pas facile de nommer d'un seul terme, en dehors de toute interprétation, l'ensemble de ces comportements nés de sensibilités variées. A vrai dire, jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas vu qu'un tel terme existe.

    Pourtant, le fait que le "système" les exclut ensemble des résultats alors qu'ils aboutissent à la même chose - ne pas mettre un nom dans l'urne, ne pas élire - cela peut autoriser à les nommer d'un seul terme.

    A défaut d'une appellation moins pédante que les "non élisants", utilisons la très imparfaite :  "non électeurs". Ce donc sont ceux-celles qui très concrètement, quelles que soient leurs raisons, ne jouent pas le jeu très attendu de l'élection.

     

    Redéfinissons d'abord cet ensemble-là. Puis, constatons-le avec des chiffres :

    * Désertion électorale : "les non électeurs" = abstentions + votes blancs ou nuls + non inscrits-es. 

    Ces non inscrits-es sur les listes électorales sont les super oubliés parmi les non comptés des résultats officiels. A défaut  de trouver directement leur nombre, on le calcule très simplement en retranchant le nombre d'inscrits sur les listes électorales 2017 (47,57 millions) du nombre de Français majeurs au 1er janvier de l'année de l'élection (52,13 millions - données INSEE) .

    Ils sont donc près de  4,6 millions non inscrits-es sur les listes électorales (plus d'1 Français majeur sur 12). Quelle que soit la variété de leurs raisons, ne pas les prendre en compte, c'est déjà donner des résultats déformés.

    Or, cette réalité que l'on veut mesurer n'est pas une simple broutille. Alors, être précis et le plus juste possible s'impose. D'autant que la part des "non électeurs" est en croissance lourde et frise désormais la majorité. elle la dépasse très largement pour cette législative 2017. Cette évolution me semble à terme lourde de conséquences. Nous sommes un certain nombre à en être convaincus, contrairement à ce qui est mis dans nos têtes depuis toujours et avec une certaine insistance ces temps-ci :   "comme ils ne les comptent pas (entre autres, les abstentions), alors ça ne compte pas".

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     Les chiffres parlent d'eux-mêmes.

     

    Je peux en donner le détail du calcul à qui le demanderait.



    Progression des  "non électeurs" *  d'élection en élection de 2007 à 2017 

    * abstentions + votes blancs ou nuls + non inscrits-es.

     

                        Présidentielle                      Législative

                     Pourcentage des "non électeurs" de 18 ans et plus

    2007           27,4%                              39,8 %

    2012           29,2 %  (+1,8 points)            49,04 % (+ 9,24 points)

    2017          40,9 % (+11,7 points)        64,6 % (+15,56 points)                                                    

    Très forte accélération de la croissance de la part des "non électeurs" dans la  dernière présidentielle - l'élection du souverain. Augmentation record et  niveau inédit pour la législative 2017 - l'élection de sa cour.

     

    La victoire "triomphale" de Macron et de son parti En Marche, c'est en fait le moins pire résultat dans le désastre plus qu'annoncé du régime représentatif.

    Soit au second tour (43,06 % X (1-0,646)) = 15,24 % des Français majeurs ont donné une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Ce qui permet à Macron de dicter sa loi à plus de 84% des gens (largement plus des 3/4) qui n'ont pas voté pour ses candidats.

     

    Le mythe de la souveraineté du peuple et de la majorité est en contradiction de plus en plus pleine avec la réalité. Il colonise encore trop de têtes les rendant résistantes à voir la réalité dans sa globalité.

    Peu à peu cependant, le masque tombe, celui d'un grand mythe fondateur du régime représentatif né il y a un peu plus de deux siècles. Non, la démocratie représentative n'a rien de représentatif du peuple. Elle ne l'a jamais rendu souverain. Bientôt, la majorité du peuple l'exprimera de façon plus claire lors des différentes convocations aux urnes. Sans doute pas uniquement là.

     

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                                   10 mai -  la présidentielle 2017



    Voici donc les vrais résultats du second tour, l'image réelle de l'élection avec des chiffres qui n'oublient aucun Français et aucune Française en âge de voter.

     

    Ce sont les pourcentages que les élites dirigeantes et les grands aboyeurs des médias ne donnent pas, en refusant de compter les votes blancs, les nuls, les abstentions et les non-inscrits sur les listes électorales.  Pour cette élection, ce sont 21,91 millions de personnes soit 41 % de la population majeure en 2017.

     

    D'après les données démographiques de l'INSEE.

     

    France en 2017 - population de 18 ans et plus  (en âge de voter) :

    53,3 millions sur une population totale de 67,3 millions 

     

     

    Second tour de l'élection présidentielle 2017

     

    Voix :                 Macron  : 20,75 millions   Le Pen  : 10,64 millions

     

    Pourcentages :     39 %   (= 20,75 : 53,3)         20 %  (= 10,64 : 53,3)

                              de la population française en âge de voter.

     

    N'ont pas donné leurs voix à l'un ou l'autre : 21,91 millions soit 41 % (100%-59%)

     

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     Autres aspects de la réalité chiffrée de cette élection... suite :

     

     Télécharger « les vrais chiffres de la présidentielle 2017.pdf »

                            ou  cliquer sur l'article dans Actualité de l'Arnaque démocratique

     

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    Mon point de vue : changer notre regard, nous libérer la tête

    de réflexes conditionnés, respirer...

     

    Tâchons de percevoir ce phénomène d'ampleur croissante et durable selon moi,

    autrement qu'en continuant à pleurnicher devant lui, à accuser ou à maudire les abstentionnistes

    devant les scores du FN ou la victoire d'un candidat honni. Laissons ça à ceux et celles pour qui

    cette forte croissance peut un jour faire craindre le pire à leurs positions sociales et privilèges

    non ordinaires. Et si par exemple, il était nécessaire de lâcher prise avec un réflexe conservateur

    et la croyance en un régime qui serait en phase d'obsolescence historique...

     

    Beaucoup d'entre nous pourraient par exemple voir le phénomène massif (en passe de

    devenir majoritaire) des "non électeurs", comme un bon signe des temps. Celui qui consiste à

    ne pas se résigner à l'évolution actuelle, à la fausse alternance et à la politique unique qu'elle impose.

    Un autre bon signe résiderait dans ces formes variées de résistance à la mythologie

    puissamment entretenue d'un régime représentatif qui usurpe le mot démocratie et qui par ailleurs

    est à bout de course. La mythologie incrustée dans les têtes depuis moult générations, identifie

    ce régime depuis plus de 2 siècles, à la fois  à la vraie et à la seule démocratie possible, à la

    juste république et à la plus grande liberté. Rien de tout ça n'est vrai. Usé, le voile tendu sur

    la réalité  devient transparent. Le mythe est mité.

     

    La présidentielle est l'élection nationale traditionnellement la plus mise en spectacle et

    la moins "désertée". Elle est pourtant la moins démocratique puisqu'il s'agit de donner à

    un "souverain" un pouvoir exorbitant au détriment du nôtre et donc de la "démocratie".

    L'auto abandon de notre souveraineté (celle qui définit la démocratie)  nécessite donc

    une médiatisation très renforcée en provenance de l'Etat et des 9 milliardaires qui possèdent

    les grands médias privés. Cela nécessite sans doute depuis quelques années de démoralisation

    ou de dé-croyance croissante, la mobilisation de moyens de plus en plus importants.

     

    Malgré cela, le conditionnement s'effrite. Le spectacle de plus en plus grandiose fait de moins

    en moins recette, tant la réalité quotidienne révèle la supercherie du régime "représentatif".

    Une autre bonne nouvelle pour notre collectivité humaine et politique - ne nous privons pas

    du plaisir de voir ces bonnes nouvelles - c'est :  alors que nous disons fréquemment être entourés

    d'une masse de congénères consommateurs avides et parfaitement manipulables,  il semble que

    "les gens" dont nous aimons nous distinguer, nous ressemblent plus que ce que l'on croit ou que ce

    que l'on nous incite à croire.

    Alors, vive la désertion et les déserteurs motivés ou non, potentiellement prêts à penser

    l'après désertion et une démocratie vraie, populaire. Une démocratie de débat riche de nos

    sensibilités différentes, permettant des orientations choisies au présent et un horizon désirable.

    N'est-ce pas quelque chose d'essentiel dans ce que nous avons à donner aux jeunes générations ?

    Il y a du travail ?   Tant mieux, c'est un travail de haute utilité sociale et de vraie humanité.

     

     

     

     

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  • La terre des éclopés et les trois petits mondes.

     

     

     

     

                   De la désunion de l'humain vers la réunion des humains.

     

     

     

     



     

    Maxime Vasseur

    50 années d'animalité politique assumée

    30 ans d'une démarche alternative

    25 ans de pratique du yoga

     

    Pas de quoi en "faire un plat", mais quand même...

     

    Prologue.

     

    La terre et ses habitants ne vont pas très bien, n'est-ce pas ?

     

    Notre époque mêle des signes de fin d'un système et des germes d'un autre monde. Le sentiment de la nécessité d'un changement important gagne peu à peu du terrain. Penser et agir sont perçus comme devant être un couple lié et non plus séparé. Pour autant, la conscience croissante des dangers et des défis majeurs auxquels l'humanité est confrontée, induit des réactions très variables voire opposées.

     

    Il y a ainsi différentes perceptions d'une transformation souhaitable du monde. Au risque de simplifier, sans toutefois caricaturer grossièrement, on peut globalement repérer trois grandes voies : la voie politique, la voie personnelle et la voie des "alternatives".

     

    Alors qu'elles sont ensemble nécessaires, chacune est essentiellement portée de manière exclusive par un "petit monde". Ces "petits mondes" empruntant des chemins qui ne se croisent guère, la transformation peine à exister et à toucher la société. On sent bien que la réalité du changement en germe pourrait ne pas être à la hauteur des dangers et des défis. Les dégradations l'emportent, en rythme et en impact.

     

    Il y a une certaine porosité dans les contours de ces petits mondes et certains échanges entre leurs adeptes. Mais, ce sont là des arbres qui ne cachent pas la forêt de la dispersion, pour ne pas dire de la discorde. Cela fait écho à la division qui fait rage dans la société et cela la renforce. En conséquence directe, la remise en cause des solidarités construites par notre histoire sociale depuis un siècle et demi en particulier, bat son plein.

     

    Vous avez dit : solidarité ?

     

    Seules des solidarités micro sociales se sont maintenues. Certaines ne sont amplifiées sous l'effet de l'affaissement des solidarités macro sociales, de cette solidarité massive qui fit naître les grandes luttes collectives et leurs gains sociaux. Et des victoires qui, en retour, entretinrent cette solidarité-là.

     

    Mais le bon vieux principe des vases communicants ne joue pas vraiment ici. Les micro sociales ne remplacent pas les autres, moribondes. Alors, les régressions succèdent aux régressions depuis plusieurs décennies. Partout pilotées et institutionnalisées par l'Etat.

     

    Les micro sociales sont, elles, issues de l'archipel associatif et de la myriade familiale. Elles ne s'opposent pas à la logique dominante. Loin de la bousculer, elles ne font que colmater quelques brèches.

     

    Bien sûr, les actions de certaines associations limitent utilement des dégâts humains en croissance. Mais, elles n'en réduisent pas la source et le développement.

     

    Le soutien familial ne le fait pas davantage. Forcément variable et fragile, ce dernier peut même être un autre facteur d'inégalités. En particulier en ce qui concerne la solidarité inter générationnelle. Les enfants des milieux modestes vivent souvent la double peine. Plus touchés que les autres par le chômage, le manque de logements à prix accessibles et la hausse du coût de la vie, ces jeunes sont en moyenne bien moins aidés financièrement par leur parents. Et ne le sont pas du tout pour certains.

     

    Et nous ?  Oh pas tout le monde, bien sûr.

     

    Au bilan, la dégradation est large. Elle s'accompagne d'un réflexe d'impuissance, d' inquiétude, de démoralisation, de frustration et parfois d'une colère plus ou moins contenue. Parallèlement, le sentiment d'insécurité et le pessimisme se sont diffusés. Bien évidemment.

     

    L'histoire montre, au delà même de ce siècle et demi de capitalisme, dans ce système comme dans tout système antérieur de domination 1, que seule une union suffisamment importante du peuple dominé peut s'opposer à sa mécanique et à ses penchants à l'excès. Excès de domination et d'exploitation, inégalités scandaleuses, tyrannie d'une logique imposée qui produit différentes formes de violence.

    C'est d'abord une violence verticale du haut sur le bas. Et ce sont ensuite des violences horizontales de type « délinquances ordinaires ». De manière centrale, ces dernières sont celles que des gens ordinaires exercent sur d'autres gens ordinaires. Nous sommes presque tous ces gens-là.

     

    Les deux formes de violence – verticale et horizontale - sont étroitement liées dans le système. Elles sont dans sa « nature ». J'entends par là sa logique de domination et d'exploitation et sa culture de l'hyper individualisme et de la division.

     

    La première violence, celle de l'Etat et des tenants du « Capital », se renforce : lois coercitives plus nombreuses et plus contraignantes, contrôles et répressions accrus, surexploitation économique et psychologique au travail dans le privé et dans le public, harcèlement et « racket » amplifié de la part du marché et de l'Etat 2, rareté et mise en concurrence de la population autour du travail, du logement, de la richesse économique, stigmatisation plus ou moins subtile de quelques groupes sociaux (les jeunes des banlieues, les « profiteurs » des minima sociaux, les réfugiés clandestins, les salariés en gréve, même si les grèves sont devenues plus rares...).

     

     

    Contrairement à ce qui est son but officiel, la violence (« légitime », selon la terminologie officielle enseignée à l'école) de l'Etat n'a pas pour résultat patent de réduire les secondes : les délinquances. Au contraire, les deux types de violence, s'alimentant à la même source, celle de la dégénérescence et du triomphe du système, se multiplient.

     

    Alors que cette logique et ce système sont subis ou portés de manière plutôt passive par la majorité, ils le sont de manière active par une minorité qui jouit de la domination et de l'exploitation, jusqu'au fanatisme chez certains. Cette inégalité structurelle des implications est fondamentale. Elle est lourde de sens et de conséquences. L'affirmation « apolitique » assez répandue qui attribue indistinctement à tous, des rôles et des responsabilités équivalents, est ainsi assez stupide.

     

    La division par x.

     

    Comme suggéré plus haut, face à la supériorité numérique écrasante des dominés, la force de la minorité qui domine réside dans la division de cette « multitude ». Cette division relève de modalités variables selon les époques. Mais elle s'impose comme nécessité trans historique de la domination de « quelques uns » sur la masse de la population.

     

    Au final, la division est le socle et le garant de la pyramide de la domination. Ce sans quoi, cette dernière n'est guère possible.

     

    Cela s'exprime aussi de manière centrale, dans la culture dominante et dans tous les aspects de la réalité économique et sociale, par la diffusion d'un individualisme étroit (prétendument positif et fertile en bonheur de vivre) et de la compétition.

