• - L'errance des crabes par mauvais temps

     

       

      L’errance des crabes par mauvais temps

     Texte en ligne sur : www.novote-notears.eklablog.com 

     

      Sommaire.

         Prologue : le mauvais temps ne dure pas toujours...

      Gauche, droite. 

      Le constat de l’Arnaque.

      L’Etat républicain. 

      Déserter.

      Des croyances mises dans nos pauvres têtes.

      Clivage et division : les deux mamelles...

      Le destin individuel majoritaire... .

      Le barrage. Croire, désirer, garder les fous.

     

     

    Prologue : le mauvais temps ne dure pas toujours, mais il peut durer longtemps

     

     

     

    J'entends ton point de vue JL sauf ce morceau-là : "pour moi, ne pas voter revient à voter Le Pen puisque Macron est largement favori". Après plusieurs lectures, je n’ai pas encore compris. Il est vrai que comme le dit Sabine et le suggère Jordi, ce système nous amène à faire et à penser des trucs bizarres, à marcher comme des crabes un peu paumés lorsque le temps est mauvais pour eux.

     

    La chanson du Communard Jean-Baptiste Clément dit que les mauvais jours finiront. https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Semaine_sanglante Ce ne devrait pas être dans les semaines qui viennent. Ceci dit, même proche, l’avenir n’est par définition pas connu. Les prévisions et les prédictions auxquelles nous nous livrons, sont un besoin et des projections de nos subjectivités conditionnées. Il ne s'agit donc pas d'un désir forcément spontané et encore moins d'une appréhension juste de l'avenir. Un air même très répandu (par exemple... pessimiste) n'en dit pas davantage sur la chanson que demain et après-demain nous donneront. Le conditionnement et l'incertitude jouent particulièrement dans le domaine de la météo sociale. Visiblement, nous partageons assez nombreux le même désir d'une transformation profonde de notre Cité commune, suivant les mêmes valeurs. Nos raisonnements stratégiques peuvent être différents. Ne nous crispons jamais là-dessus. En particulier, en rejetant les uns sur les autres la faute du vote Le Pen.

     

     « Le pouvoir en démocratie, c'est forcément l'Etat, car la souveraineté populaire ( la démocratie) n'a jamais existé car elle est impossible ou dangereuse »

     

    Ma déjà longue réflexion sur l'histoire et sur son volet politique m'a amené à la désertion des élections. Sans oublier le rôle d'une certaine passion pour l'idée démocratique et sa réalisation effective. Je parle ici d'une démocratie « directe », puisque ce pléonasme est nécessaire.

     

    Cette dernière n'est pas une pure abstraction. L'histoire humaine est ponctuée d'un petit nombre d'expériences, ici et là. Et ce n'est pas rien, contrairement à ce qu'affirment nombre d'électeurs : « la démocratie directe n'a jamais existé nulle part »  et donc en concluent-ils, « elle est impossible ». Un argument assez borné qui s'ajoute à un autre lieu commun aussi sommaire que péremptoire. Ce lieu commun établit que la démocratie directe n'est possible qu'avec une population très restreinte et ne l'est donc donc pas dans un pays. Un propos qui par ailleurs dément l'affirmation précédente de l'impossibilité.

     

    En revanche, pour ces lieux communs et ceux qui les répètent, toute affirmation  infondée est possible puisque la récitation conformiste remplace la réflexion.

     

    La démocratie signifie la liberté. Mais la liberté ne signifie pas à elle seule la démocratie. Celle-ci, c'est le pouvoir exercé par le peuple.

     

    Qu'un groupe l'en prive y compris par le biais de l'élection populaire, alors la démocratie n'est plus, ni dans l'idée, ni dans la réalité. La liberté elle-même en est consécutivement et nécessairement peu ou prou réduite. Y compris d'une certaine manière, la sacro-sainte liberté d'expression, puisque nos expressions libres n'ont que peu de chance, voire aucune, d'être entendues par un pouvoir « séparé », c'est-à-dire extérieur à nous et éloigné. Quant à simplement diffuser nos expressions libres au delà de notre cercle relationnel, qui s'y est essayé sait bien que ce n'est pas donné à tout le monde. Ça l'est en réalité à un petit nombre pour lequel l'usage de la liberté ne dépasse que très rarement la bien-pensance.

     

    La démocratie ne peut être représentative  et la représentation ne peut être nommée « démocratie », dès lors que le pouvoir n'est plus au peuple que nous sommes (ou que nous devrions être), mais qu'il est complètement dévolu aux représentants. Qu'ils soient élus, ne change rien à l'affaire.

     

    Notre soumission volontaire à la domination de quelques uns : une sacrée vieille baliverne renouvelée au 18ème siècle

     

    Cette évidence nous a d'autant échappé que l'arnaque date de plus deux siècles. Celle-ci est donc quasi inscrite dans nos gènes. D'autant plus encore, qu'elle est une domination moderne relativement douce qui prolonge une histoire millénaire d'une domination dure et ostentatoire. Une domination assez souvent physique et violente des Hommes par un individu ou un groupe.

     

    Dans le présent d'une histoire plus récente, la succession et la variété apparente des élections rendent évidemment plus complexe encore la perception critique et ralentissent l'abandon du mythe.

     

    Même chose du côté de la création d'espaces de pouvoir imbriqués et hiérarchisés : « C'est la Communauté de communes qui a pris cette mauvaise décision et ce n'est pas nous », dit un maire. « Tout ça c'est l'Europe qui nous l'impose », nous dit un premier ministre ou un député national. Alors que ces maires, pour la plupart, et ces premiers ministres sont partisans à peu près sans réserve de l'UE et des regroupements de communes. Alors qu'ils participent à leur gouvernance quand ils ne l'exercent pas en totalité. Embrouille dans l' arnaque.

