• - L'Etat va-t-il prendre en compte les abstentions, les votes blancs, les non inscrits ?

    L'Etat va-t-il prendre en compte les abstentions, les votes blancs ?

     

    J'ai lu cette question sur facebook. Je proposes cette réponse :

     

    L'Etat est le garant politique de l'ordre économique et social en place. Un ordre qui distribue dans la société les places et l'argent. Il est aussi et consécutivement chargé de baliser l'évolution de ce « système », de sorte que l'essentiel (de cet ordre) ne change pas.

     

    Or, les élections sont un dispositif très central, le cœur-même du système et de la préservation de son ordre particulier. Il doit répéter les moments où l'on réaffirme collectivement notre adhésion à cet essentiel. Il est évidemment crucial qu'il en soit ainsi, d'autant que les catégories privilégiées et dominantes ne représentent qu'une faible minorité, au milieu d'une population de plusieurs dizaines de millions.

     

    Donc, l'Etat penche bien plus vers une obligation de vote que vers une reconnaissance des abstentions et des autres refus d'élire (les votes blancs et les non inscriptions sur les listes électorales). Sachant que cette reconnaissance passe par leur prise en compte dans les résultats en pourcentage.

     

    Au delà de leur variété, ces refus d'élire disent d'une certaine manière : « L'Etat, c'est pas nous, l'Etat c'est eux ». Eux, ce sont les élites qui dans les divers domaines, économique, politique, médiatique, intellectuel, sont les grands bénéficiaires et grands partisans du système en place.

     

    Dans un livre récemment mis sur facebook par un ami, l'auteur dit que les abstentions ont un caractère révolutionnaire.

    Ne prenons plus les vessies de l'Etat pour nos lanternes. Il est par nature contre-révolutionnaire. Et en tous cas, sa fonction « naturelle » est d'assurer la continuité de la logique en place. Cette continuité rend absolument nécessaires les élections. Cela, depuis la Révolution française et l'invention d'une démocratie sur mesure (par la classe bourgeoise de l'époque) dans laquelle l'immense majorité de la population n'a pas de pouvoir. Ou plutôt y renonce grâce aux élections.

     

    L'Etat ne peut évidemment pas entériner la désertion électorale... sauf s'il est (très) forcé de le faire à un moment donné du fait de pressions extérieures à lui. Quelles pressions ?

    Je pense par exemple que l'arme de la pétition ne pourrait en être une que si elle est accompagnée d'un mouvement social important et tenace. Autrement dit, c'est ce dernier qui est déterminant.

     

    Par exemple, Louis XVI fut obligé à quelque chose de contre nature pour son pouvoir absolu et celui des siens : les nobles. Ce fut de reconnaître le pouvoir des Etats Généraux (future Assemblée Nationale) pour freiner (très provisoirement) le désir révolutionnaire. Les appellations politiques « gauche » et « droite » sont nées à cette époque, de la position par rapport au roi dans la salle du château de Versailles du tiers-état et des autres ordres : noblesse et clergé.

     

    La dynamique révolutionnaire ne s'arrêta pas et ces Etats Généraux ne tardèrent pas à prendre tout le pouvoir et à s'instaurer Assemblée Nationale.

    Un pouvoir (républicain) en chassa un autre (monarchiste). Mais le pouvoir ne revint pas au peuple  - signification étymologique de "démocratie" - mais à « ses » représentants élus. On en est toujours là dans ce qui est davantage une aristocratie élue ou une ploutocratie élue.

     

    La reconnaissance officielle dans les pourcentages des résultats des diverses dissidences, signifierait que l'élu-e représenterait réellement de 25 à 35 % de la population en âge de voter . Et ça n'est pas possible parce que, à brève échéance, c'est trop risqué. Le "mal" se diffuserait très probablement.

    Il n'est alors pas exclu que cette reconnaissance dans les pourcentages) des refus d'élire n'enclenche pas une dynamique révolutionnaire. Ou si on n'aime pas ce mot, que cette prise en compte-là ne favorise pas la montée de la revendication d'une transformation profonde du système existant : de son pouvoir politique, de la logique économique et de la situation sociale.