     

    L'individualisme égocentrique y est donc promu au détriment de l'esprit collectif et de l'attention à l'autre qui sont indispensables au bien vivre commun. Les termes même de commun et surtout de communauté sont marginalisés, voire quelque peu diabolisés avec l'usage relativement fréquent de « communautarisme ». Et avec l'aberration avérée du communisme d'Etat.  Ou lorsque le terme « communauté », abâtardi par internet, ne disparaît pas dans la virtualité de ses réseaux sociaux et dans la rhétorique publicitaire de ses multinationales.

     

    Humain ?

     

    Or, avoir l'autre à l'esprit et le sens de la communauté humaine, cela définit sans doute essentiellement l'humanité de l'Homme.

     

    L'expression "c'est quelqu'un d'humain" témoigne de cela. Une telle personne est quelqu'un qui « vit plutôt bien sa vie » et qui, indissociablement, manifeste un sens collectif et une attention au sort de chacun. On peut avoir le sentiment qu'un tel individu est même plus épanoui que beaucoup d'autres.

     

    Aujourd'hui comme naguère, dans la société humaine, la domination n'a rien d'évident et d'immuable. Ceci contrairement aux lois de la nature, à la course des planètes dans le système solaire etc...

     

    C'est d'abord une logique d'intérêts particuliers et une idéologie portées par les individus et les classes qui veulent dominer et en tirer pouvoir et argent 2. Ils tiennent « énormément » (sic) aux privilèges que leur permet un tel ordre inégalitaire. Et ils tiennent à transmettre ces privilèges à leurs enfants et plus largement à leur clan.

     

    La liberté sous influence permanente et contrôle politique central.

     

    Pour ce faire, ils ont eu et ils ont toujours besoin du pouvoir politique qui protège et pérennise cet ordre-là. A cause des élections et cela particulièrement depuis le milieu du 20ème siècle, ils ont besoin de contrôler les grandes sources d'informations et de distractions. Contrôler l'usage de l'essentiel de ce temps (de "cerveau humain disponible") hors travail. 3   

     

    C'est pourquoi, ils s'approprient tous les types de médias à diffusion massive d'abord, plus ou moins importante ou prometteuse ensuite. Même ceux qui assez nombreux (des journaux surtout) sont économiquement non rentables.

     

    La pire des démocraties.

     

    La démocratie "représentative" inventée fin 18ème - début 19ème et peaufinée par la suite, a immanquablement permis l'appropriation du pouvoir politique par la nouvelle classe dominante. Sans une force populaire d'opposition suffisante, les dominants encadrent la société et orientent son évolution. Ils la possèdent en quelque sorte et elle est à leur image. Elle est fondamentalement soumise à leurs intérêts et à leur idéologie.

     

    Dans ce contexte d'effacement de ce que porte le mouvement social issu des dominés, comme ce ne sont pas la modération, le partage, l'empathie et l'égalité des conditions qui les motivent le plus, les dominants sont enclins à "abuser".

     

    Dans le domaine politique, que le pouvoir soit à la gauche libérale ou à la droite libérale, cela ne change rien. Ce monde du pouvoir - ceux qui l'exercent et ceux qui veulent l'occuper à leur tour - partage la même idéologie et vise les mêmes gains. Ce sont des individus qui viennent très essentiellement de la classe sociale supérieure et même du haut de cette classe. Les quelques individus qui échappent à cette règle de recrutement social, ne dérogent pas au partage de la même vision du monde et du même attrait pour le pouvoir et ses privilèges.

     

    Tout est mis en oeuvre "démocratiquement" pour que "électoralement", le risque d'un très mauvais résultat soit proche de zéro. Et plus l'élection concerne les niveaux supérieurs de pouvoir, plus le risque zéro est approché.

     

    Le beurre de l'extrême droite.

     

    Dans cette situation qui apparaît plus clairement aujourd'hui, sur fond de pensée unique et de politique unique socialement désastreuse, la lignée Le Pen plutôt fortunée et l'extrême droite en général, exploitent le désarroi. En prétendant vouloir un autre système et être le peuple à la place du peuple. En le divisant davantage encore.

     

    Ils jouent sur le mal-être de sujets dominés qui se sentent en insécurité et non entendus. Ce que nous sommes au fond presque tous aujourd'hui. Le fonds de commerce d'un néo-fascisme modernisé qui veut à son tour le pouvoir, est donc potentiellement très large. A la fois constant dans son fond idéologique - nationalisme et désignation de boucs-émissaires – le discours de l'extrême droite devenu plus « fin », sait utiliser avec une certaine mobilité le désarroi d'humains plutôt isolés.                                                   Avec la jeune Marion Maréchal-Le Pen, un ami avance que le message sera bien plus séducteur encore.

     

    C'est le désarroi d'une foule de personnes qui sont de fait étrangères aux réseaux de discussion et aux diverses petites tribus consanguines (militantes, alternatives, spiritualistes..) qui poussent et parfois végètent, plutôt agréablement,  dans la friche de la division.

    Cette majorité a alors une image du monde essentiellement construite par la télé, la radio et le journal régional, par « leur  actualité débordante » de faits divers décontextualisés,  hors sol et hors sens. C'est une image nourrie à la malbouffe de l'idéologie tout aussi débordante qui y prévaut. Cela explique en très grande partie pourquoi l'extrême droite réalise un score d'une importance surprenante, dans des petits villages plutôt tranquilles. Là où ne vit par exemple aucun individu d'origine immigrée récente.

     

    A cause de cela, mais pas uniquement, le sujet est loin d'être anodin.

     

     

    Sommaire

     

     

    Prologue.

    Il serait tellement nécessaire que ces voies-là soient unifiées en chacun.

    Renoncer : le mauvais sens près de chez soi.

    Le bon sens a de l'avenir, si l'on reconnaît...

    Pouvoir concentré et séparé : Sujets dominés et consentants = Sujets fascinés par l'élitisme.

    "L'intelligence collective" : une blague ?

    "Les gens sont cons". De la connerie et...

    ...de l'auto-dévalorisation / autodestruction.

    "Les inégalités sont partout dans la nature".

    "Tout est naturel" : l'égoïsme, le pouvoir, la guerre, la faim, les inégalités...

    La nature a bon dos.

    Le rayon fourni du prêt-à-penser.

    "Il y a ceux qui ont l'esprit d'entreprise et il y a ceux qui ne font rien".

    Bloc-age et fatal-age sont dans notre bateau...

    Vive nous. Vivre le "nous" au côté du "je".

    "Les Hommes sont bons, les gouvernements sont des merdes".

    L'individualisme néolibéral nous mutile.

    La réalité ne se soumet pas au bon vouloir de nos consciences borgnes.

    Le passé n'est pas forcément un bon vieux temps, mais...

    Le trou de mémoire rempli par les prêts-à-penser.

    La psychologie de l'individu "libéralisé".

    Les dangers du monde tel qu'il va.

    L'hypothèse de la "bascule sociale".

    Bascule dans les pièges de l'imaginaire conservateur.

    Le "génie" d'un totalitarisme post totalitaire à visage démocratique.

    Donner en plus à la barre du navire, un mouvement déterminé.

    Participer aux choix collectifs, ce n'est pas une simple option pour chacun.

    Nous sommes potentiellement nombreux, mais...

    Union, ré-union attendues.

    Le développement du féminin.

    "Je commence par m'occuper de moi, après on verra".

    Certains échanges, plutôt qu'une bénéfique osmose.

    Radicalité et extrémisme.

    "Chacun est libre, chacun peut construire sa résilience".

    Lorsque je suis bien davantage motivé par la-ma situation individuelle...

    Le Karma. "Ce qui nous arrive doit nous arriver et la souffrance nous apprend".

    La quête de sens et l'errance orientale.

    "India, the land of spirituality".

    "Entrez dans le monde de la sérénité".

     

     

    Il serait tellement nécessaire que ces voies-là soient unifiées en chacun.

    Ne sommes-nous pas des êtres sociaux à la fois uniques et interdépendants ? Ne sommes-nous pas des humains ayant à choisir leur vie personnelle dans une Cité commune, elle-même à choisir ? Et ces deux facettes d'une existence mieux choisie ne sont-elles pas irrémédiablement indissociables ?

     

    Pourquoi diviser notre "totalité" humaine et vivre exclusivement un aspect plutôt qu'un autre ?

     

    Alors que ces voies unifiées en chacun font la richesse de la voix singulière de l' "Être en pleine vie sociale" que nous pouvons être. Est-il inopportun de dire : ..de l'  "Être en situation optimale de réalisation de soi" ? Personnellement, je suis bien sûr plus proche de celles et ceux qui en nombre encore modeste contre l'air du temps, tentent d'unir en chacun d'eux les nécessaires transformations - la personnelle, la politique et les pratiques "alternatives".

     

     

    "Sois le changement que tu veux voir dans le monde". Cette citation de Gandhi est assez souvent reprise par les adeptes de la transformation personnelle, comme par ceux du petit monde "alternatif".

     

    Parmi deux interprétations possibles de cette parole, la leur est réductrice et intéressée. Ils veulent voir le "changement du monde" réduit à celui de chacun. Ils veulent voir la diffusion des transformations personnelles, imaginée telle une tâche d'huile, comme une condition suffisante de la transformation du monde. Tout étant ramené à la dimension individuelle et donc à l'idée d'un individu-source tout puissant (à l'image d'un dieu ou de Dieu), c'est pour ces adeptes-là la voie unique et suffisante du changement.

     

     

    Une telle ferveur respire à la fois le simplisme, la démesure et la croyance. Elle est une fuite devant la complexité d'une compréhension raisonnable du réel.

     

    Beaucoup d'entre eux veulent ainsi justifier leurs postures de choix exclusif. Un choix qui signifie une auto-réduction de cet humain possible et souhaitable, de pleine vie sociale et de pleine humanité. Or, ces "gandhistes" oublient que Gandhi fut en même temps un leader politique et qu'il choisit de l'être. Et c'est sans doute à cause de cela qu'il fut le plus gênant, car le plus "transformateur" du système en place. Au moins, potentiellement.

     

    Et que du fait de son engagement politique à ce haut niveau-là, il fut assassiné par un "fanatique ou un fou", selon la version officielle et les livres d'histoire.

     

    Franchir certaines lignes n'est pas acceptable pour les milieux qui ont de puissants intérêts en jeu. Et pour les autres fanatiques de l'ordre existant. Ces lignes sont : le franchissement (ou la menace de franchissement) du pouvoir à haut niveau et l'obtention d'une audience publique croissante pour son discours de changement important mettant en cause la logique et l'ordre dominants.

     

    Loin de l'Inde, par exemple, un autre mauvais joueur politique très populaire, prétendant en plus franchir la première ligne, celle du pouvoir suprême, fut tué dans un accident de la route par un conducteur de camion y faisant un demi-tour (version officielle) ou opérant un écart déterminant sur la voie d'en face (autre version). Quoi que l'on en pense, le fait est que les menaces anonymes successives n'avaient guère fait reculer l'entêtement du trublion populaire Coluche.

     

    Les croyants-électeurs en l'Etat et en la démocratie représentative, en une possible transformation profonde par l'élection et par le haut (par l’État et ses grandes institutions élues), apprécieront l'évocation de la version non officielle qu'ils jugeront horriblement complotiste... Ces croyants ne risquent quant à eux rien.

     

    Renoncer : le mauvais sens près de chez soi.

     

    Il n'est pas juste que l'on renonce particulièrement aujourd'hui à s'occuper de notre "cité" (du grec "polis" qui a donné le terme "politique"). C'est au fond une mauvaise idée de laisser à quelques individus le choix de ses orientations très concrètes, de ce qui nous regarde, chacun et ensemble.

     

    Nous sommes habitués à cette "vie politique" médiatisée qui signifie notre mort ou notre sommeil politique. Nous ne sommes d'ailleurs guère capables de réfléchir hors de ce cadre du pouvoir concentré et séparé de nous. Notre imaginaire, plutôt alerte et débordant sur certains sujets, est stérilisé sur celui-là.

     

    Pourtant, un recours au simple bon sens permettrait de dire par exemple que les meilleures orientations dans le sens de l'intérêt général devraient provenir du général. D'une assemblée générale ou en tous cas d'un nombre large d'individus et surtout socialement hétérogène.

     

     

    Le bon sens, c'est aussi de constater que l'ensemble de la politique concrète nous touche personnellement et intimement. Et qu'abandonner notre capacité d'influer directement sur elle, ce n'est pas la situation la plus favorable à notre réalisation et notre épanouissement.

     

    Dans ce contexte d'incapacité, les dégradations sont aujourd'hui légion. Entre autres et en vrac : le lent démantèlement de la protection sociale plutôt égalitaire et des services publics de proximité, l'explosion consécutive d'une mosaïque de mutuelles inégalitaires, la mainmise organisée du marché sur presque tout, sur la santé, l'alimentation, l'accès à la terre et au logement, la puissance politique des lobbies, la concentration des richesses en haut de la société, la pauvreté croissante, la mise en place forcée du projet de constitution pour l'UE pourtant refusé en France par référendum, la réduction du droit conquis qui protégeait encore les salarié-es, la prolongation de l'utilisation des poisons avérés dans l'industrie agro-alimentaire et chimique, le choix politique du tout-nucléaire, le choix forcé d'une mondialisation économique forcément "heureuse", l'imposition des traités d'échanges commerciaux "légalisant" de facto les normes sociales des États-Unis, celles qui prévalent en matière de qualité alimentaire et d'écologie, etc, etc...

     

    Le bon sens a de l'avenir, si l'on reconnaît...

     

    Qu'il n'est pas juste que l'on abandonne ces choix de construction de notre société commune et de son évolution, à une élite fort peu désintéressée et donc très peu bienveillante. Et qui n'a rien de gandhiste et de spirituelle. Que l'on laisse tout cela, via les élections, à un régime politique de type aristocratique visiblement usé et anachronique.

     

    Reconnaître que l'on ne peut plus percevoir ces propos comme une idée parmi d'autres. Que c'est désormais une réalité tangible. Y résister trop longtemps pour différentes raisons personnelles, serait une erreur de jugement et un trouble de la conscience à la portée considérable.

     

    On sait bien que ces dirigeants politiques professionnels sont issus des élites sociales et qu'ils ne sont pas les plus doués pour représenter la totalité, ni même la majorité de la population. On sait qu'ils sont quand même davantage préoccupés par leurs intérêts personnels, par le court terme de leurs plans de carrière politique et les avantages du pouvoir concentré en leurs mains. Bien plus que par le mieux-être général, la préservation de la planète et l'avenir de l'humanité.

     

    On sait. Plus ou moins. De mieux en mieux.

     

    Mais l'imaginaire en panne, orphelin d'utopies généreuses après le « cycle des révolutions ratées » 3, la conscience mutilée et l'inquiétude enfouie au fond du corps, on accepte ou on abdique. Le confort aide à cela, une certaine spiritualité mystique aussi.

     

    Pouvoir concentré et séparé : Sujets dominés et consentants = sujets fascinés par l'élitisme.