     

    L'école et le vaste ensemble des vecteurs de la culture dominante et d'une manière générale, la longue succession des générations « acculturées », font que l'arnaque n'en est pas une.

     

    Tout a contribué à penser la « démocratie  représentative », non plus pour ce qu'elle est - une croyance et une arnaque - mais à la voir comme ce qu'elle n'est pas - une évidence.  Dans cette croyance aussi absurde que résistante, la démocratie c'est alors, abandonner son pouvoir - et l'on peut ajouter : totalement - à un groupe et plus précisément à une partie de l'élite. Et la citoyenneté, c'est voter cela.

     

    Au point qu'aujourd'hui, les abstentionnistes qui ne veulent plus donner leur pouvoir ou le donner avec un chèque en blanc, sont considérés comme mauvais citoyens et peuvent même être soupçonnés d'être contre la démocratie.

     

          Crabes marchant de travers se trouvant désorientés lorsque le rendez-vous promis est... un lapin

     

    Ainsi, depuis longtemps, nous marchons de travers. Crabes, on était disposés un jour à leur désorientation chaque fois que le temps devient clairement mauvais. On pourrait imaginer que marchant normalement de travers, le mauvais temps, par chance, redresserait leur cheminement. Et bien, non. Si c'était le cas, on le verrait. Au travers, s'ajoute la désorientation.

     

    Cette désorientation, c'est en particulier lorsque l'élection ne permet plus une alternative politique réelle. Lorsque la contrepartie de l'abandon de son propre pouvoir n'est plus au rendez-vous, ni au présent, ni à l'horizon. Une contrepartie que l'on peut résumer comme : désir et attente de progrès, de sécurité et de ce « bonheur » promis. Une sorte de socle collectif nécessaire aux indivividus ordinaires que nous sommes pour se construire une bonne vie, sous l'aile des dominants.

     

    Que la croyance s'épuise peu à peu, quoi d'étonnant. Tout a une fin. Mais comme la plupart des processus historiques d'ordre structurel, cela prend du temps. Le déclin de l'arnaque peut être une bonne perspective si nous savons nous convaincre que perfuser l'arnaque ne nous préserve pas du FN. Et pas davantage non plus des dégradations écologiques et des risques liés.   

                                                   

    Vous y croyez vous au projet du capitalisme vert, à la récupération de la « transition » qu'opère toute la classe politique à l'instar des milieux dirigeant les grandes entreprises et les grands médias ?

     

    Prolonger consciemment l'arnaque, cela ne revient-il pas à prolonger le pourrissement et ses effluves ? En espérant... Quoi au fait ?

     

    Son déclin est une chance si nous sommes suffisamment nombreux à expliquer et à montrer ce qu'est une vraie démocratie et si nous sommes déterminés à la créer. Expliquer avec patience et conviction que l'idée démocratique est bonne et que la démocratie démoralisante actuelle n'en est pas une. Que cette pseudo démocratie ne sert donc pas l'intérêt général, nos aspirations humaines et le bien commun.

     

    Aujourd'hui, une majorité d'individus devenant insatisfaite de la situation actuelle est potentiellement susceptible d'entendre cela.

     

    Sans imaginaire de la démocratie directe, populaire, il y a un certain bon sens à considérer que si les pouvoirs successifs de droite et de gauche sont trop faibles, peu déterminés à nous protéger et peu enclins à construire le cadre du bien-vivre collectif qui est promis, alors il faut un pouvoir fort

     

    Parmi la masse croissante d'insatisfaits, il y a les électeurs du FN.

     

    Comment les amener à voir que voter Le Pen, c'est aller dans le même sens dans les pires conditions ? Que ce n'est pas voter pour  le peuple, que c'est voter contre, en le segmentant et en nous dressant les uns contre les autres. Que ce n'est pas arrêter de régresser, que c'est au contraire la pire des régressions, parce que génératrice de malheur et de plus ou moins de violence.

     

    Sans imaginaire de la démocratie directe, populaire, il y a un certain bon sens à considérer que si les pouvoirs successifs de droite et de gauche sont trop faibles, peu déterminés à nous protéger et peu enclins à construire le cadre du bien-vivre collectif qui est promis, alors il faut un pouvoir fort. Un pouvoir fort qui affirme sa grande détermination à protéger des autres, le peuple et la nation que nous avons constitués historiquement. Si la démocratie est faible et aboutit à dégrader nos vies quotidiennes, alors la démocratie peut être abandonnée. Le confusionnisme de toutes les démagogies aidant, on peut même déclarer sans sourciller être démocrate, non raciste et voter Le Pen.

     

    Ecrivant cela, je pense surtout à la démagogie national-socialiste, versus 21ème siècle dont j'essaie de comprendre rationnellement le succès.

     

    Je pense à quelques individus que je côtoie personnellement qui votent FN et dont les indéniables qualités humaines - générosité, simplicité, distance par rapport à l'argent, esprit de convivialité - m'amènent bien sûr à avoir de l'estime pour eux et à écouter avec calme ce qu'ils disent. Non pas pour abonder dans leur sens, mais pour penser et proposer la critique pertinente et bienveillante qu'ils méritent amplement.