     

    Contrairement à ce qui est mis dans nos têtes de sujets dominés et consentants, n'importe quel individu lambda sans instruction extraordinaire et mis en situation de responsabilité, aurait bien davantage à l'esprit l'intérêt général, le bien commun et l'attention à la planète. Ne serait-ce que parce que les intérêts personnels d'un humain ordinaire sont de niveau ordinaire. Et qu'ils sont donc bien moins obsessionnels. C'est en somme là aussi, le bon sens oublié près de chez nous.

     

    Pas mal d'expériences d' "assemblées citoyennes" menées dans différents pays, vérifient ce fait qui va à l'encontre de ce que l'on croit. A l'encontre de cette méfiance à l'égard de nos congénères, de cette non-confiance dans le peuple commun que nous formons ou pourrions former. Ce sont là des sentiments réflexes liés à une perception que nous avons apprise. Elle nous est transmise presque en permanence par un environnement culturel et médiatique complexe 6.

     

    La non-confiance domine donc chez les dominés que nous continuons alors à être. Elle entretient le consentement au (maintien du) pouvoir des élites sociales que l'on sait pourtant peu douées pour un intéressement personnel mesuré.

     

    Il est vrai que ces expériences concrètes d'assemblées citoyennes ayant à prendre une décision collective, sont fort peu portées à notre connaissance par les médias et tous ceux qui s'y expriment abondamment. Étonnamment, penseront certains... non sans humour. Enfin, on peut l'espérer. Il faut donc être motivé pour dénicher cette information. Le grand bazar de l'internet aide 7.

     

    Voir par exemple en France, les "conférences citoyennes" de Jacques Testart et de sa fondation Sciences citoyennes. https://www.youtube.com/watch?v=wCAVBxcxnAI

     

    "L'intelligence collective" : une blague ?

     
    Le pouvoir totalement concentré en quelques mains installe de facto notre non responsabilité et notre isolement. On n'a pas à réfléchir et à se réunir.

     

    Chacun est majoritairement livré à lui-même, à ses pulsions et réflexes plus ou moins conditionnés, à son impuissance et sa frustration. Davantage occupé par son histoire et son pathos personnels, soit à s'efforcer de les comprendre et à tenter de les dépasser, soit à s'y soumettre par manque de capacité et d'outils.

     

    Alors, dans les situations de groupes que nous connaissons tous, d'individus ponctuellement juxtaposés dans la réalité sociale présente, le phénomène de "l'intelligence collective" n'existe pas spontanément ou alors fort peu. Nous n'avons donc pas connaissance de la capacité des humains ordinaires qui se trouvent, au contraire, dans une situation de pouvoir et de responsabilité imbriquant l'individu dans le groupe. Cette situation ne nous étant pas connue, nous n'avons pas l'expérience de l'intelligence collective.

     

    Non observable, non médiatisée et pas davantage sujet scolaire, elle est donc facilement ignorée de presque tous.

     

     

    Au contraire, de nombreux propos, chansons et écrits célèbres appuient l'idée unique de la bêtise de la foule : "Quand on est plus de deux, on est une bande de cons", "L'intelligence d'une foule se calcule en divisant l'intelligence d'un individu moyen par le nombre de personnes qui la composent", etc. Dans nos têtes, la boucle est bouclée. La raison peut refuser ce que disent de manière reproduite les expérimentations concrètes montrant la réalité de l'intelligence collective.

     

    Il y a là une sorte de petit négationnisme acceptable. Plutôt général, il pose d'autant moins de problème à la conscience de chacun.

     

    "Les gens sont cons". De la connerie et...

     

    Ce que nous connaissons et vérifions dans la vie sociale quotidienne, ce sont les nombreux travers des humains qui vivent dans une situation historiquement longue de domination, de division, de compétition et de stress. Ces humains mutilés et malmenés, nous en faisons peu ou prou la "nature humaine".

     

    Nous "zoomons" uniquement sur ces travers pour mieux nous convaincre que la caricature n'en est pas une, et de surcroit grossière. Qu'une telle réduction ne relève pas d'une grande paresse intellectuelle et spirituelle. Et qu'elle n'est pas une vue aliénée à la logique de division qui est celle des tenants de l'ordre en place. Ce contexte ne changeant pas, les travers demeurent et peuvent même s'amplifier si le niveau de domination, de compétition et de stress augmente. Ce qui est le cas aujourd'hui.

     

     

    On retrouve donc des comportements et des propos navrants en provenance de ces humains réduits que nous sommes, dans toutes sortes de séquences de vie, des plus agréables jusqu'aux plus pénibles. Des plus quotidiennes, aux moins fréquentes.

     

    L'intelligence collective possible dans un tout autre contexte qu'il faut largement imaginer, est alors perçue comme parfaitement irréelle face aux nombreuses manifestations concrètes de l'inintelligence collective. Au volant, se distrayant devant un match de football ou au concert, à l'occasion des soldes des grands magasins, dans les conversations de bistrot, dans les raisonnements politiques et dans les votes...... on fait les mêmes constats négatifs devant lesquels on ne se lasse pas d'être déçu et scandalisé.

     

    On exprime le scandale d'autant plus abondamment que l'on se distingue soi-même de la masse des autres. Un tour d'illusionnisme mental qui permet d'échapper à la félonne caricature de l'humain. On se valorise ainsi à bon petit compte, sans grand effort de réflexion et d'autonomie de jugement. Et donc avec fort peu de liberté d'esprit et de conscience.

     

    Que l'on observe ces "mauvais" aspects des réactions humaines à maintes reprises et depuis longtemps, c'est un fait.

     

    Mais dire qu'ils définissent l'humain, totalement ou en grande partie, il y a là un abus et une incapacité de projeter et de décontextualiser. C'est une interprétation réductrice en somme assez peu intelligente, côté cœur et côté raison. C'est une des facettes d'un manichéisme conditionné et de l'intériorisation d'une culture de la division et du fatalisme. Pour certains, les «honnis», ce sont quelques minorités (fonctionnaires, immigrés, réfugiés..) et pour d'autres, c'est la masse, le « tout-venant ».

     

     

    Pourquoi ne pas dire au contraire que si l'on retrouve assez fréquemment ces comportements depuis des temps immémoriaux, c'est d'abord parce que le contexte global est le même depuis des temps immémoriaux. Un contexte médiocre produisant pas mal de comportements médiocres. La pauvreté et les inégalités croissantes produisant une croissance de ces réactions, en particulier (mais pas seulement) dans les milieux pauvres. Il est étonnant que beaucoup s'étonnent devant l'évidence qu'un certain nombre d'individus de ces milieux s'insurgent à leur manière devant leur situation.

     

    En réalité, la "nature" humaine montre concrètement des choses extrêmement diverses. Un contexte particulier active davantage qu'un autre certaines potentialités de la complexité et de l'adaptabilité de l'animal humain. Tandis que dans ce même contexte, d'autres traits humains tout aussi possibles, sont relégués, marginalisés ou absents.

     

     

    Pourquoi en vient-on même plus facilement, particulièrement aujourd'hui, à mettre en avant cette explication méprisante et "micro-fascisante" (voir plus loin le sens de ce mot dans «Psychologie de l'individu libéralisé») qui postule que l'humain est un être vivant bien décevant et même assez raté ? Jusqu'à suggérer avec plus ou moins d'humour, qu'il est une erreur de la création et que son extinction serait heureuse pour l'ensemble des autres espèces vivantes.

     

    Il est totalement surprenant que ce jugement blessant ou assassin, ce degré zéro d'une liberté de l'esprit, soient exprimés, assez fréquemment quand même et avec une certaine conviction, par des parents ou des enseignants. Ceux-là même qui sont sensés éduquer des jeunes, leur communiquer un plaisir de vivre et l'envie de construire avec les autres.

     

    ...de l'auto-dévalorisation/autodestruction.

     

    Une réponse à la question précédente se niche peut-être dans ceci : lorsque l'esprit critique de l'animal social et politique régresse en l'humain, son humanité s'étiole. Ainsi déprimé, il fuit sa propre dévalorisation en la reportant sur « les gens » ou les « différents » . En doutant de l'humanité de ces « autres », jusqu'au mépris selon l'état de son propre mal-être... et d'une certaine lâcheté personnelle. Plus ou moins conscient de la faille de ses propos et de sa lucidité, il utilise parfois l'humour en guise de cache-misère.

     

    La distinction "élitiste" et la culture de la domination diffusent et renouvellent le vieux mépris pour la "masse", pour les « gens ». Cela constitue une des bases de la construction sociale. Le conformisme à ce socle-là perpétue un ordre qui n'en finit pas de produire ses désordres. Il permet à un humain en faillite avec beaucoup d'autres, de se contenter de cette non réflexion, de ce jugement (de) misérable. Et de se rassurer sur sa propre existence.

     

    Il évacue ainsi la question fondamentale des conditions du changement. Mais peut-être craint-il au fond un changement dans l'inconnu. Peut-être lui préfère-t-il le connu ou l'entrevu, même assez inquiétant ou très inquiétant. Le déluge... mais réellement perçu : après moi et à cause des « gens ».

     

    Ainsi fuit-on une réflexion qui mérite plus que d'autres d'être « radicale » (d'aller à la racine) parce qu'elle relève de la complexité et de la difficulté. On fuit en renonçant à faire son auto-analyse critique, à rechercher la source sociale et historique des choses. Alors même que cela est bénéfique. Il est vrai que pour accéder à ce résultat, il faut une certaine dose de courage personnel et de motivation pour se construire une pensée un tant soit peu libre et exigeante en conscience et en humanité.

     

     

    L'humain mutilé, très peu ou pas du tout conscient de cette mutilation de son humanité, tend à l'autodestruction... naturellement, si l'on peut dire. C'est une sorte de suicide symbolique d'un humain incomplet, séparé et frustré. D'un humain qui vit le profond mal-être induit par le ratage d'une réalisation qui passe nécessairement par toutes ses dimensions. Et entre autres, par sa composante sociale et politique.

     

    Aujourd'hui, le phénomène d'une certaine mise en danger de soi, jusqu'aux différentes formes d'une autodestruction globalement inconsciente, s'est développé. Il revêt maints niveaux et rythmes : addictions multipliées parfois conjuguées, drogues, alcool, tabac, surcharges alimentaires, surconsommation de médicaments, consumérisme plus ou moins obsessionnel, dépression et burn-out, conduite automobile risquée, sports extrêmes...

     

    Le vote Le Pen n'est pas étranger au mal-être croissant et à cette sorte de régression nihiliste qui peut en découler.

     

    "Les inégalités sont partout dans la nature".

     

    "Qu'il y ait de grandes inégalités dans notre société, cela relève plus de la nature qu'autre chose", entend-on de plus en plus fréquemment. La nature est à la mode. Son exploitation aussi, dans différents registres. Là, il s'agit du renoncement individualiste et parfois spiritualisé, à la juste quête collective d'égalité, à une certaine harmonie entre liberté et égalité.

     

    A cela, on peut déceler deux grandes causes. Elles ne sont pas présentées ici de manière hiérarchisée. D'abord, un autre contexte sociétal est devenu d'autant plus difficile à imaginer, que les différentes variantes du système alternatif socialiste et/ou communiste ont échoué. Notre imaginaire éduqué au « clé en mains » toujours produit en dehors de nous par une élite, a ainsi perdu un repère historiquement majeur. On assiste ensuite à une dégénérescence accélérée de la démocratie représentative. « La » politique du monde du pouvoir devenue inéluctablement homogène et régressiste, ajoute au désintérêt pour « le » politique et même pour la démocratie.

     

    Plutôt que de se les réapproprier et ensemble de les redéfinir, on laisse « tomber » son « animalité politique ». Celle qui nous définit en partie et qui donne à l'Homme une caractéristique fondamentale. L'idéologie politique dominante devenue unique n'y est évidemment pas pour rien. Elle met davantage encore en friche, des esprits séparés et privés d'un ensemencement fondamental qui n'existe que dans et par le collectif.

     

    Des propos réactionnaires ultra conservateurs tels que "There's no alternative" et "L'Histoire est finie" ont d'autant plus enfoncé le clou dans les têtes, qu'ils furent fort bien médiatisés.

     

     

    Au-delà, le contexte global qui est le nôtre, est en place depuis que nous sommes nés et depuis moult générations. Il est donc parfaitement intériorisé et facilement naturalisé. Comment n'influencerait-il pas très profondément l'ensemble de nos comportements ? Même si certaines personnes ont de tous temps su développer une certaine liberté relativement à ces armes de détermination massive, on ne peut nier la puissance de leur impact.

     

    Il faut donc faire preuve d'une forte motivation pour résister, pour rendre un peu plus libre son imaginaire et pour développer sa curiosité et sa recherche. Pour s'épanouir davantage sur le chemin d'une conscience ouverte, d'une autonomisation patiente et déterminée qui se réalise davantage lorsque l'individu oeuvre pour et dans le collectif.

     

    L'autonomisation personnelle est inséparable de l'autonomisation/émancipation collective. A défaut de cette dernière, les démarches individuelles, outre le poids des régressions occasionnées par l'absence de collectifs d'ampleur, ajoutent à la division sociale et aux inégalités. Il est un fait avéré qu'une grande partie des humains ne trouve pas les moyens personnels de cette seule autonomisation individuelle. Ne pas le voir, c'est tomber dans l'égocentrisme et le leurre du miroir aux alouettes, qui est aussi celui de la belle-mère narcissique de Blanche-Neige.

     

    "Tout est naturel" : l'égoïsme, le pouvoir, la guerre, la faim, les inégalités...

     

    Dans le domaine de la capacité critique, on sait bien que les inégalités sont aussi extrêmes que dans tous les autres domaines. Mais on devrait pourtant continuer à savoir que du côté des sources des inégalités, le facteur naturel n'est pas celui qui domine. Le fil de ce savoir-là s'est abimé. Le penchant pour la nature et le naturel se glisse partout, en particulier là où ils n'y font rien de bon.

     

    S'interroger et débattre sans fin sur la part du naturel et sur la part de l'acquis, est totalement stérile. Vouloir les isoler pour les mesurer et les comparer est quelque chose d'artificiel et d'absurde. La réalité humaine que l'on veut comprendre n'est pas du tout leur simple juxtaposition. L'humain n'est pas fait de parts de camembert ou de gâteau, il est le fromage ou le gâteau lui-même. En faire des parts, c'est pour le diviser, pas vraiment pour en connaître la recette.

     

     

    Nous, humains, sommes une totale fusion de ces ingrédients. La "cuisine" commence à se faire avant même notre naissance. Elle s'amplifie au fur et à mesure de notre existence. S'ils nous déterminent inévitablement, ces forces nous autorisent ensuite à construire notre individualité.

     

    Mais autorisation n'est pas forcément réalisation égale pour tous. Nous sommes dotés d'une grande capacité d'adaptation aux situations données. Mais le milieu social d'origine va profondément marquer cette capacité. Il oriente nos fréquentations sociales privilégiées, ces autres avec qui nous nous sentons en affinité. Et il influe puissamment sur ce qui du conformisme ou de la liberté a notre préférence. Le conformisme est largement semé car (très) attendu de nous. Il est abondamment cultivé par la société. La liberté se conquiert contre ce conformisme devenu instinctif.