     

    Ainsi pour lutter contre le piège démagogique et le dépasser, il m'apparait qu'il n'y a pas d'autre voie que nourrir nos imaginaires d'une démocratie dans laquelle on ne s'en remet plus à quelques autres

     

    S'offusquer, se lamenter, se révolter devant le discours du FN et son succès est un réflexe justifié, pour ne pas dire normal. Il me semble pourtant que laisser la réflexion dans la dépendance de cet état d'esprit, ne peut aboutir qu'à imaginer des actions d'opposition relativement stériles. N'est-ce pas ce qui se passe  lorsque l'on observe la progression électorale de l'extrême-droite ?

     

    Se contenter de répliquer que si l'opposition était plus nombreuse, ça marcherait mieux, cela relève d'une incapacité têtue à se poser la question de la limite qualitative de ce que l'on fait. Il y a là en aval une autre incapacité, celle de se détacher des schémas conventionnels et de rendre créatif son propre imaginaire.

     

    Ainsi pour lutter contre le piège démagogique et le dépasser, il m'apparait qu'il n'y a pas d'autre voie que nourrir nos imaginaires d'une démocratie dans laquelle on ne s'en remet plus à quelques autres, à leurs éventuels délires idéologiques, à leurs intérêts personnels ou de classe et à la frustration du décalage entre discours et résultats concrets pour nous.

     

    Faire barrage électoralement à l'extrême-droite, comme s'opposer à la venue de l'élu FN au conseil d'administration de tel collège, cela ne résout en rien le problème si l'on ne s'engage pas clairement hors élection à promouvoir une démocratie qui en soit une.

     

    Il y a du boulot . Mais nous sommes motivés et pas si fainéants, n'est-ce pas.

     

    Même si elle n'est pas du tout du même ordre que celle qui sévit dans bien des pays du sud, nous découvrons une insécurité réelle

     

    Nourrir la légitimité de ce régime-là qui repose d'abord sur l'élection, c'est sans doute avancer vers la catastrophe politique et sociale que l'on souhaite à tous prix éviter. Car c'est bien ce système qui génère d'abord la colère et ensuite le choix de moins en moins protestataire proposé par les démagogies d'extrême-droite qui promettent la lune sociale dans le ciel bleu national.

     

    C'est cette démocratie-arnaque qui partout a installé la mondialisation économique, financière et sa concurrence exacerbée. Cela, à l'unanimité de tous les gouvernements et assemblées, dans une parfaite conformité à une idéologie des plus bornée qui soit. On peut y voir une passion religieuse intégriste et un choix de régressions successives qui s'accompagnent inévitablement d'un sentiment général d'impuissance, d'insécurité et de démoralisation démocratique.

     

    Lorsque le monde du pouvoir s'évertue à gloser sur le libéralisme et la pseudo modération de notre modèle politico-économique attaqué et menacé par des extrémistes et des radicaux, un esprit un tant soit peu... libre et modéré n'a-t-il pas à s'interroger sur le doigt qui montre la lune ?

     

    Même si elle n'est pas du tout du même ordre que celle qui sévit dans bien des pays du sud, nous découvrons une insécurité réelle. Mais, elle est instrumentalisée et détournée par l'extrême-droite, non pas contre le système, mais contre l'idée démocratique que l'imaginaire général ne connaît qu'au travers d'une fausse démocratie. Le système de l'arnaque a grand intérêt à cette ignorance et à la maintenir. Il n'y a que nous qui pouvons vraiment y remédier, qui avons intérêt à commencer sans tarder à semer cette friche imaginaire.

     

    Or, les partisans d'un autre monde que nous sommes, assimilent trop facilement liberté, élections et démocratie. C'est une cause du renoncement à envisager la démocratie directe, à en parler et à en proposer l'expérience locale comme pouvant se généraliser. La montrer comme choix et projet réellement alternatifs centrés sur nos préoccupations concrètes. Un projet adaptant l'économie et la finance à lui et pas comme actuellement, une politique unique nous adaptant de force aux pseudos lois incontournables de l'économie de marché capitaliste et à son extrémisme productiviste et financier.

    Le résultat logique de l'absence d'une autre perspective démocratique et vraiment populaire pour une partie importante de la population, est celui-ci : si la démocratie n'est que ce régime d'ambitieux, de nouveaux aristocrates, d'ouverture dogmatique à la mondialisation économique et à une concurrence dommageable, alors on peut effectivement considérer que la sortie de la démocratie est une bonne chose.

     

    De la bourgeoisie « révolutionnaire » à la démocratie représentative et à l'emprise légitimée de la logique économique et du profit

     

    La démocratie "représentative" inventée à la fin du 18ème siècle a accompagné le capitalisme et l'a même porté sur les fonts baptismaux au 19ème, pour son décollage industriel. Elle se confond avec lui. Elle est son cadre politique, celui qui permet d’imposer ce type d'économie (« sa loi et ses prophètes ») à la société humaine . Celle qui permet la domination non discutable de sa logique et de sa dynamique propre.

     

    Ce sont bien nos élus-es et nos Etats qui ont récemment extrait du débat politique le capitalisme et le marché. Eux qui, sciemment dans tous les pays (à de très rares exceptions hors pays riches), ont dérégulé, mondialisé et donc libéré les marchés financiers dans les années 1970 et 1980. Pour ensuite nous dire que c'est ainsi et que malheureusement cela contraint nos choix. Autrement dit, les pompiers pyromanes impuissants à éteindre le feu, nous enjoignent tous d'accepter leur projet unique d'un bonheur personnel dans le grand crematorium.

     

    Alors que ce cadre économique-là est bien un objet « politique », c'est-à-dire une option possible parmi d'autres possibles, quant aux moyens que l'on met au service de nos fins et de notre projet social et démocratique.

    Au contraire, partout, cette démocratie aux mains de représentants des élites dominantes assure et garantit cette emprise de la logique économique sur la société. Elle est le fruit d'une révolution populaire récupérée par la bourgeoisie « révolutionnaire ».

     

    La démocratie représentative fut inventée précisément dans ce contexte par cette nouvelle élite politique. Elle fut et demeure une arnaque pour le peuple qui, dans une démocratie digne de ce nom, doit pouvoir définir librement ses propres valeurs et projets et les voir se réaliser politiquement et socialement. C'est le but d'une révolution qui s'il est abandonné, la range dans le cycle des révolutions ratées ou en tous cas arrêtées.

     

    Si on pense au triptyque relativement consensuel depuis deux siècles - liberté, égalité, fraternité - on peut mesurer ce qu’il est advenu de sa réalisation sous le joug du marché « libre », du capitalisme et de l’Etat « démocratique ».

     

                                        

                Gauche/droite : le mythe de l'alternance au pouvoir était un arnaque pour les gens de gauche. Sous le vieux voile mité, c'est le règne d'une nouvelle aristocratie et de ses intérêts

     

    Gilles Deleuze disait dans les années 70 que les gens de gauche pensaient le monde et l'humanité, puis leur pays, puis eux-mêmes et que c'était le contraire chez les gens de droite.

     

    Même si la persistance de la validité des appellations gauche et droite demande à être questionnée, il est juste de chercher à définir ou à redéfinir le clivage qui continue à traverser nos sociétés. N'en déplaise à celles et ceux qui aspirant à une société apaisée, peuplée d'êtres spirituellement transformés, en arrivent à nier le réel, à prendre leurs vessies pour des lanternes. N'en déplaise à l'idéologie dominante qui cherche à imposer sa vision de notre société comme celle d'une équipe de collaborateurs ayant les mêmes intérêts et œuvrant dans la même bonne direction.

     

    Même si un raisonnement manichéen peut toujours et à raison, être considéré comme peu ou prou simplificateur, une autre définition pourrait être : il y a ceux qui critiquent le système (disons marchand) et qui en désirent un autre. Et il y a ceux qui critiquent ceux qui critiquant le système en souhaitent un autre.

     

    La démocratie "représentative" a été nommée ainsi pour cacher sa nature réelle d'aristocratie élective ou d'oligarchie de la ou des classes privilégiées. Pour faire écho à la définition de Deleuze, cette "démocratie" a été construite pour perpétuer la domination des élites idéologiquement « de droite », celles qui sont partisanes et conservatrices de l'ordre social généré par le capitalisme et la loi de l'argent. C'est un fait avéré que recouvrent l'étiquetage diversifié des partis de pouvoir et les discours de ceux et celles qui alternent aux niveaux décisifs de sa gestion.

     

    De fait à l'origine à la fin du 18ème siècle, le pouvoir politique tellement important et convoité, est transféré de la noblesse à la bourgeoisie industrieuse et financière. Et pas au peuple et pas à des individus susceptibles de le représenter, ne serait-ce qu'un peu.

     

    Les élections passent et la domination reste. Entre les élections, c'est-à-dire presque tout le temps, cette « démocratie » ressemble toujours au régime monarchique, bien davantage qu'à la démocratie. La démocratie ne fut d'ailleurs pas le choix fait par le nouveau pouvoir après la proclamation de la république. Des textes d'époque et des écrits d'historiens contemporains ou non le relatent.

     

    On rétorquera peut-être que tout ça, c'est de de la spéculation historique et de la branlette théorique. Que dans l’isoloir, chacun choisit librement en son âme et conscience. Que le résultat des urnes est incertain, que l’élection libre offre tous les possibles, particulièrement aujourd'hui. Pour preuve par exemple, la grande variété des candidats au premier tour.

     

    C'est vrai pour la variété, ne mégotons pas, même si... Sauf que le résultat, ce n’est que celui du second tour. Et là, l'histoire qui se déroule concrètement depuis deux siècles sans démenti, c’est bien la perpétuation par les élections du même « personnel » politique qui sert coûte que coûte une logique productiviste et financière devenue plus cancéreuse qu’heureuse. Un carcan politique et économique qui maintient la loi des plus forts et des plus « allégeants » au système de la (con)quête de l’argent et du pouvoir.

     

        
    Une évolution folle parce que « libérée », du fait d’un étranglement des alternatives politiques et des contestations sociales par les gouvernements successifs

     

     

    Avec la démocratie actuelle et plus de 2 siècles d'existence, la gauche n'a gouverné que peu d'années. Et quelle gauche ! Une gauche prête à toutes les compromissions et les trahisons. Une gauche pratiquant une gestion zélée du capitalisme et accompagnant avec le même zèle son développement nécessaire fait d’inégalités croissantes dans chaque pays et entre les pays riches et les pays pauvres. Fait d’exploitation de la planète et de pollutions, de manipulation du vivant et de réduction de la biodiversité, de technicisation forcée et d’instrumentalisation de la science. Fait de privatisation, de soumission de tout à la loi du profit et des dividendes.

     

    Un développement fou « libéré » par les gouvernements successifs du fait d’un étranglement des alternatives politiques et des contestations sociales susceptibles de prolonger l’histoire (ouvrière) des conquêtes sociales imposées à l’Etat (bourgeois).

     

    Je sais, les termes « bourgeois » et «ouvriers» sont aujourd’hui ringards et prêtent à sourire. Comme sont aussi dépassées les conquêtes sociales réelles... Sourire encore ? Ce parallèle historique que je me permets, donne aussi une bonne occasion de discuter et de réfléchir autour d'un verre... ou plus si afffffi..finini..tés.