     

    Les inégalités sont alors des inégalités que l'on peut appeler "de socialisation"" ou de réalisation par et dans son milieu social. Dans une société qui serait économiquement et socialement bien plus égalitaire et communautaire, elles seraient bien moindres que dans notre système. Cela aurait alors un impact considérable sur la capacité de liberté et de développement personnel de chacun. Cet autre cadre socio-politique permettrait un accès plus égalitaire à cette liberté et à ce développement. La solidarité y serait plus importante et aiderait à cela.

     

    La nature a bon dos.

     

    Écologiquement malmenée, la nature est donc aussi utilisée et exploitée d'une autre manière pour justifier les inégalités, le système global et la logique qui génèrent et amplifient ces inégalités.

     

    Notre système est caractérisé par la primauté de l'économie qui met en concurrence (bien plus qu'être le "doux commerce" qu'imaginait Montesquieu) et par la promotion de l'individu égocentrique, au détriment des valeurs de justice sociale et de solidarité. Dans un tel contexte global, les inégalités ne peuvent être que fortes. Et potentiellement s'accroître. D'autant qu'elles ne sont que très faiblement corrigées par un État qui veille surtout au grain économique et d'abord aux intérêts des castes qu'il représente réellement. Et cela bien davantage que d'assurer avec conviction la réalisation de ces valeurs maîtresses de notre nation que sont l'égalité et la fraternité.

     

    Les inégalités des conditions sociales (famille d'origine, moyens économiques, scolarité, études, réseau social) sont tout à fait prégnantes. Elles recouvrent, absorbent et dominent ce qu'il peut y avoir de naturel. Le terme "dénaturation" des situations humaines est à peine exagéré. Au point même que des comportements particuliers à une catégorie sociale durable dans le temps ou à une classe sociale, peuvent finir par s'intégrer dans l'identité génétique des individus concernés.

     

    Comme par ailleurs, peuvent s'intégrer génétiquement pour l'ensemble de l'espèce (de beaucoup d'espèces vivantes en réalité) des caractères évolutifs d'adaptation à un milieu en évolution. Il paraît que le volume de notre tête augmente... mais sans doute davantage dans les catégories sociales supérieures qui font des études supérieures.

     

    Le rayon fourni du prêt-à-penser.

     

    Il y a donc maints aspects d'un certain bon sens qu'infiniment de personnes fuient avec opiniâtreté. Les nombreux prêts-à-penser à disposition des humains frustrés, se substituent à lui.

     

    Oser alors dire que notre société se porterait bien mieux si elle était en démocratie populaire la plus directe possible, cela semble d'emblée fou et impossible à entendre aux oreilles courantes. Y compris à celles de fréquentations familières, dont un certain nombre de gauche et aux « grosses têtes ». Au mieux, le propos est perçu comme gentiment délirant. Au pire, comme dangereux.

     

    On y oppose, par exemple, des affirmations d'un genre aliéné à l'élitisme méprisant : "il y a une masse de gens (ou même la plupart) qui sont incapables de réfléchir", "tu plaisantes, tu as vu tous ces gens qui votent Le Pen ?" ou "qui mangent mal, qui se soignent mal, qui remplissent leurs caddies de trucs inutiles ou chimiques"... Un élitisme courant qui frise un « petit» fascisme, celui que l'on ne voit bien sûr que chez l'autre et pas vraiment chez soi.

     

    Ou ces autres propos qui tombent dans la caricature : "chacun ne pense qu'à lui", "les gens zappent, ils sont inconséquents". Et en sous-entendu : "sauf moi" qui profère ces jugements péremptoires à sens unique : celui de la dévalorisation du collectif et d'une ré-union souhaitable. Et "sauf toi" peut-être, à qui je les confie avec une naïve conviction et le sentiment minimaliste d'une fraternité rabougrie, réduite à quelques « purs ». Ou encore ces autres prêts-à-penser qui ne voient que des différences individuelles : "on est tous différents", "Il y a des bons et des mauvais partout". Tout est instable et relatif. Circulez, il n'y a rien à penser. "Yaka" constater.

     

    La réflexion est synonyme d'inutilité et de perte de temps. D'autant, si elle est poussée un peu loin. Elle est une prise de tête anachronique et ringarde, un temps perdu qui entrave mon petit plaisir de vivre ou de survivre "au max", sans temps mort.

     

    "Il y a ceux qui ont l'esprit d'entreprise et il y a ceux qui ne font rien".

     

    A propos des premiers cités, ces modèles de contemporains qui vivent effectivement sans temps mort... et de la masse innombrable de ces autres plus ou moins profiteurs, cette pensée spontanée et sincère d'un cher coûteux nouveau président nous rappelle décidément les " forces vives " de précédents. Ou comment humilier la multitude et l'inciter à cette lecture d'elle même et à courber l'échine.

     

    Au delà de cette caricature idiote et méprisante (encore le mépris), on doit constater que dans la société de la religion économique, le "bon" esprit d'entreprise peut être appliqué à tout : "Il faut être pragmatique et concret... pour que l'entreprise France avance". Arrêtons d'être utopistes et rêveurs, me souffle un copain. Comme si le pragmatisme et le concret étaient l'apanage des partisans et des gagnants de l'ordre économique et politique en place. Comme si ses maîtres et sa cour conservatrice avaient le monopole de ce qui est pragmatique, sagement réaliste et modéré.

     

     

    Tant pis si ce pragmatisme-là, lorsque l'on y réfléchit, c'est bien l'aval d'un amont. L'aval d'une utopie en actes qui en moins de deux siècles nous amène "pragmatiquement et concrètement" à des catastrophes et à une dégradation de la société. Sagement et modérément, vraiment ?

     

    Aux esprits et aux yeux éblouis par l'économie de marché capitaliste, une analyse qui plisse un peu les yeux pour y voir plus clair, ne sert à rien. Par exemple, celle qui cherche à comprendre la profondeur du mal, à repérer des mécanismes de dégradation et de blocage du changement souhaitable dans nos esprits et dans les structures de la grande machine politico-économique. Dans la logique d'une construction qui nous a tous précédés, qui est dans nos têtes bien sûr, mais bien au-delà d'elles.

     

    Le laisser-faire économique est le grand principe. Il est celui du marché libre et il doit être celui de chacun. Pour la première fois, l'Homme est sommé de ne plus être ce roseau pensant en quête du juste. Cet humain capable de penser la racine des choses et ses propres racines, en recherche d'un meilleur enracinement et d'un mieux-être en société. Un être libre, capable pour cela (dans le sens de cette radicalité-là) d'envisager idéalement et concrètement un autre terrain plus favorable pour tous.

     

     Bloc-age et fatal-age sont dans notre bateau...

     

    Dorénavant, l'air du temps est à la négation du collectif et des forces sociales à l’œuvre.

     

    Tout est individuel et donc variable. Le rythme naturel de l'évolution des sociétés est une sorte de moyenne des évolutions d'individus égaux. La même liberté offerte à tous crée des inégalités concrètes dont il n'y a rien à dire. Hormis qu'elles sont à l'image de ce que montre la nature. Il n'y a rien d'autre à faire et à penser que cultiver son jardin-nombril et surveiller celui des autres. Que méditer et ouvrir ses chakras. Et peut-être devenir des dévots du bouddhisme tibétain, tels qu'ils peuvent un jour susciter un mépris explicite de la part d'un grand « maître » en pauvreté dans un pays riche.

     

     

    Dans ce monde d'individus libres et différents juxtaposés, tout est perçu mouvant, insaisissable et relatif.

     

    La célèbre théorie de la relativité d'Einstein se trouve en quelque sorte dégradée en un relativisme général qui annihile toute réflexion sur la dimension sociale, sur les structures et sur les forces correspondantes qui nous habitent. Une réflexion sur ce qui, en interaction avec les choix individuels, permet de mieux comprendre la réalité. Et qui permet ainsi de pouvoir la changer. Avec le noble objectif de rechercher de la manière la plus ouverte, un mieux-être collectif ne se réduisant pas à la seule addition de mieux-être personnels en nombre limité.

     

     

    L'absence de ce regard critique inhérent à notre espèce 8, glisse aisément vers le fatal : "On ne peut rien faire". Ou "rien faire d'autre que de s'occuper de soi" et de tâcher d'éclairer de sa petite lumière le petit monde qui nous entoure. Quoi qu'il en soit, beaucoup râlent. Nous râlons presque tous. On essaye des pseudos leaders politiques différents : ici, l'excité Sarkozy, le brillant jeune Macron et ailleurs le noir Obama et le milliardaire Trump.

     

    Et puis après en France, un jour, "essayer" une femme de poigne de la famille Le Pen et son clan d'extrême droite.

     

    Avec la chasse aux étrangers sur notre sol national et le pseudo murage des frontières, comme cœur de "notre" projet politique. Et comme corps : une division sociale exacerbée et peut-être un certain climat de guerre civile. Puis après le trauma extrémiste, un Valls ou un Fillon qui nous paraîtra léger et beaucoup plus acceptable. Nouvel essai. Nouveau piétinement illusoire. Tourner en rond un peu sonnés. Ne pas sortir de la cage dorée. On ne sait jamais.

     

    Au delà de la variété des comportements individuels, c'est la même panne de liberté et d'imagination. Ce blocage et le fatalisme consécutif trouvent une source essentielle dans l'effacement de la conscience collective. Cette mutilation de notre humanité, c'est aussi un niveau de réflexion qui est absent ou que l'on s'interdit. Celui qui consiste à imaginer et à oser une autre pratique politique, en sollicitant l’Être collectif (le citoyen, dit-on souvent abusivement 7 aujourd'hui) qui vit en chacun. Imaginer cela suffisamment nombreux pour oser une autre direction pour notre bateau.

     

    Vive nous. Vivre le "nous" au côté du "je".

     

    La construction du changement et son orientation nous reviennent en plein. C'est la leçon qu'il faut tirer de l'histoire. C'est aussi celle que le présent nous suggère tous les jours. La démocratie représentative réellement oligarchique est épuisée. Elle épuise les bonnes volontés et la grande capacité d'adaptation dont l'humain est capable.

     

    Toutes les considérations qui amènent à douter, à tergiverser, à refuser, sont compréhensibles et sans doute nécessaires. Mais, s'y arrêter paresseusement parce que l'on est trop vieux ou jeune ou femme ou en situation encore confortable, cela nuit beaucoup à soi et à tous.

     

    Les inconvénients de cette longue attente et de l'auto diversion dont nous humains sommes capables, rejaillissent déjà sur notre vie personnelle, sur le présent et l'avenir commun. Ils vont s'amplifier. Ne soyons pas ces grenouilles passives que l'on tue peu à peu dans un bain d'eau froide posée sur le feu. Prenons acte de cela et ne coupons plus les cheveux en quatre, notre Être et notre Humanité en deux ou trois morceaux.

     

    "Les Hommes sont bons, les gouvernements sont des merdes".

     

    Ce propos récent du réalisateur finlandais Aki Kaurismäki prend totalement à contre-pied la vulgate qui nourrit les têtes, une foule de têtes. Une vulgate déjà largement dénoncée dans les paragraphes précédents, qui se décline sous de très nombreuses formules. Quelques exemples de plus : « les Hommes ont les gouvernements qu'ils méritent », « les Hommes sont trop cons pour avoir mieux »...

     

    J'insiste et j'enfonce un peu plus le clou : cette aigreur anti-humaniste, ce petit cynisme ordinaire, ce mépris d'humain à humains, sous l'excuse assez minable d'un réalisme borné, fait le beurre et l'argent du beurre de nos oligarques. Critiquer cette vulgate est d'autant plus important qu'elle est au cœur du blocage d'une dynamique de transformation souhaitable.

     

    Elle assure aussi une partie du succès de l'extrême droite. La désignation parmi nous de boucs-émissaires responsables de tout, du désordre et du sentiment d'insécurité, du chômage et du manque de logements, des déficits sociaux, etc... trouve là un fumier fertile. On est entourés de cons, de profiteurs, de salauds... puis d'immigrés et de réfugiés pas catholiques.

     

    Mine de rien, cette parole provocatrice de Kaurismäki est un hommage à l'exigence de la réflexion autonome sur le monde, lorsque l'on prétend désirer qu'il change. Oserai-je dire : c'est un cri d'amour pour la grande masse des humains dont nous sommes chacun un élément. C'est une manifestation sympathique d'une liberté fondamentale et d'un esprit libertaire.

     

     

    La vraie démocratie, c'est nous tous. Ceux et celles qui ont déjà le désir de participer à cette construction des choix pour notre communauté. Et ce sont les autres qui y viendront peu à peu. C'est une pratique locale, communale nouvelle connectée à nos vies concrètes et ajoutée à nos emplois du temps... quelque peu encombrés de temps perdus à mal soigner notre impuissance collective à coup de palliatifs.

     

    C'est en même temps une pratique/pensée (il n'y a pas là non plus à faire de découpage artificiel) qui efface peu à peu les clans idéologiques en obsolescence entamée. On retrouve aussi mise en pratique, la nécessité d'unir en nous les trois "petits mondes" de l'humain.

     

    « Sa révolution" personnelle » est nécessaire. Mais non isolée, non égocentrique, non "ultra ou néo libéralisée", elle est au contraire pleinement solidaire de celle des autres. Elle s'inscrit alors dans la dynamique collective de transformation de notre société et elle lui donne un élan et une étendue qui n'existent pas aujourd'hui.

     

    Ce sont une pratique et une transformation locales qui, de la même manière, ne se limitent pas à cette dimension-là. Cette dernière étant d'ailleurs contrainte par les niveaux politiques et administratifs supérieurs. La démarche locale est pensée d'emblée dans la nécessité d'un d'élargissement. Entre "local" et "global", là non plus, pas de division imaginaire reproduite par l'imaginaire de la division.

     

    S'éloigner et rompre avec la "vie" politique actuelle qui à tous niveaux territoriaux, enterre à distance la nôtre et met au chômage la capacité naturelle de notre imaginaire. Cette rupture n'est pas un artifice, ce n'est pas une option, c'est autant de « temps de cerveau disponible » pour s'occuper enfin directement de sa Cité.

     

    Ce changement est près de nous. Il est à portée de mains, si nos imaginaires se libèrent et nous libèrent de leur carcan.

     

    L'individualisme néolibéral nous mutile.

     

    Ce blocage et ce fatalisme s'alimentent à l'individualisme néolibéral qui, par exemple, nie les causes sociales des inégalités et des comportements.

     

    Ce faisant, cette idéologie dominante mutée en pensée unique et en une politique imposée, mutile les consciences des humains. En masquant les autres possibles, elle entrave notre liberté d'être et de penser. Elle enferme indistinctement chaque individu dans une responsabilité totale de ce qu'il est et de ce qu'il fait.

     

    Si les gosses de pauvres ne se comportent pas toujours aussi "bien" que les gosses de riches, cela n'a rien à voir avec les inégalités sociales" éventuellement croissantes dans les sociétés du marché capitaliste mondialisé. "Cela n'a rien à voir" avec la perception d'un environnement lourd et d'un horizon bouché qu'ont bien des jeunes. Particulièrement certains d'origine sociale "un peu handicapante" 10.

     

    La réalité ne se soumet pas au bon vouloir de nos consciences borgnes.

     

    Or la dimension sociétale des phénomènes, le déterminant social de la réalité humaine, cela existe bel et bien. L'ignorer, ne pas se "prendre la tête" avec ça, vouloir que cette dimension et ce facteur ne comptent pas, cela ne les enlève pas magiquement de notre cité commune et de notre vie. Bien au contraire, cela favorise les fausses solutions spectaculaires (dont les violentes) et les mauvais choix politiques réitérés. Autant de gages de la poursuite de ces problèmes de grande portée et de leur accentuation.

     

    Seule solution qui en découle dans les têtes réduites et enfermées dans le carcan individualiste le plus étroit : "changer" les gosses et leurs parents, en réprimant ce petit monde qui nous dérange. Jusqu'au recours à l'élimination, par exemple au célèbre karcher. Ou un jour prochain peut-être, recourir à la discrimination négative de la population française d'origine immigrée non européenne et non chrétienne. De cette minorité qui remue le plus dans le désordre général et qui est accusée de l'essentiel du désordre.

     

    Tout serait si ordonné et tout irait tellement bien, sans eux, n'est-ce pas.

     

    Pauvre humain d'aujourd'hui qui se saisit d'une solution totalement illusoire, sans réel effort de réflexion un tant soit peu distanciée de l'évènementiel et d'un spectacle médiatique infirmisant. Tellement il est seul avec lui-même, livré à ses propres fantasmes et à la télé face à la réalité dégradée. La sienne, la nôtre personnelle, y comprises bien sûr.

     

    Cet isolement (même s'il est relatif) et le sentiment d'impuissance sont une situation normale dans la démocratie factice qui est la nôtre. Une démocratie qui n'en a que le nom et dont les institutions furent faites pour qu'elle soit totalement aux mains des catégories sociales les plus hautes, celles des plus carriéristes et des plus ambitieux.. pour eux-mêmes.

     

    Le passé n'est pas forcément un bon vieux temps, mais... 

     

    Ces paroles et ces sentiments disent la solitude et l'impuissance réelles d'un humain qui vote, en moyenne statistique, une fois tous les ans et demi, seul dans l'isoloir, après avoir fréquenté toute l'année "sa" télé, 4 heures par jour et/ou écouté sa radio, 2 heures.Un individu soit-disant libre qui, selon le dicton aussi célèbre que surréaliste, vote "en son âme et conscience".

     

    Quant à changer une situation dégradée d'injustices sociales liées au système et à son idéologie, encore faudrait-il en garder la conscience. Et ainsi penser que c'est possible et nécessaire.

     

    C'était bien le cas, il y a encore peu de temps, en particulier dans le milieu ouvrier d'où je viens. Cela participait grandement à donner du sens à notre avenir, à l'ouvrir aux jeunes que nous étions. Les médias ne nous occupaient pas beaucoup. La télé naissait à peine dans nos foyers. L'empire et l'emprise médiatique n'existaient pas encore au quotidien. On n'avait pas peur. L'avenir était ouvert. La vie était à construire, chacun et ensemble indissociablement. Et nous avions plutôt confiance, enfants de « nous, la classe ouvrière » que répétait de temps en temps notre père. Même s'il ne s'agit pas de dire aujourd'hui que c'était le bon vieux temps.

     

    Notre réflexion était assez libre et élevait notre esprit critique. Cette capacité naturelle de notre espèce, qu'il est bien vu de dénigrer aujourd'hui, au nom d'une injonction à être "positifs", aériens et zens. Autrement dit à se conformer à l'ordre terrestre et éventuellement pas zen des choses, à s'occuper que de ses affaires privées et à laisser les mains libres à ceux qui dirigent notre société et sa dégradation.

     

    Le trou de mémoire rempli par les prêts-à-penser.

     

    L'obsolescence et la destruction des anciens contre-pouvoirs collectifs ont largement installé un sentiment d'incapacité 11. Au delà sans doute, la dégénérescence du débat politique professionnel (particulièrement avec la "droitisation de la gauche") et du régime représentatif ont favorisé ce sentiment. Ce sentiment d'incapacité a fini par produire, à peu près en l'espace d'une génération, une non conscience, un trou de mémoire.

     

    Au final, s'en trouve survalorisé ce type de convictions : "chacun est libre et s'occupe librement de soi", "chaque individu est totalement responsable de ce qu'il est et de ce qu'il devient", "nous sommes tous également responsables de ce que la société est". Autant de postulats et au fond de prêts-à-penser qui sont au cœur de l'utopie libérale "en marche" 10, celle des néo jusqu'aux ultralibéraux.

     

    Dans le rayon des prêts-à-penser du marché de la domination consentie, l'offre est bien sûr variée. Il y a celui qui nous donne une image de l'élite sociale dirigeante : des individus qui sont quand même là, parce que leurs compétences sont quand même supérieures aux nôtres, à celles du commun. Hautement diplômés, très assurés, tenue impeccable, le verbe facile et plutôt « classe ». Ce n'est quand même pas n'importe qui et c'est quand même rassurant.

     

    En ce qui concerne la partie proprement politique de cette élite dirigeante, on peut croire à la diversité représentative de leurs idées et de leurs programmes électoraux. On peut penser qu'ils sont avant tout des serviteurs légitimes de l'intérêt général. Ce qui permettra pendant longtemps de refuser de voir la réalité. S'il n'en reste qu'une, une grande partie de la gauche bloquée sur le mythe de « l'Etat républicain », sera peut-être celle-là.

     

    De la même manière, la perception dominante que nous avons de la masse des humains a sa source dans le prêt-à-penser. Mais cela donne une perception totalement opposée, dévalorisante et négative. Elle nous fait curieusement oublier au passage que nous appartenons à cette masse des humains.

     

    Dans la gamme, du plus tempéré au plus grossier, le mépris pour la plupart des humains ordinaires n'est pas le prêt-à-penser le moins nocif 11. Tandis que l'on est seulement déçus par les élites au pouvoir et que l'on peut continuer à attendre mieux d'elles. Il suffirait de bien voter pour les bons candidats. Si les gens étaient moins bêtes, "Ils voteraient Cheminade", déclare un bon camarade électeur avec une naïveté à la fois touchante et étonnante. Une autre bonne électrice affirmait la même chose à propos d'Asselineau. Bêtes et aveugles au pays des borgnes, on serait donc passés à côté de la solution du changement, sans la voir.

     

    La psychologie de l'individu "libéralisé".

     

    D'une certaine manière, le mépris "micro-fascisant" 14 est le symptôme d'une maladie issue d'un déséquilibre plus profond dans la société (voire dans notre civilisation) et en même temps dans les êtres que nous sommes.

     

    Ce déséquilibre, c'est la dévalorisation de sa propre humanité sur fond de déshumanisation collective et d'impuissance individuelle non assumée en tant que telle. Plutôt que m'allier aux autres, ce qui serait la solution à "notre" impuissance, je leur en veux de "ma" propre impuissance. Le virus du bouc-émissaire ne demande alors qu'à coloniser les organismes humains ainsi affaiblis. La force du mépris est à la hauteur de la frustration de l'individu "libéralisé", qui ne peut pas vraiment s'aimer tel quel. La gamme de l'intensité du symptôme est large.

     

    L'individu "libéralisé" est cet individu qui ne sait plus clairement qu'il est un être social interdépendant. Il ne sait plus que seul, il ne peut pas être vraiment libre ou "mieux" libre. Et qu'il l'est grâce aux conquêtes sociales et donc collectives. Il ne sait plus que son « bien vivre » dépend pour une bonne partie de ce progrès-là. Que lorsque les humains sont seuls, chacun perd une part de la force de son humanité et de sa propre capacité au bonheur. Elles diminuent en soi et autour de soi.

     

    L'humain libéralisé est celui alors qui court après l'argent, l'emploi, le logement, le bonheur dans la consommation matérielle et l'immatérielle... dans la compétition généralisée autour de la pénurie collective dans l'abondance individuelle possible pour un certain nombre. Il est celui qui consent à ce jeu généralisé des chaises musicales et qui renonce. Il est celui qui critique parfois avec quelque irritation, ceux qui critiquent un peu trop. C'est la liberté du libéralisé. Le coût personnel et social de cette version de la liberté est au fond énorme. La réalité le dit, même à ceux qui préfèrent ne pas trop entendre. Comment ne pas se sentir plus ou moins menacé, en insécurité, frustré ?

     

    Les dangers du monde tel qu'il va.

     

    Les grands dirigeants, dans une belle unanimité et une même conscience, partagent la même idéologie et construisent un monde dont on ne veut plus vraiment. Nous sommes désormais très nombreux à ne plus accepter cette réalité et ses conséquences. Certes à différents degrés et différents stades. Même si la vie quotidienne nous aide à l'oublier, on pressent les dangers de ce monde, à terme peut-être pas si éloigné. Si on en croit l'évolution de la participation électorale et des résultats des votes 15, si on regarde le pessimisme ambiant, on peut penser qu'une majorité de gens vit plus ou moins ce désaccord profond. Même en situation matérielle de confort. Une bonne partie des électeurs de Le Pen est concernée par ce sentiment qui s'étend. N'en déplaise à tous ceux et celles chez qui la panique devant l'épouvantail bleu-gris prend le pas sur l'analyse.

     

    L'hypothèse de la "bascule sociale".

     

    Il apparaît que les dégâts écologiques et les souffrances sociales ne s'arrêteront pas. On doit craindre leur amplification. Or, ces effets-là seront bien plus forts pendant un temps probablement très long encore, que ce qui germe de nos seules transformations personnelles et des fourmillements alternatifs. Mais, aux dires d'un nombre significatif d'adeptes de la voie personnelle et du petit monde alternatif, une "bascule sociale" finira par se produire spontanément. En quelque sorte grâce à eux, grâce aux démarches individuelles multipliées.

     

    Outre leur qualité et leur intérêt, des documentaires très en vogue tels que "Demain", "Nouveau monde", "En quête de sens", reflètent et appuient cette vision très hypothétique, pour ne pas dire bien fantasmatique. D'où cette idée tentante, mais foncièrement abstraite malgré sa référence charmante au monde concret et merveilleux des plantes, que la germination se fait à bon rythme et qu'il n' y a qu'à (yaka) continuer à semer. En soi et dans les marges.

     

     

    Au pessimisme ambiant, il faudrait opposer cet optimisme à tous crins. Il mêle le cœur et le micro-concret vécu par les individus et les petits groupes concernés. Il est donc de bon ton dans les petits mondes spiritualistes et écologistes. Même si de par son échelle, ce concret-là de changement s'insère dans une vaste réalité qui est très loin d'être dérangée par lui. Et qui ne le sera sans doute jamais (au moins à temps) si quelque chose de l'ordre d'un mouvement social et politique ne se produit pas.

     

    Le système actuel sait recycler à son profit les petites dynamiques de changement et même les plus grandes inabouties, celle du printemps-été 1968 par exemple. L'impact le plus tangible de la vague spiritualiste, c'est l'émergence d'un marché florissant, d'un business classique et d'un certain nombre d'égos en quête de pouvoir. C'est aussi très classiquement, un nouveau segment d'exploiteurs et d'exploités, oeuvrant chacun à oublier les dangers de la situation globale dans un méli-mélo d'argent 16, de pratiques plus ou moins orientalisées, de gentilles paroles et d'écrits tout à fait recyclables dans la logique marchande capitaliste.

     

    Bascule dans les pièges de l'imaginaire conservateur.

     

    L'hypothèse fort peu raisonnable de la "bascule sociale" parait surtout inspirée par la satisfaction et le confort de celui ou de celle qui l'imagine. Elle relève bien plus d'un conservatisme social et politique, que d'une spiritualité élevée à toutes les dimensions de notre Être. Même si les individus concernés invoquent facilement la "Voie du Cœur" et le "grand-doux" changement que celle-ci veut incarner.

     

    L'hypothèse de la bascule sociale tombe aussi dans le piège du manichéisme.Elle s'enferme dans ce simplisme lui aussi en vogue qui est tout sauf une tentative de garder raison et de prendre en compte la complexité : "Il y a d'un côté les optimistes et de l'autre les pessimistes... ceux qui sont dans la paix et ceux qui sont en conflit (ou qui le voient autour d'eux)». Dans ce manichéisme toujours moralisateur, il y a toujours les bons et les méchants, les justes et les injustes ou les non justes.

     

    Et on est évidemment parmi les premiers lorsque l'on incarne la juste Voie du Cœur et de la Conscience. Derrière les mots, on entend : ce que je fais, ce que nous faisons est parfait. Il n'y aurait donc rien à ajouter. Certains maîtres de la spiritualité en vogue instaurent même qu' il est illusoire et dangereux de désirer réfléchir et agir ensemble.

     

    Dangereux, pour qui ?

     

    Le "génie" d'un totalitarisme post totalitaire à visage démocratique.

     

    On peut critiquer de manière radicale la logique dangereuse en place et en même temps reconnaître son "génie" monstrueux à se nourrir de presque toute la créativité humaine. A se nourrir aussi de ses propres dégâts. C'est l'absorption de la créativité à visée purement mercantile, jusqu'à celle qui est fortement teintée d'altruisme. "L'Horreur économique" » 16 deviendrait ainsi éthique, spirituelle et verte.

     

    C'est la marchandisation profitable de la pollution jusqu'à celle des maladies du stress et de l'alimentation industrielle. Ces dégâts croissants propres à la logique productiviste livrée à elle-même, engendrent des marchés croissants d'autres productions encore : pharmaceutiques, médicales et thérapeutiques, marchés des droits à polluer, du naturel, d'une survie personnelle éclatante, de la surveillance, de la sécurité... L'insécurité et le stress peuvent continuer à prospérer. Les discours lénifiants et les marchés suivent.

     

    Cette logique "géniale" propose à chacun de supporter un projet global concret aux nuisances croissantes, grâce à l'exploitation commerciale du désir tenace et légitime de vivre bien ou de survivre mieux. L'offre sans cesse élargie est cependant plus profitable aux consommateurs qui entrent dans la "demande solvable" des économistes. La "loi naturelle" du marché rendue sacrée par nos Maîtres est ainsi.

     

    Plutôt qu'un projet, Il s'agit d'un non-projet de société, si on considère que le développement de la production-consommation et l'accumulation d'argent, n'en sont pas un. Qu'ils appartiennent à la mécanique autonome 18 d'un système devenu fou. S'adapter à la mécanique de la méga machine, travailler et consommer, courir après l'argent, ce n'est pas équivalent à choisir ensemble sa Cité. Contrairement à ce que dit une autre "idée alternative" assez courante : "Par sa consommation, on choisit sa société".

     

    Il y a fort peu de choix 17 pour cette logique et cette dynamique devenues plus clairement autonomes et nocives. Nocives autant au plan humain qu'au plan écologique, si tant est que l'on puisse distinguer les deux. Devant nous, proches, des dangers et des échéances se profilent.