     

            Monarchiste ou républicain, l'Etat ce n'est pas nous, c'est eux. N'en déplaise aux croyants de gauche

     

    Les progrès sociaux sont nés à 100 % des luttes sociales et pas d'un Etat soi-disant « providence » et social. Contrairement à Bourdieu par exemple, aux réformistes de gauche et à nos livres scolaires et universitaires officiels, je pense que l'Etat n'a pas une main gauche et une main droite. Il ne légifère des avancées sociales hors de la présence de luttes importantes, que sous la pression du contexte social. Il n'a pas de main gauche.

     

    Pour prévenir l'explosion, suivant leur appréhension de la situation, les dirigeants politiques peuvent faire le choix obligé de lâcher quelque chose et de navrer un peu leurs « camarades de classe ». Peut-être pas tant que cela car certaines mesures "progressistes" peuvent par ailleurs être supprimées plus tard. On connaît.

     

    Toujours saluées par ces mêmes camarades de classe, ce sont des suppressions suffisantes tout au moins en qualité, en vue de la « nécessaire modernisation de notre système social  archaïque », pour que l'économie de marché capitaliste reprenne ses droits et son évolution « naturelle ». Pour que les catégories privilégiées et dominantes confortent leurs positions et leurs privilèges, un tout petit peu rognés précédemment.

     

    Faire rétrospectivement du Front populaire un modèle d'Etat de gauche, c'est regarder l'histoire avec un filtre ou des oeillères, en se conformant au mythe enseigné dans tous nos livres d'histoire. Ce même gouvernement qui refusa, comme les autres Etats européens, de fournir des armes et de l'artillerie aux anti-franquistes, révolutionnaires pour un nombre certain d'entre eux. Des témoins et des historiens faisant de ce refus la cause majeure de la victoire du fascisme franquiste dont l’armée était, dit-on, numériquement moins nombreuse, même aidée par Hitler et Mussolini.

     

    La démocratie représentative et nos Etats préfèrent toujours au risque de révolution sociale et de démocratie horizontale, la répression et la division du peuple qui sont l'oeuvre centrale du fascisme et de l'extrême-droite. Mais avant cette extrémité, il y a la menace, l'épouvantail agité par nos dirigeants, nos grands profiteurs et leurs médias.

     

    L'élection présidentielle est un sommet en matière d'agitation de l'épouvantail et de préservation de l'ordre démocratique marchand. Ca marche toujours bien sûr, mais un peu moins bien qu'auparavant. Et bien plus que demain.

     

                      La désertion n'est pas un but. Elle doit être une rampe de lancement d'un projet de société d'individus à l'esprit ouvert et de citoyens réels

     

    Devant la percée de Mélenchon annoncée par les sondages, nous avons décidé en famille de voter pour lui au premier tour. Personnellement, j'ai donc provisoirement ajourné ma position de déserteur des urnes d'une démocratie-arnaque pour le peuple deleuzien de gauche dont je me sens très proche.

     

    Mais la désertion n’est pas le but, elle n’est en rien un projet. Elle est une position choisie et réfléchie comme la plus adaptée et la plus opérante vers un projet réellement humain à construire.

     

    Je déserte pour m'engager très clairement, sans retenue, ni dispersion et diversion, sans perte d'énergie, en direction d'une démocratie la plus directe -et donc populaire- possible. Elle est la condition sine qua non d'une toute autre construction sociale. Il y a du chemin. Ce qui n’en fait pas forcément un projet irréaliste et trop lointain pour qu'il mérite une grande attention. Je pense même le contraire. Je pense qu'est réellement irréaliste de considérer que la démocratie représentative peut être autre chose que ce qu'elle est. Qu'elle nous sauvera de ce productivisme insensé et des dégradations égrenées par la loi du marché. Cette fonction salvatrice n'est très visiblement ni en sa capacité, ni son intention.

     

    Que ce soit face à la dégradation lente de la situation globale ou dans l’attente d’une crise soudaine rendant possible un effondrement, il y a à mon avis plusieurs perspectives  que je ne hiérarchise pas ici :

     

     •   le chaos total, tel que se plaît à nous le décrire dans différentes versions une certaine science-fiction

     

     •   le pouvoir des extrêmes droites ou celui d’autres démagogues autoritaires et affairistes à demi cinglés

     

     •   l’intervention de l’armée ou de celle des Etats-Unis par exemple, au nom de la défense de la démocratie bien sûr. Et il apparaît qu'il n’y a pas trop de démocratie et de colonels progressistes dans les armées de nos pays riches

     

     •   le développement d’assemblées spontanées un peu partout qui décident de construire un autre régime politique du 21ème siècle plus conforme à ce que doit être une démocratie. C’est-à-dire le pouvoir exercé par le peuple. Cest-à-dire le peuple souverain. C’est aussi ce pouvoir politique non séparé (expression pour dire que le pouvoir n'est pas séparé de la population, que l'on est dans une démocratie horizontale et que le pouvoir reste partagé en bas) qui veut (enfin) s’imposer au pouvoir économique, aux méga firmes, à ses lobbies, à la finance privée et à leur chantage. Le pouvoir et le vouloir d'un peuple -et en tous cas de tous ceux-celles qui auront envie de s'exprimer- qui assument avec courage et détermination la liberté d'un projet de société réellement choisi.

     

    De toutes ces perspectives, la plus réaliste semble les deux premières si on en croit l'air pollué du temps. Permettez-moi de ne pas être de ce réalisme-là.

     

    A propos du... non vote Le Pen

     

    A propos des quelques petites communes françaises dans lesquelles Le Pen a fait zéro voix au 1er tour. http://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/carte-ces-56-communes-ou-marine-le-pen-n-a-fait-aucune-voix_2159674.html

     

    Si on regarde leurs caractéristiques, on voit que ce sont des très petites communes qui ont toutes moins de 100 inscrits sur les listes électorales La plupart ont même très, très peu d'habitants. Un certain nombre se trouve en Ariège. La majorité est dans le Quart sud-ouest. Parmi elles, se trouvent notamment Balacet (21 habitants) en Ariège, Saint-Acheul (27 habitants) dans la Somme (ouaiaiaiais !) et Charmes-en-l'Angle (9 habitants) en Haute-Marne.

     

    Quelle est alors parmi d'autres facteurs, une cause importante de ce non vote parfait pour l’extrême-droite ?

     

    Ma réponse est celle-ci : sachant que le nombre minimum de conseillers-es municipaux est 7 en France, cela signifie que ces communes sont très proches de l'autogestion et de la démocratie directe. Mon explication : lorsque des individus sont mis en situation de responsabilité citoyenne (politique), alors la frustration inhérente à la démocratie représentative qui peut alimenter le vote FN, s'estompe.

     

    J'ai envie d'adjoindre à ce facteur essentiel ceci : chacun y est aussi moins seul avec ses fantasmes, ses peurs et ses idées éventuellement à la con, que dans les communes plus importantes.

     

    Cela ne veut évidement pas dire que ces gens des petites communes vont alors magiquement s'abstenir ou voter à gauche, qu'ils ne vont pas voter à cette présidentielle pour le fils spirituel du CAC 40 tout juste sorti des affaires bancaires ou pour cet autre candidat de droite tout nouvellement entré dans les affaires... selon le Canard Enchaîné.

     

    Des croyances mises dans nos pauvres têtes et qui sont très loin d'être anodines du côté de notre responsabilité et de notre complicité au désordre du monde

     

    Nous faire croire et dire qu’il n’y a aucun lien entre la situation politique locale et le vote aux présidentielles, voilà encore une bêtise dont il faut se débarrasser pour mieux comprendre les choses et ne plus marcher comme des crabes par mauvais temps.

     

    Comme cette autre croyance qui consiste à affirmer cette non-pensée glissée dans nos têtes : « la montée des non-votes (abstentions, blancs, non-inscrits) n’est en aucune manière une catastrophe qui s’annonce pour l'oligarchie et l’ordre marchand (qui est bien davantage un désordre humain, éthique, écologique et social)… puisqu’ « ils » ne les comptent pas dans les pourcentages ».

     

    La réalité est bien plutôt : c’est à cause de l’énorme danger que cela représente, que les pourcentages de ces non-votes ne sont pas près d’être pris en compte par nos chers Etats républicains ou non. Et évidemment aussi par les instituts de sondage, de concert avec les grands médias aux mains de divers industriels et financiers.

     

    Une diversité (sic) qui prouve d'ailleurs la richesse de la liberté d’expression et d'information (lol) dont nous bénéficions et que nous ne pouvons que louer et défendre (mdr). La qualité du régime politique dépendant fortement de cette diversité et de cette liberté, on peut là aussi apprécier la hauteur démocratique du nôtre.

     

    Vous imaginez, vous , une situation durable dans laquelle le président-roi ou la présidente-reine de France serait « triomphalement »  élu-e au second tour avec le score officiel et très publié de 39 %*  et éventuellement au bout d'un an avec un indice de popularité en chute ? Non décidément, 62 % ça sonne beaucoup mieux, restons-en là.

     

    Allons !

     

     *  39 % en partie obtenus grâce aux votes de barrage à Le Pen (situation et calcul tirés des résultats tout récents de cette présidentielle 2017). Voir l'article : les vrais pourcentages de la présidentielle 2017.

     

                Clivage, division et auto-division : les mamelles de la bête dévoreuse de notre capacité à former une collectivité humaine responsable  

     

    Salinelles, notre village gardois de 580 habitants a pour la première fois mis en tête Le Pen. J'y vis depuis près de 20 ans et je constate combien on peut être relativement seul dans ce village étiré sur plus d'un km autour de la rue principale. Combien il est facile de l'être lorsque l'on est sans réseau et sans désir de sortir rencontrer les autres. Hormis en de rares occasions où d'ailleurs la plupart de ces réseaux quelque peu tribaux s'absentent.

    Combien il n'est pas si facile d’être suffisamment apprécié par une bonne partie de ses propres voisins pour avoir avec eux une relation normale... c’est-à-dire minimale. La méfiance et le pessimisme gagnent. On se livre essentiellement à la télé, aux radios et à Midi Libre pour s'informer et former son opinion. Ceci explique largement cela. Et réciproquement.

     

    Désormais, on s'interdit le débat des idées dans les rares rencontres. Parce que c'est considéré comme source de conflits et anti convivial.                                                                                    La convivialité des repas de quartiers, des apéros de la mairie, des lotos, des vide-greniers, des activités de la grosse asso et du repas du toro, c'est bien. Mais visiblement, il semble qu'il y manque quelque chose pour s'épanouir bien davantage, individuellement et ensemble.

     

    « L’ antique » débat d’idées, c’est en quelque sorte comme la pollution, c’est considéré comme sale et nocif. Et c'est d'autant plus facile de réprimer son "animalité politique" que les élections nous renvoient à notre néant citoyen et à son impuissance, dès qu'elles sont finies. Et c'est d'autant plus facile aussi que la politique concrète de nos élu-e-s est assez dégoûtante et nocive. Ces caractéristiques et ces ressentis croissent d'ailleurs avec la hauteur et l'éloignement du type de pouvoir exercé.