     

    Donner en plus à la barre du navire, un mouvement déterminé.

     

    Essayer de ne pas enfermer son regard et borner sa réflexion, cela peut favoriser une toute autre hypothèse que celle de la bascule sociale ou sociétale et de l'individu-roi du libéralisme, ce roi de papier glacé. Cela peut donc amener une autre attitude personnelle et une toute autre perspective.

     

    Outre que la "bascule" peut fort bien ne jamais se produire, son éventuel surgissement pourrait intervenir dans un temps bien trop long. Il est assez réaliste de considérer que le verre actuel du changement est au 1/50ème plein (c'est peut-être même beaucoup moins) et aux 49/50ème vide.

     

    Sans céder au vent de panique catastrophiste, on voit bien que certains défis se posent déjà à l'humanité. Et qu'ils appellent à terme relativement court une grande mobilisation. Ceci doit alors nous incliner à penser qu'il vaudrait beaucoup mieux ajouter au rythme de l'évolution individuelle et micro sociale spontanée, un coup de pouce politique. Un coup de pouce susceptible, grâce à une échelle collective d'une toute autre ampleur, d'accompagner la germination spontanée et de favoriser la transformation naissante. De donner pour cela à la barre du navire, un mouvement déterminé et déterminant. Cela demande une force collective suffisamment importante et donc une participation numérique conséquente.

     

    Mais qu'il faille tout de suite une "majorité", c'est une perception courante qui relève plus de l'idée reçue que de la réalité historique. Cette fausse idée est une projection abusive du fonctionnement de notre régime politique et de ses élections. Les grands mouvements de société engagent d'abord un petit nombre. Bien sûr, en l'absence d'une dynamique d'élargissement, ils ne "prennent" pas.

     

     

     

    La majorité n'est jamais strictement nécessaire en tant qu'actrice directe. Elle l'est en tant que partie favorable, en tant qu'elle dit son adhésion de manière implicite ou explicite. Ou même qu'elle soit passive pour partie d'entre elle. Doit-on rappeler « pour l'anecdote » que Macron fut élu par 39% des majeurs français (dont pas mal de personnes qui se bouchèrent le nez : aux alentours de 40% d'entre eux selon une estimation du Sénat) et que sa majorité absolue à l'assemblée provient de 15,2% de ces 18 ans et plus. Ainsi est le triomphe de Macron claironné par les grands médias. Ainsi est la "démocratie représentative" du peuple.

     

    Participer aux choix collectifs, ce n'est pas une simple option pour chacun.

     

    A mes yeux, participer réellement (non plus en se contentant de voter ou de ne pas voter) aux différents choix pour notre collectivité, ça n'est pas une option comme les autres. Comme celles qui nous font choisir d'habiter en ville ou à la campagne, d'être bouddhiste ou libertaire, alternatif ou... natif ordinaire, de beaucoup rouler à vélo ou de ne prendre que sa voiture.

     

    Je dirais même qu'il n'y a pas de choix du tout en la matière. Il y a là un élément constitutif de notre espèce particulière. Chaque humain est de fait un des habitants d'une "polis". Cette cité - avec ses différents niveaux, de la commune jusqu'à l'UE - est une communauté "politique" qui oriente son destin collectif. C'est de toute évidence moins le cas pour toutes les autres espèces animales.

     

    Nous avons donc à faire des choix collectifs, à définir un sens, une direction, à déterminer un trajet pour le navire qui embarque nos existences personnelles.

     

    Nous sommes potentiellement nombreux, mais...

     

    La question me semble primordiale. Sans un nombre bien plus important d'individus impliqués de manière indivise sur tous ces plans nécessaires, sans en exclure un au prétexte qu'il n'est pas "mon truc", on reste tous hors-jeu de la direction du navire. On est impuissants à pouvoir collectivement le diriger autrement. Là encore, la réalité nous le dit tous les jours.

     

    Plutôt que s'enfoncer un peu plus dans la tempête en imaginant, soi, y vivre "quand même" très bien, il est nécessaire de se réunir plus nombreux pour choisir vers quoi on souhaiterait aller ensemble et comment. C'est précisément ça être citoyen-acteur d'une réelle démocratie. C'est cela cette « anima » politique qui appartient à l'humanité et qui nous fait chacun humain. « On ne naît pas Homme, on le devient » écrivait Erasme il y a cinq siècles 18. Les élections nous privent d'une partie de ce devenir 20.

     

    C'est ajouter "simplement" ce supplément d'âme et de souffle à notre imaginaire. Pour que notre vie personnelle déploie notre humanité et qu'elle s'exerce avec les autres humains. Pas sans eux ou au détriment d'eux.

     

    Accepter cette anima, même si pour l'heure elle est peut-être encore inconnue de soi ou en friche. Ne pas accepter la répulsion réflexe et la réduction de son humanité. Faire l'effort de ne plus céder au très auto-centré : "je suis ce que je suis, tu es ce que tu es. Tu t'engages, moi pas, chacun et libre et nous sommes complémentaires ». Tout est bien et tout est en ordre, en quelque sorte.

     

    En effet, on voit ce qu'il en est de ce "tout est bien" dans le monde présent des humains complémentaires...

     

     

    Consacrer bien sûr un peu de son temps à la codirection du navire, qui sait, quelques heures par mois peut-être. De ce temps qu'aujourd'hui on perd en partie de toutes façons. Alors que chacun de nous veut être très strict en ce qui concerne sa liberté de choix et l'usage de son précieux temps.

     

    On commencerait alors à rompre - et notre société avec nous - avec le sentiment d'impuissance et d'insécurité auquel on prétend pouvoir échapper. Ce sentiment-là, bien réel et croissant, a de multiples conséquences dont nos transformations personnelles souffrent, évidemment. Nos alternatives aussi, bien sûr.

     

    Qui peut dire le contraire ? Sans doute, un individu aveuglé par un individualisme assez peu spiritualisé et peu humain en définitive.

     

    Union, ré-union attendues...

     

    ...de ces petits mondes que je fréquente sans ségrégation, pour mon bonheur et avec un peu de tristesse aussi parfois. D'où ce regard et cette réflexion qui se veulent à la fois bienveillants et bien critiques.

     

    Comme un certain nombre de personnes, j'allie donc ma composante politique et ma transformation personnelle, un pied dans les explorations alternatives. Une alliance qui, à mon avis, réduit le risque d'une forme d'extrémisme ou de jusqu'au-boutisme qui s'observe parfois dans le choix exclusif. Ce qui exclusif peut ne pas être en quelque sorte corrigé par l'inclusion, la réunion de centres d'intérêt apparemment différents qui nous font être humains.

     

    Cette aspiration et cet intérêt pour toutes les dimensions de la transformation paraissent étranges dans une situation générale où l'on est ici ou là, mais pas dans (le) tout par-tout. Où l'on est fort peu dans ce désir d'union en soi et de ré-union avec les autres. Dans le personnel-spirituel et dans le collectif-politique. Dans le souhait et la recherche patiente et humble d'un équilibre. Une quête humble d'une certaine complétude, en somme. Par la pensée et les actes.

     

     

    Dit plus simplement, c'est la recherche d'une bonne vie avec les autres. Pas seulement, avec ceux qui sont proches. Pas dans une conscience personnelle séparée de la vie concrète des autres. Mais au contraire, conscient que leur bien-être fait partie du mien. C'est une conscience profonde, radicale, que le développement ne peut pas être que personnel.

     

    Une amie dit volontiers : "Comment pourrais-je être pleinement épanouie dans le monde tel qu'il est ?". Quels petits monstres le sont en effet ? Qui passent devant les miséreux sur le chemin de l'ashram, du temple ou sur nos trottoirs. Qui suivent ainsi servilement l'exemple des grands monstres qui partout s'enrichissent au détriment de l'appauvrissement scandaleux de très nombreux autres.

     

    Les choses sont ainsi dans un monde non (et même anti) communautaire, où le bonheur des uns crée aussi le malheur des autres. Dans un monde d'humains en situation "libérale" de vases communicants, il n'est peut-être pas étonnant que les vampires soient à la mode dans les films et les séries télé.

     

    Nous serons, je le souhaite vraiment, de plus en plus nombreux à déranger par nos réflexions, les conforts de l'entre-soi. A bousculer le conformisme (qui la plupart du temps s'ignore) aux diverses pratiques de l'individualisme étriqué de la division et du mal-vivre social.

     

    C. me dit parfois : "vous êtes sans doute un peu en avance sur votre temps". Mais non, nous sommes, comme chacun sans exception, sur la même ligne historique. Dans ce moment présent où les enjeux sont majeurs, nous sommes tous devant ce choix à faire : soit nous abandonner à l'ordre présent et à la direction actuelle, soit définir et bâtir ensemble une autre situation, grâce à une démocratie de décision et de responsabilisation partagées.

     

    Seule petite différence peut-être, nous ne sommes encore qu'un petit nombre à penser que l'abandon au choix des puissants, bien qu'encore confortable pour beaucoup, ne peut être que tragique à terme.

     

    Le développement du féminin.

     



    Les "petits mondes dans le grand monde" font à mes yeux des choix trop exclusifs qui séparent et isolent. Au nom de leur liberté individuelle. Au nom de "l'heureuse" diversité des sensibilités liées à l'histoire de chacun.

     

    Là aussi le recours à la métaphore naturaliste - celle de l'arc-en-ciel, de sa beauté et de l'émotion qu'elle nous communique - justifie le choix exclusif. La juxtaposition harmonieuse et mêlée des couleurs, c'est toujours magnifique et émouvant, mais ce n'est pas ainsi que fonctionne la société humaine.

     

    Par exemple, les femmes longtemps exclues de la citoyenneté, ne ressentent guère la nécessité politique, leur "âme politique". Cette partie intégrante de l'espèce humaine que soulignait déjà Aristote avant de nombreux autres penseurs. "L'Homme est un animal politique". Les femmes ont ainsi "librement" tendance à épanouir une sensibilité et un cheminement hors de l'implication politique dont l'histoire les a privées. Elles explorent souvent exclusivement le terrain du mieux-être personnel. C'est un champ d'exploration qui est tout à fait nécessaire et qui pourrait bénéficier à tous. Il n'en est pas ainsi.

     

    L'orientation politique forcée et dangereuse (et sans aucun doute encore très masculine) de notre société aurait tellement besoin de la participation plus nombreuse des femmes à sa définition formelle. Est-ce aussi là chez les femmes, une forme de réponse égoïste et de fuite qui ferait écho à l'égoïsme et à la domination des hommes ? Alors même que dans le domaine politique aussi, ces deux travers historiques du genre masculin pourraient davantage décroître grâce à la féminisation.

     

    "Je commence par m'occuper de moi, après on verra".

     

    Il est aujourd'hui assez général d'entendre ceci : "je commence par m'occuper de moi, puis un jour, plus tard, je m'intéresserai aux questions relevant des choix collectifs et donc politiques". Ce n'est pas un propos uniquement féminin. Là aussi, pourquoi m'isoler. Pourquoi me prendre comme Être sécable et comme individu non dépendant ?

     

    Pourquoi ne pas considérer qu'il y a en même temps mes choix et ceux de ma Cité ? Mes choix mêlés à ceux de ma Cité ? Les choix de ma Cité pour conforter les miens ? Au nom de quel esprit de division et de quel artifice, séparer ce qui est inséparable en réalité ? Et puis attendre combien de temps pour "s'engager", pour exprimer ses préférences concrètes pour notre société ?

     

    Notre chemin de transformation et de construction prend toute notre vie. Cet après évoqué renvoie à un temps indéterminé qui relève plus des Calendes grecques et d'un "après-moi le déluge" inconscient.

     

    Certains échanges, plutôt qu'une bénéfique osmose.

     

    Ainsi, il y a des mondes d'individus qui résistent à se rencontrer, parce que chacun pense être sur le bon chemin : le sien. Le petit monde de la transformation personnelle et des relations inter personnelles modifiées, qui se suffit à lui-même - le petit monde des militants et citoyens engagés qui luttent et s'épuisent en petits groupes - le petit monde des alternatifs et des tribus "quand même" assez satisfaits de leur entre-soi.

     

    Bien sûr, il y a un petit peu de fréquentation et d'échanges entre ces petits mondes. Mais bien trop peu. Parce que le monde de l'individualisme étroit, qui est celui des sociétés de la domination, nous divise. Par réflexe conditionné, nous jouons facilement ce mauvais jeu qui est loin d'être pleinement le nôtre. Parce que nous n'avons pas le désir de changer cela jusqu'à la racine. Et de se demander, quel est mon-notre vrai je(u) ?

     

     

    Cette faible motivation est un mauvais aspect du confort et de la sécurité que nous aimons tous. Elle est une autre cause de la mise en rade de notre "imaginaire radical" et de notre "imaginaire social instituant". Et de la mise en rade du navire commun.

     

    Tocqueville imaginait en son temps - la première moitié du 19ème siècle - l'avenir de la démocratie représentative et du capitalisme industriel naissants (« curieusement » en même temps). Une masse d'Hommes "...qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs... Chacun d'eux, retiré à l'écart, vit comme étranger à la destinée de tous les autres..." hormis celle de sa famille et de son clan, ajoutait-t-il.

     

    Cette attitude se réalise au moins en partie. Elle accompagne la dégradation et le mal-être. Mais elle n'est pas inéluctable. Nous n'avons pas un destin tracé par des forces qui nous échappent. Cette vision-là d'ordre idéologique, prône que nous nous abandonnions, à la fois personnellement et collectivement, à un projet en échec plus qu'annoncé.

     

    Radicalité et extrémisme.

     

    La culture dominante portée par les grands médias et le monde du pouvoir politique, a remplacé le terme "extrémiste" par le mot "radical". En particulier, pour que notre attention et notre réflexion sur l'extrémisme bien réel de notre système soient détournées. Et pour que la radicalité "naturelle" de notre imaginaire humain en quête de simplicité et de ce qui est juste, soit disqualifiée.

     

    Le mot "radical" est étymologiquement apparenté à "racine". L'esprit radical, est donc celui qui, légitimement, s'attache à comprendre la racine des choses et à s'en nourrir. Concernant notre société humaine, c'est par exemple voir une racine première dans la nature qui nous porte et nous fait vivre. Et c'est s'interroger sur l'humanité profonde de l'Homme, sur nos vrais désirs.

     

    Cette quête radicale est bien davantage motivée par une recherche de modération et d'harmonie devant les excès et les errances en cours. Dans l'état de crise profonde de nos sociétés et du monde, face aux dangers encourus, n'y a-t-il pas nécessité d'interroger ensemble notre radicalité ?

     

     

    Et dire par exemple que l'Homme est un être social dépendant des autres et désirant une bonne vie. Qu'il serait donc à dominante plutôt pacifique. Mais bien sûr, il n'est pas que cela. Ses désirs égoïstes et sa composante agressive seraient modérés par lui-même et par l'ensemble de la communauté dans un tout autre contexte social et politique.

     

    Une condition est alors nécessaire pour que notre radicalité s'exprime par dessus tout : que cette communauté en soit réellement une, basée sur l'horizontalité, la complémentarité, la coopération, le compagnonnage...  Qu'elle ne soit pas à l'opposé,  une société "libérale" de la domination qui instaure l'individualisme égoïste, la hiérarchie sociale et politique, la concurrence, la division. Tout ce qui génère les fortes inégalités, le conflit et donc la nécessité d'un "haut" qui doit réprimer  le "bas".

     

     

    C'est un réflexe bien peu libre de figer l'humain tel qu'il est dans la situation historique présente. De le définir uniquement par ce qu'il est dans des rapports de domination, dans une société de la séparation, de la division et de la non responsabilité. Dans une logique de compétition et de disharmonie individualiste. Dans un matérialisme et un consumérisme extrêmes érigés en cœur de la vie de chacun et de tous. Si on se contente de cette projection, on ne risque pas de voir dans la totalité de l'Homme, autre chose qu'un ensemble partiel de traits relatifs à ce contexte.

     

    Or, l'histoire humaine n'est pas finie et elle ne se réduit jamais à ce qu'elle est pendant un temps. Fut-il long au regard de la durée de notre existence ou de quelques générations.  "Ça a toujours été comme ça, alors...". Cette déclaration assez fréquente est révélatrice d'une absence de radicalité, de la paresse d'oser aller à la source. Au prétexte courant par exemple, que l'on n'a pas le temps ou qu'il faut agir et arrêter de cogiter.

     

    Cette absence et cette paresse enferment la liberté de l'esprit et rendent celui-ci parfois à son insu, obéissant et conforme. Par ailleurs, des recherches ethnologiques indiquent que l'idée rebattue "ça a toujours été comme ça", est historiquement fausse.

     

    "Chacun est libre, chacun peut construire sa résilience".

     

    On entend aussi cette autre affirmation issue d'un certain courant de la psychologie actuelle.

     

    Si on ne soumet pas à la juste critique ce qui se présente comme une assertion, si on ne la confronte pas au réel social, c'est que l'on n'est bien peu exigeant. C'est que l'on sait éventuellement se contenter de théories à la mode qui justifient souvent un conservatisme social et politique plus ou moins dissimulé 21. Ce postulat stipule en effet que notre société permet la même et meilleure liberté pour tous. Il dit que "...chacun peut construire sa résilience", ce qui est théoriquement vrai et concrètement faux, dans la vie réelle, pour une infinité d'individus.

     

    Par cette affirmation, on dit entre les mots que notre société est presque parfaite. Que nous sommes dans un système plutôt bien fait qu'il faut conserver et qui n'a pas à être produit autrement et transformé.

     

     

    On entend parfois : « Bien sûr il y a des pauvres, une minorité qui n'est pas très heureuse, voire pas du tout. Mais c'est une minorité ». De la même manière, le système a aussi des conséquences nocives sur la planète. Mais c'est peu puisque mes (je souligne) yeux voient que globalement la nature reste belle. Là encore, à l'esprit des conservateurs, c'est sans doute une minorité » encore négligeable de dégâts. Et sans doute que, comme nous tous, la nature sait se réparer, construire sa résilience. Voilà un concept « positif » et une trouvaille psychologique miracle, comme les aime la société du business et du spectacle.

     

    Selon ses adeptes, la résilience permet à tout un chacun de corriger et de gommer ce qui est ou fut traumatisme, tort et souffrance. Au total, tout serait en place et tout serait en chacun. L'évolution spontanée serait alors le « mieux » présent et/ou à venir pour tous.

     

    Lorsque je suis bien davantage motivé par la-ma situation individuelle...

     

    ...peu importe la situation sociale. Et plus précisément, celle d'une foule de petits et de grands perdants... à laquelle précisément je n'appartiens pas franchement.

     

    Négliger la question sociale et politique, mettre à un plan subalterne la dégradation écologique relativement inquiétante, cela s'explique au fond par le choix motivé par soi, par le puissant filtre de sa situation personnelle. Et plus concrètement peut-être, cette "négligence" signifie mon adhésion à la culture de l'intérêt égoïste qui a besoin de nier ou de négliger des pans de la réalité. Parce que ces aspects-là sont incompatibles avec "mon" développement personnel, avec « ma » situation confortable. Avec un petit bonheur que je veux hédoniste ou lumineux, non dérangé par les nombreuses ombres 23.

     

    C'est un nombre massif d'individus qui négligent ainsi pour l'heure (?) leurs (nos) racines, leur (notre) communauté. Paradoxalement, certains d'entre eux évoquent plus que d'autres, la fameuse "empathie". Peut-être est-ce là un de nos éléments racinaires, mais là quelque peu malmené. D'autres sont « de gauche » et exprime volontiers des idéaux de gauche, de fraternité et d'égalité, comme on parle ou l'on débat d'autres choses, d'art, de peinture abstraite ou de musique baroque.

     

     

    Certains s'enrichiraient financièrement tandis que d'autres s'enrichiraient spirituellement. D'autres encore gagneraient sur les deux tableaux dans le presque meilleur des mondes. Le meilleur, au moins pour eux. Tandis que d'autres seraient différents, pauvres, laissés pour compte, sans logement fixe, sans revenu digne, avec une espérance de vie de 50 ans...

     

    Cela ferait au fond un monde varié d'individus construisant différemment leur vie. Avec leur liberté et leur karma. La résilience aidant, cela ferait une bio diversité humaine, presque à son sommet.

     

    Le Karma. "Ce qui nous arrive doit nous arriver et la souffrance nous apprend".

     

    Retomber sur ses pattes en disant que ceux qui ne parviennent pas à leur résilience et qui peut-être souffrent, vont de toutes façons tirer du bien de leurs épreuves. Et qu'ainsi est leur Karma. Dire cela sans discernement et de manière non circonstanciée, c'est bien exclure de soi la composante sociale et donc la conscience concrète de l'autre et de sa communauté, ce qui participe à nous faire humain. Il y a quelque chose d'assez monstrueux dans ces paroles.

     

    C'est penser hors sol, très loin de l'empathie qui pousse à chercher un autre sol plus favorable à tous. La juste reconnaissance de sa propre dimension sociale est nécessaire au juste développement personnel, celui d'une conscience qui évite de dire... souvent non consciemment des bêtises.

     

     

    Notre conscience collective nourrit une préoccupation légitime multi séculaire. Elle n'est pas étrangère à la consubstantielle aspiration spirituelle des humains. Mais elle est une aspiration qui inclut celle d'un mieux-être social et de la meilleure organisation politique la permettant. La quête d'une utopie sociale a évidemment à voir avec la quête spirituelle dans sa pleine dimension, lorsque cette dernière ne s'enferme pas dans l'individualisme auto centré promu par un système en déclin dont la logique est extrémiste, anti-communauté et réductrice de l'humanité de l'Homme.

     

    Non bornée, notre quête fondamentale inclut donc la réflexion sur un cadre politique permettant une plus grande égalité, une liberté non déliée de la solidarité, une "résilience" bien plus réellement accessible. Tout ce qui peut constituer les bases de la fraternité, de la paix et d'une société écologique.

     

    La quête de sens et l'errance orientale.

     

    Notre conscience (d'appartenance) collective et la réflexion politique qui en découle, peuvent ainsi relever d'une spiritualité des plus élevée.

     

    Elle puise alors dans notre histoire et dans notre culture, dans leurs ruptures et leurs continuités, en France, en Europe... Mais, notre propre quête de sens n'est bien sûr pas étrangère à celle des autres peuples, ailleurs. Elle a à s'en inspirer aussi pour s'enrichir, se corriger. C'est une spiritualité qui devrait unir ce qu'il y a de meilleur chez nous et là-bas. Et Il ne peut s'agir d'une spiritualité importée telle quelle d'Orient ou de l'on ne sait où.

     

    On voit apparaître et se développer l'importation pure et dure de chemins spirituels orientaux. Cette importation fait l'objet d'adaptations variables. Mais, la faiblesse de la conscience critique et l'absence de discernement est largement commune à divers phénomènes que l'on peut relier, au sens strict ou au au sens large, à cette importation.

     

    La déification de l'indienne Amma, l'importation fidèle de traditions ou leurs réinterprétations occidentales en sont des exemples parlants. Les pratiquants du yoga traditionnel comme ceux de yogas nés récemment en Occident ou pour l'Occident, y renforcent souvent le même individualisme auto centré. Ils peuvent rechercher la même « sagesse indienne » et partager la même absence de recherche d'une "sagesse sociale".

     

    Le monde du business a déjà commencé à adopter le yoga. Quant à l'évocation des liens de Amma, de son ashram et de son organisation internationale avec la logique financière capitaliste et les pratiques correspondantes, elle relève de toute évidence un peu plus que des rumeurs et du complotisme.

     

     

    Si état de conscience il y a, on doit constater que les chemins spirituels en Orient s'accompagnent assez souvent de situations sociales plutôt bloquées dans un lointain passé. Cela donne des sociétés objectivement très inégalitaires et des situations parfois ségrégationnistes. On peut là évoquer l'Inde et son système de castes pour lequel l'appui religieux et plus largement spirituel fut et demeure indéniable.

     

    "India, the land of sprirituality".

     

    Les notions spirituelles de pureté et d'Etres éveillés se marient très bien avec la distinction sociale "purs/impurs" qui demeure en Inde. La hiérarchie des « niveaux de conscience » suppose des individus supérieurs aux autres sur ce plan-là. Mais ce plan étant fondamental pour ne pas dire transcendantal, il induit une ségrégation tenace subie par les "impurs" en bas de l'échelle sociale indienne. Ghandi lui-même ne remit pas en cause le système des castes, contrairement à Ambedkar, un universitaire politisé et très critique 24 que l'histoire officielle a quelque peu oublié.

     

    Ce dernier était issu de la caste de ces "intouchables". Gandhi, lui, était né dans la caste des "vayshia" (des marchands) de parents assez aisés. Ceci n'explique sans doute pas tout cela, mais il y a là une petite eau apportée au moulin de la force de la détermination sociale. On voit donc qu'un haut niveau de spiritualité (celui de Gandhi) reste fort bien dépendant de cette détermination et d'un conservatisme in-juste et spirituellement injustifiable, si elle ne se complète pas d'une conscience sociale et politique.

     

     

    L'idéologie nazie et fasciste de la race pure est une utilisation délirante et directement meurtrière de la distinction entre les purs et les impurs. Au delà de cette caricature monstrueuse, ces notions méritent d'être interrogées. Interroger leur pertinence et leur qualité spirituelle, relativement à la fraternité humaine. Interroger là aussi radicalement (depuis leur racine) leur sens.

     

    Par exemple, dès son origine le mot Aryens ou Arya induit une distinction sociale puissante. C'est un terme qui en sanskrit signifie "noble". Le mot a été utilisé par les Indiens de la période védique en Inde comme désignation ethnique pour eux-mêmes (ce fut le cas des lettrés qui écrivirent le Rig-Veda, le plus vieux texte en sanskrit). Le qualificatif se réfère à la classe noble ainsi qu'à la région géographique connue sous le nom d'Āryāvarta, où la culture indo-aryenne était basée.

     

     

    En Inde, outre la faible mobilité sociale, ce sont surtout les mouvements sociaux et politiques, par définition collectifs, qui réussissent à réduire quelque peu la discrimination extrême que contient le système des castes. Une discrimination pourtant interdite dès 1950 qui continue à s'exercer de manière violente à l'encontre des castes d' "impurs". Avec le développement des luttes, les "impurs"  se nomment de plus en plus : les Dalits, les Opprimés, en sanskrit. Une appellation choisie, digne et spirituellement élevée qui mérite la majuscule.

     

    L'Inde est évidemment un cas emblématique. Mais fondamentalement, il apparait qu'une relation plus ou moins étroite peut être faite entre la sur-spiritualisation individuelle et le sous-progrès social. Ces voies spirituelles et/ou religieuses (dominantes voire exclusives - excessives ?) accompagnent des sociétés dans lesquelles domine un fatalisme devant toutes choses.

     

     

    C'est un fatalisme contre lequel nos propres ancêtres - les masses des plus pauvres - se sont heureusement dressés. Un grand pas fut fait au fil de notre histoire collective dans le sens d'un monde socialement et spirituellement plus juste. Même si on en est très loin et si on s'en éloigne, on peut parler à ce sujet de bonne direction, de bonne utopie. Même si des forces et des catégories s'y opposent, par intérêt personnel, par peur ou par idéologie.

     

    L'histoire montre, observait un vieil historien à l'aube de sa vie de recherche, que la quête de la Vérité est la grande aventure de l'espèce humaine. Cette quête s'interrompt provisoirement, ajoutait-il, du fait de dogmes qui sont imposés à certains époques. Elle est ainsi menacée aujourd'hui par le dogme productiviste et l'idéologie néo libérale. Face à la régression des luttes sociales contre la domination des catégories ou classes ou castes supérieures. Et face aux excès, aux injustices, aux nombreuses dégradations que la domination et le fatalisme génèrent.

     

    "Entrez dans le monde de la sérénité".

     

    Aujourd'hui le fatalisme renaît sous différentes formes, l'une profane plutôt triste voire désespérée et l'autre explicitement spiritualisée et « heureuse ». Le tout sur fond de division et de dégradation sociale. Regarder cet aspect important de la réalité de notre Cité commune, cela ne peut pas être fui, là encore au prétexte que ce serait s'abandonner au pessimisme. Et que la voie de la transformation ne passerait que par un optimisme quelque peu forcené.

     

    Un nouvel égocentrisme prône une joie sereine en soi... au prix d'un regard filtrant pour ne pas dire borgne sur notre société. Il ne peut que produire un optimisme (de) béat. Et aucun changement sociétal dans le meilleur sens. Sourire, sourire... et ne plus lutter. N'avoir plus d'esprit collectif et de regard critique sur le monde, pour extraire de soi toute indignation et toute colère. Ramener celles-ci au statut d'impure négativité. Encore "le pur et l'impur" et une conscience mutilée par le retour d'un manichéisme aussi simpliste qu'ennemi d'un quelconque progrès humain et social 25.

     

    Et prendre notre vessie spirituelle ou alternative pour une lanterne du monde, comme telle Européenne, adepte du bouddhisme tibétain qui fait appel au financement participatif de sa retraite monacale de 3 ans et 3 mois. Avec cet argument exprimé en tête du « tract » par un personnage assez connu qui la soutient : elle participe à « éclairer l'avenir de l'humanité ». 

     

    Est-ce là la voie du mieux-être de notre société et la complétude d'un chemin de bonheur personnel ?


    En tous cas, le discours dominant (issu des catégories dominantes) qui sait faire semblant de presque tout prendre en compte et de s'adapter, nous invite tous les jours à faire ce choix-là, centré sur soi et décomplexé. Complètement personnel et prétendument relié à l'intérêt général, il se veut même être le parfait synonyme de ce dernier.