     

    Certes, nous sommes un certain nombre à avoir réussi à se bricoler une citoyenneté relativement libre avec des opinions, des actions et des luttes. Et qui discutons aussi... essentiellement entre nous. La mode est au retour à la tribu des potes.

     

    Nous, nous avons de la chance, nous avons croisé les bonnes personnes, parents, enseignants, amis... Mais ce n'est pas une caractéristique de la démocratie oligarchique et de ses élections, c'est un itinéraire chanceux de construction d’une certaine, voire d'une assez grande liberté d’esprit. Chance qui ne touche visiblement qu’une minorité.

      

     

               Arrêtons de pérorer stupidement sur la liberté de chacun et d'y voir l'élément sacré qui justifie le régime oligarchique actuel. Ce n'est pas le destin individuel majoritaire dans cette pseudo démocratie de la société marchande

     

     

    La société actuelle (du spectacle), sa démocratie minimaliste et ses élections spectaculaires aux résultats inchangés, ce n'est pas la généralisation de cet itinéraire de capacité et de liberté réelle pour chacun. On doit le constater, plutôt que céder au jugement vulgaire et assez suggéré qui envahit nos esprits. Plutôt qu'adopter une posture qui renonce à penser la source et qui consiste à éructer sur la connerie de nos congénères ou même sur la tare congénitale de l’humain. Une sorte de balle de plomb que l'on tire dans sa propre tête et aussi dans la tête de ses enfants lorsque l'on est parents. « Con d'ta race, mon fils ou ma fille ». Super encouragement à vivre et à aimer.

     

    Mes ancêtres et mes parents ouvriers n’en étaient pas là. Ils utilisaient plus fréquemment le « nous » que le « je ». Ils me l'ont transmis. C’est ce qui a permis aux ouvriers réunis de faire trembler le capitalisme et son Etat au cours du 20ème siècle. Et à défaut d'avoir renversé ce système, c’est ce qui est à l’origine de l’installation de progrès sociaux concrets un peu mieux partagés. Ces conquêtes que l’on perd peu à peu depuis 30 ans, en gros depuis que « je » - c’est-à-dire chacun- trouve cons et infréquentables les autres. Qui parle encore au mode du « nous » ?

     

    Le destin majoritaire, c’est la culture de la passivité, de la soumission depuis l'enfance, depuis l'école. Puis avec le travail, les médias, la consommation qui assoient la passivité et le fatalisme bien plus que la liberté critique. On nous fait spectateurs avant tout, de tout, de notre propre vie concrète. Des consommateurs-cibles de ce qu’il faut faire, penser, voter.

     

    Elire, c'est désigner ses chefs. Des chefs qui sont conformes à l'image qui nous en a été construite : sérieux, diplômés, cravatés, beaux parleurs, pas trop radicaux... de gauche. Ceux qui savent, au contraire du peuple qui ne sait rien. Qui ne pense pas et qui ne comprend rien à l'intérêt général.

     

    Petit problème : ces éminents citoyens aux compétences supérieures font la même politique de régression et d'avenir hypothéqué. Ils construisent la même Europe encore moins démocratique que ce qu’une démocratie « représentative » minimaliste permet dans chaque pays. Ils co-construisent la mondialisation heureuse que l'on connait déjà pas mal et sa future gouvernance, démocratique cela va de soi.

     

    Elle est là, la cause fondamentale, la source première de la montée du danger de l'extrême-droite partout ou de l'absurdité de l’élection de milliardaires-affairistes ultra conservateurs au sommet de quelques Etats (Berlusconi, Trump..).

     

                            Tout sauf le Pen. Tout c'est-à-dire Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron... Quoi, on continue encore longtemps le jeu de dupes ?

     

    Un ami ironisait : « la Bourse a salué la première place de Macron : + 4 points le lendemain du premier tour. Tout est dit. J’ai envie de faire barrage à Macron ». « J’ai pas du tout envie de rigoler » rétorque gentiment mais fermement une amie d’origine portugaise qui a connu pendant toute sa jeunesse la réalité du pouvoir de Salazar qui s’étala de 1933 à 1974. Un pouvoir autoritaire, liberticide, anti gauche, nationaliste, corporatiste et donc anti peuple, dont l’idéologie de Le Pen et du FN est une héritière modernisée.

     

    Faire barrage à Le Pen, encore et encore. En se bouchant le nez , triste de ce non choix de participer à élire un énarque ex banquier de chez Rothschild & Cie et héros de la bourse. Et vivre mal ensuite comme beaucoup, la continuité des régressions dans notre société, au nom de la dette publique, de la "libération" du marché du travail, de la discipline européenne, de la compétitivité internationale ou de toute autre réalité incontournable quasi naturalisée… et réellement installée unanimement par nos Etats eux-mêmes.

     

    Retarder l’échéance Le Pen, en espérant que quelque chose l’efface de notre horizon à 5 ans.
    Pourquoi pas  bien sûr. Ouf, cette fois encore c'est fait, un peu moins nettement. Pour l'heure on ne sait être que ça : des crabes, un peu déments quand même, qui marchent encore plus de travers. Par réalisme.                                                                      Je ne m'exclus pas du lot, au milieu de plusieurs amis. Le lot tend à diminuer peu à peu. Preuve que le souffle du progrès et de la liberté ne meurt jamais. Il ne fait que tomber parfois un peu longtemps à notre goût et relativement à notre passage sur terre.                                                                                                        

    Le bon sens humain et la folie du monde ?  Cette question me vient du titre d'un documentaire très récent de la néo réunionnaise Anaïs Charles-Dominique.

     

    Je suis persuadé que si nous sommes collectivement incapables de redevenir des acteurs centraux de notre histoire politique et sociale, il n'y aura pas d'autre horizon dans ce système que la folie douce menant à la folie Le Pen. 

      

    Les élections et l'Etat, c'est ça et ça mène à ça lorsque l’époque des contestations suffisamment massives n’est plus. Lorsque la domination est très largement livrée à elle-même, elle va sa logique et elle abuse. Qu’elle soit politique ou économique, c’est pareil. « Le pouvoir abuse et abusera toujours » écrivait déjà Montesquieu peu de décennies avant la révolution. Quant à l'appétit de richesses, il est dit-on sans limite. Mais soyons observateurs réalistes et non trop facilement misanthropes et délirants: il l'est pour la petite partie de l'humanité qui concentre une richesse croissante. En 2017 en France, selon l'AFP, 21 personnes possèdent en France autant que 40 % des foyers les moins favorisés. 

    Faire de cette cupidité insatiable une caractéristique dominante de la nature humaine, comme on peut l'entendre couramment en ces temps d'errance, cela me semble en effet assez délirant. C'est en tous cas, un propos très puissamment conditionné en vue de nous faire avaler une couleuvre socio-politique mutée en élément naturel et donc parfaitement digeste. Chacun sait que devant la nature des choses, il n'y a pas d'autre choix que de s'incliner.

     
     

     " Chacun son métier, les vaches seront bien gardées."      Qu'en est-il de la garde des vaches grasses :  les garde-fous 

     

     

    Le pouvoir concentré s’éloigne et se sépare toujours de l’intérêt commun, lorsque la communauté n’est pas en mesure de le contraindre à cette priorité. Voyez parmi de nombreux exemples, le « détail » du développement d’affaires de détournement de l’argent public (on peut penser qu'elles se développent), entre autres par le biais des emplois fictifs.

     

    En ces temps d’errance des crabes-citoyens, Fillon et Le Pen, tous deux délinquants déclarés, font quand même ensemble 42 % des bulletins exprimés à ce premier tour des présidentielles 2017. Et la gauche réunie fait 27% avec ses 4 candidats. Incroyable, scandaleux  ? Scandaleux, oui bien sûr. Incroyable, mais non, il faut chercher l’explication ailleurs que dans l’idiote déclamation : « c’est 42 % d’abrutis complets, de sous-humains cyniques »... de sous-moi en quelque sorte.

     

    Les garde-fous devant le risque de l'élection d'un personnage aux idées très dissidentes (vraiment « de gauche »), sont suffisamment denses, éprouvées et adaptables pour que l'éventualité soit quasi nulle. Nous ne sommes pas en Amérique latine. Nous sommes au coeur de l'empire marchand.

     

    Nous avons pu croire à une victoire de Mélenchon à la présidence. Il « aurait suffi » qu'il soit présent au tour décisif face à Le Pen. Les sondages prévoyaient sa victoire contre la fille du père, dans cette éventualité. On a raison de désirer un grand changement dans le sens du bien commun, des valeurs d’égalité et de fraternité, d’une démocratie bien plus horizontale et réellement participative. On a tort de croire que les élections permettent ça.

     

    J’ai envie de m’attaquer à ma sauce à quelque chose qui me semble bien négligé dans la réflexion sur la démocratie marchande ou comme disent les situationnistes, sur la démocratie du spectacle.

     

    Que sont précisément ces garde-fous qui sont suffisamment présents pour être efficaces ? Pourquoi a-t-on tant de mal à les voir et pourquoi nous livrons-nous avec acharnement à une croyance (foncièrement irréaliste) plutôt que s’en libérer ? Pourquoi nous contentons-nous d'abhorrer la majorité de nos congénères humains  ou même la « nature humaine » ?

     

     

    Tout ce fatras d'une vulgate très suggérée qui - érigée en pensée personnelle - nous convainc que la démocratie au vrai sens du terme est impossible ou n'est pas pas souhaitable

     

     

    Je pense que l'existence de ces garde-fous du dérapage électoral nous amène à la nécessité de rompre avec ces élections qui sont sans issue pour nos valeurs et nos désirs. Cela pour mettre le paquet de notre énergie, de notre imagination, de nos actions et notre recherche collective dans une grande direction : suggérer et mettre en débat sur la place publique… sur le pavé et sur la plage,  la création d’une démocratie qui en soit une.

     

    Mettre en marche cette histoire qui touche tant notre histoire personnelle.

     

    Le désir, la confiance et l'action, contre la croyance, la peur, la méfiance et le pessimisme sur l'humain. Contre tout ce qui réduit ce droit fondamental que nos prédécesseurs ont conquis : celui de choisir vraiment ensemble la société, à mille lieux de la ruine d'un régime caduc rafistolé par un triste vote de barrage.

     

    Construire une démocratie la plus directe possible entre les élections, l'esprit libéré, plutôt que (plus ou moins) se passionner pour la suivante, pour ces spectacles du vol de la démocratie, d'une vie politique de quelques uns qui signe notre mort politique.

    Panem et circenses. Du pain, des jeux... et des élections.

     

    Utopiste que tout cela ?

    Peut-être, mais c'est infiniment plus désirable et excitant que l'utopie libérale et destructrice emmenée par la démocratie du spectacle et du capital. Peut-être bien plus réaliste aussi, quant au devenir de l'humanité. Je pense aussi que c'est ça ou une Le Pen, une autre fois. Les mauvais jours continuant, le barrage ne tiendra plus longtemps.