     

    Ce choix et cette voie ne sont pas les nôtres. Ils ne sont pas ceux de l'intérêt général et du bien-être collectif qui n'existent pas sans une bonne situation pour chacun. Ils ne sont que ceux du petit monde des élites et de leur projet "en marche" continue. Pour que rien ne change vraiment. C'est une marche vers tous les dangers que très nombreux, nous percevons désormais. Nous les percevons car pour la grande majorité à laquelle nous appartenons, la vie concrète est bien moins éloignée de ces dangers, que ce que veulent bien en dire les privilégiés.

     

    A l'opposé d'eux, nos propres privilèges et les troubles 26 que ces privilèges nous occasionnent, sont d'un niveau ordinaire. Aussi sont-ils de moindre conséquence sur les humains ordinaires que nous sommes, sur nos perceptions et nos consciences. Le changement vers un meilleur n'est pas la préoccupation des grands privilégiés. Il incombe à tous ces autres que nous sommes.

     

    Il incombe à chacun uni au monde et ensemble réunis dans la construction et l'apprentissage d'une société essentiellement relocalisée - agriculture - économie - énergie.. Tout ce qu'aidera vraiment une démocratie directe, elle-même d'abord communale et territoriale. 

    La construction de cette démocratie, horizontale, populaire, est fondamentale. Sans une adhésion suffisamment importante à cette conviction, le "vieux monde" continuera sa marche risquée pour l'humanité. Une marche forcée conduite par le système politique et économique  actuel qui invente un nouveau totalitarisme.

     

    Elle n'est pas un combat et une utopie comme les autres, au même niveau que d'autres. Elle est une condition sine qua non de l'élimination d'un dogme fondateur et fondamentalement entretenu par le régime (non) représentatif.

    Cette co-construction d'une vraie démocratie est l'élément de tête de la reprise de la quête spirituelle et concrète de l'humanité, hors toute innocence (ou gentillesse) naïve et tout égocentrisme spiritualisé.

     

     

    MV – second semestre 2017           http://novote-notears.eklablog.com/

     

    1  La domination politique, économique, sociale, faite par un groupe plus ou moins réduit sur la majorité de la population. A ce sujet, voir les nombreux travaux d'ethnologues, d'anthropologues, de sociologues, de philosophes... qui ont montré que la domination dans la société humaine n'a rien de naturel. Hormis le regroupement des humains qui est considéré comme naturel, son organisation et l'évolution de cette organisation sont des construits socio-historiques. On assimile souvent longueur historique et naturel, jusqu'au fameux : « ça a toujours été comme ça, alors.. ». Or, rien ou presque rien de ce qui nous parait naturel, ne l'est réellement dans le monde des humains, dit en substance l'anthropologue Françoise Héritier.

     

     2 "Ils nous prennent le gain de notre travail et nous font payer leur dette" dit un Irlandais engagé dans la lutte visiblement populaire qui dans son pays vise à préserver leur système original de gestion de l'eau publique et de l'assainissement. Ceci contre l'Etat irlandais, les partis politiques et la pression de l'UE que l'on peut qualifier de violente. Documentaire ARTE – décembre 2017 - «La guerre secrète de l'eau en Europe».

     

    3  A propos d'un aveu fait il y a quelques années avec un cynisme franc par un ex pdg du groupe TF1 Patrick Le Lay pour qui : TF1 vend aux annonceurs (les grandes entreprises qui financent la chaîne par la pub) du « temps de cerveau humain disponible ».

     

    4  Se développe aujourd'hui un discours contraire, prétendument de transformation, qui tend à dire : « Nous sommes tous également responsables. Nous n'avons pas d'adversaire. Hormis celui qui est en chacun de nous .. Change-toi et tu changeras le monde ». Le parallélisme avec différentes formulations du postulat-maître du libéralisme économique (« du renard libre dans le poulailler libre » écrivait Karl Marx) est saisissant : « Enrichis-toi et tu enrichiras le monde.. La poursuite par chacun de son intérêt égoïste réalise l'intérêt général ». La nature idéologique conservatrice de telles assertions et leur large imposture sont à nouveau clairement révélées à notre époque avec la concentration de la richesse économique en haut de la société, l'appauvrissement d'une masse croissante d'individus et la forte augmentation des inégalités. Une concentration vers le haut qui concerne aussi le pouvoir politique, avec divers accrocs relativement intéressants : référendum sur le traité de constitution européenne, Brexit, Catalogne, Corse ?...

     

    5  Expression tirée d'un livre de Eric Hazan et de Kamo : Premières mesures révolutionnaires. Editions La fabrique 2013.

     

    6  J'entendais récemment à la radio le témoignage d'une femme qui à l'issue d'un burn-out professionnel en 2005, disait ne plus s'informer avec les médias classiques (télé, radio, journal..) depuis cette époque. Elle le faisait désormais avec internet et le bouche-à-oreille. Elle confirmait ce que je pressentais au travers de mon expérience personnelle et de celles de quelques personnes rencontrées. Rompre avec l'usage des médias conventionnels, cela fait diminuer le stress, le sentiment d'insécurité et la participation au pessimisme ambiant (qui se prétend réalisme). On (ré)apprécie davantage les choses simples de notre existence, la beauté de la nature... On gagne en estime de soi, on reprend confiance en l'humain et en l'avenir. Autant d'éléments propices à l'engagement et à l'action.

     

    7  Certes, on trouve tout sur le net. Tout et son contraire. Que penser alors de cette liberté, plus surveillée que censurée ? Sans doute d'abord qu'elle est large. Qu'ensuite, internet n'est pas à proprement parler un média de masse, c'est-à-dire univoque et massif. Concrètement, cela veut dire que chacun choisit plus librement dans un éventail plus large de propositions. Et que des dizaines de millions d'individus ne regardent pas au même moment la même chose.

    Internet n'a donc pas besoin d'être contrôlé par les pouvoirs de la même manière que le sont les télés et les radios. Concernant celles-ci, pour les médias de l’État, c'est un contrôle par la censure, par l'auto censure et par le recrutement de ses "vedettes" maison. Pour les médias privés, c'est un contrôle plus "radical" avec leur appropriation par des grands industriels et des financiers richissimes. Ces grands noms du business économique sont d'ailleurs assez souvent proches des têtes du pouvoir politique. Ce pouvoir que « ce haut » doit occuper - et la démocratie représentative organise cette occupation – est pour les élites sociales, à la fois une nécessité et un autre type de business. C'est à la fois une condition sine qua non de leur domination et un complément de rentabilité.

     

    8  Selon le philosophe Cornelius Castoriadis, l'homme est un animal politique capable de réflexion critique... un être doté d'une "imagination radicale" (aspect individuel) et d'un "imaginaire social instituant" (aspect collectif)... un être vivant particulier capable (je souligne... parce que cela ne veut pas dire qu'il "s'en sert") d'une puissance d'imagination autonome en interaction avec une société qui est elle-même "autocréation" et de ce fait "autoaltération".

     

    9  L'inflation de l'usage du terme "citoyen" semble aller de pair avec sa "déflation" réelle dans la société actuelle. La domination croissante de l'économie sur nos vies quotidiennes, une direction politique unique construite quotidiennement sans nous, sont plus de nature à ramener le citoyen au rang de sujet dominé qui se vit d'ailleurs de plus en plus ignoré et impuissant.

     

    10  Je pense en particulier à un échange entre membres d'un groupe de Sommières sur facebook. Il était question d'actes de vandalisme perpétrés à l'école primaire. Les propos sont tous uniquement tournés vers la stricte responsabilité des parents et des (probables ?) jeunes qui les ont commis. Au delà de ce petit groupe, ce réflexe d'individualisation exclusive de problèmes qui sont aussi sociaux ou sociétaux, s'est installé dans énormément de têtes. Comme si à l'ancien extrême : "c'est entièrement la faute de la société", il fallait aujourd'hui forcément opposer l'autre extrême : "la société a bon dos. Faut arrêter, chacun est totalement libre et responsable". Ce qui autorisa deux membres de ce groupe facebook à avancer sans vergogne leurs solutions uniques. Pour une femme énergique : "de bons coups de pied au cul" et pour un homme nettement plus violent : "crever ces sales races". Personne n'a vu les "vandales". Presque tout le monde les a imaginés jeunes. Mais lui, le violent raciste, il les voit arabes ou gitans ou roms.

     

    11  Le sentiment d'insécurité n'est pas sans lien assez direct avec ce sentiment d'incapacité. Au contraire, lorsque l'on se sent en capacité de penser et de faire, alors le sentiment d'insécurité est moins présent.

     

    12  La banale appellation communicationnelle du mouvement politique de l'énarque Macron de la bourgeoisie amiénoise, signifie bien plutôt une volonté d'accélérer la marche de cette avantageuse utopie libérale. Dans une France relativement singulière, encore trop attachée aux valeurs "de gauche" et à un passé révolutionnaire au goût d'inachevé pour certains, il s'agit de faire chez nous de grands pas vers l'achèvement de la réalisation de l'utopie chère aux élites mondiales... et coûteuse au reste des vivants. En cassant ce qui reste de résistances "à la française" dans la société. En instrumentalisant pour ce faire, un certain désir de renouvellement politique et de démocratie participative. Le "moral" des Français n'y trouvera bien sûr pas son compte. Pour Le Pen, on verra.

     

    13  Ce thème très important est repris dans plusieurs paragraphes. Il est le fil d'Ariane de cette réflexion et il le mérite bien. Cette auto-dévalorisation jusqu'au mépris plus ou moins sourd pour la masse des humains construit une culture de la non-confiance qui répond en grande partie au « mystère » de la soumission volontaire de la multitude à une petite caste.

     

    14  Gilles Deleuze : " le néofascisme qui est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d'une "paix" non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de micro-fascistes, chargés d'étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma ».

     

     

    16  Où l'on entend souvent : « l'argent est une énergie, tout dépend comment on l'utilise ». Cette affirmation spiritualisée exclusivement centrée sur l'individu, est bien plus une récitation qu'une réflexion. Elle fait table rase de toutes les réflexions critiques sur le sujet, y compris des données officielles dispensées à l'école et qui attribuent à l'argent différentes fonctions : individuelle, sociale et politique. Ce faisant, elle se marie bien au conformisme du très simpliste « chacun est libre de faire ce qu'il veut, comme il peut ». Certains ont donc énormément de cette « énergie », d'autres très nombreux en ont beaucoup moins et une petite masse croissante de gens n'en ont presque pas. On comprend alors qu'il soit nécessaire que la société soit dominée et dirigée par les premiers.

     

    17   " L'Horreur économique " est un livre de feu Viviane Forrester. Son titre est inspiré d'un vers de Rimbaud. Paru en 1996, les vingt années écoulées ne l'ont pas rendu obsolète.

     

    18  Une mécanique autonome, parce que les pouvoirs politiques séparés (l’État) ont juridiquement organisé et continuent bien sûr de favoriser cette autonomie et de l'imposer à la population. Dire que tous, nous choisissons ce "système", alors que nous y naissons et nous y adaptons, est une bêtise intellectuelle à la mode.

     

    19  Au contraire d'une adhésion et d'un choix délibéré à ce qui est, un certain nombre de résultats de sondages le disent régulièrement : une majorité de personnes souhaite une sortie du nucléaire, une interdiction des OGM, un arrêt de l'utilisation de produits nocifs, en particulier dans nos objets de consommation, une maîtrise de l'économie, une relocalisation, des médias plus indépendants, une UE différente, etc.. Et pour les élections, si on tient compte de la proportion croissante des « déserteurs » qui frise et dépasse parfois les 50%, il y a le souhait d'une autre gouvernance politique.

     

    20  " Homme " au sens générique. Erasme livre cette pensée dans son traité d’éducation « De pueris instituendis », « De l'éducation des enfants » paru en 1519 et traduit en français en 1537. Dans son livre « Le deuxième sexe », Simone de Beauvoir écrira : « on ne naît pas femme, on le devient ».

     

    21  Certains disent : "les élections nous en libèrent". Soit. Un écrit de Thucydide, historien et penseur politique athénien d'avant JC, répond à cette paresse-là qui veut le beurre (se décharger de son pouvoir) et l'argent du beurre (la liberté) : "Se reposer, se la couler douce ou être libre, il faut choisir" - cité par Henri Guéguen dans son Appel à créer des micro-villes irrégulières.

     

    22  Il  est ainsi assez courant d'entendre de tels propos, sous couvert d'apolitisme et de neutralité idéologique. D'après ceux et celles qui les reprennent à leur compte, Ils seraient en rupture avec les querelles politiques qui n'ont mené à rien (sauf au monde tel qu'il est) et qui sont à dépasser si l'on veut justement changer le monde. Exclusivement centré sur la transformation personnelle, le type d'idées qui est derrière ces paroles, ignore totalement les autres déterminants de la société et donc de sa transformation - les structures de la société (marché capitaliste, régime représentatif, Etat, grands médias..), les forces sociales qui y défendent leurs intérêts, les conflits d'idées qu'un tel système amène. Quoiqu'en disent les personnes qui formulent ces affirmations, elles ne sont pas hors de ce conflit d'idées et de visions du monde. Le paradigme libéral centré depuis toujours sur l'individu égocentrique, est le promoteur et le conservateur de la logique du système et de ses structures. Archi dominant et arrogant, depuis la chute du communisme d'Etat, ce néo libéralisme prétend lui-même, être un dépassement des idéologies et une sorte de nature apolitique des choses.

     

    23  Au cours d'un repas en tête à tête, un jeune "Gabatch" sommièrois disait avoir adopté l'idée centrale qu'il ne devait faire que ce qui lui semble juste et qui est aussi juste à l'autre. Cet éclairage est très intéressant (merci à Jo) pour comprendre ce qui ne va pas dans nos têtes et dans le fonctionnement de la société. Nous sommes conditionnés à ne faire que ce qui est "juste", profitable pour nous, individuellement. Ou en tous cas, l'attention aux autres, la prise en compte "instinctive" de ce qui est juste pour la "communauté" humaine dans son ensemble, sont reléguées et même évacuées. Ainsi, peut-on s'enrichir, vivre dans le luxe au milieu de pauvres parfois très nombreux. On peut exploiter des individus, polluer la planète, fabriquer des armes "diaboliques", diffuser des perturbateurs endocriniens, breveter le vivant, hypothéquer la santé humaine, dégrader la planète et le climat, voter des lois scélérates... 

     

     

    25  Entre autres très nombreuses manifestations : le camp du bien/le camp du mal – les forces vives, ceux qui entreprennent/ ceux qui ne font rien – les optimistes/les pessimistes (ceux qui critiquent le système, par exemple sont assimilés aux pessimistes) – les bons/les mauvais – ceux qui réfléchissent/ceux qui consomment – les conscients/les non conscients – les pragmatiques raisonnables/les utopistes à « côté de la plaque »...

     

    26  Ces troubles sont le développement de l'égoïsme, la réduction de sa propre humanité, la peur du changement même si l'évolution en cours n'annonce rien de bon. Ils s'élèvent et s'installent plus fortement avec l'élévation de sa situation sociale et de ses propres privilèges. La corrélation indique que notre régime politique plus proche de l'aristocratique que du démocratique, ne nous amène pas en terre inconnue, mais en terre inquiétante.

     

     


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