• La Terre des éclopés et ses trois petits mondes

     

     

    LA TERRE DES ÉCLOPÉS ET SES TROIS PETITS MONDES

     

    DE L'HUMAIN DÉSUNI

                VERS LA RÉUNION DES HUMAINS 



    Maxime Vasseur



    50 années d'animalité politique

    30 ans d'une démarche alternative

    25 ans de pratique du yoga.

    Pas de quoi en "faire un plat", mais quand même...

     


    A mes parents, ouvriers, communistes,

    A tous ceux et celles qui, comme eux hier, désirent aujourd'hui un grand changement

     

    Prologue.

     

     

    La Terre et ses habitants ne vont pas très bien, n'est-ce pas ?

     

     

    Notre époque mêle des signes de fin d'un système et des germes d'un autre monde. Le sentiment qu'un changement important est nécessaire gagne peu à peu du terrain. Penser et agir, résister et créer, sont perçus comme devant être des couples liés et non plus séparés. Pour autant, la conscience croissante des dangers et des défis majeurs auxquels l'humanité est confrontée, induit des réactions très variables voire opposées.

     

     

    Lorsque l'on regarde ainsi du côté de ceux qui aspirent à une transformation que l'on peut qualifier de « souhaitable » (éthique, politique, sociale, écologique), on relève différentes perceptions. Au risque de simplifier, sans toutefois caricaturer à l'excès, trois grandes voies sont repérables : la voie politique, la voie personnelle et la voie des "alternatives".

     

    Alors qu'elles sont ensemble nécessaires, chacune est essentiellement portée de manière exclusive par un "petit monde". Ces "petits mondes" empruntant des chemins qui ne se croisent guère, la transformation peine à exister et à toucher la société. Cela d'autant plus qu'ils concernent la plupart du temps des minorités dispersées et/ou des individus (sur)centrés sur eux-mêmes.

     

    Cela signifie que ces individus n'ont aucun désir particulier d'inscrire leur expérience personnelle dans une dimension collective qui dépasse leur cercle relationnel et leur tribu d'initiés. Le petit monde des militants politiques est bien sûr le moins conforme à ce schéma. L'engagement individuel s'y faisant dans et pour un vaste projet collectif. Mais au fil du temps, la dépolitisation aidant, il montre des groupes réduits d'initiés, évoluant davantage entre eux.

     

    Sans pour autant être conformistes, égoïstes et conservateurs, les individus ainsi autocentrés sont imprégnés de l'individualisme étroit qui est un pilier central de la culture dominante et un facteur important de l'état de la société. Ils n'ont pas la (pleine) conscience de l'être collectif, du « corps social » dit-on plus couramment, dont ils font partie. La conscience de classe dans la société de classes et de l'exploitation et la conscience de l'humain en communauté réelle ou originelle, en sont des exemples connus, en particulier de l'analyse marxiste.

     

    Cette conscience d'être plus que soi-même ou d'être un soi-même dans un soi humain, appartient en effet aux humains. En ce sens qu'elle leur permet à notre espèce animale particulière d'imaginer et de tracer ensemble son destin parmi des possibles sociétaux différents. Ce sont des traits communs et des choix concrets dans tous les secteurs de notre vie. Ils définisent la composante politique de notre humanité. « Politique » est à prendre au sens propre de « notre appartenance à une Cité que nous avons à définir et à organiser ensemble ».

     

    Cette conscience-là est endormie sous l'action continue et renforcée d'un conditionnement omniprésent qui, pour l'heure, ne rencontre plus guère d'obstacles de poids. Dès lors, « on » ne comprend pas le sens et l'utilité de dépasser le bornage réducteur de son « être au monde ». On consent à ne pas être humain dans sa pleine humanité.

     

     

    On en subit les conséquences bien sûr. Mais sans connaissance de la racine des maux, on n'en recherche pas la médication et ces maux s'étendent. Cette réduction de son humanité est d'autant plus inconsciente qu'elle est devenue la normalité dans notre entourage proche ou étendu.

     

    Cette perte de conscience collective induit une atomisation sociale, une séparation de chacun avec les autres. Oh bien sûr, nous avons tous un réseau relationnel plus ou moins important et des activités avec d'autres individus. Cela ne veut pas dire que formions une communauté qui vit son commun, qui réfléchit à son présent et à son avenir. Tout ce qui fait que nous pouvons avoir un poids collectif dans l'évolution de notre société.

     

     

    Cette absence de perception d'un commun à choisir ou à retrouver, entraîne un large abandon du débat et de la réflexion croisée qui sont ensemble nécessaires. Le sujet « politique » est évité en groupe. Il est perçu comme anti convivial et séparateur. Il dérange la légèreté dont nos existences malmenées ont tant besoin. Cela s'accompagne inévitablement de l'absence de désir d'organisation1 et de force sociale de transformation.

     

     

    Nous sommes ainsi en grande incapacité de définir et d'opposer une autre direction que celle qui est imposée unanimement par les puissants. Alors que c'est précisément cette direction qui sépare et qui malmène nos vies; certaines étant évidemment beaucoup plus malmenées que d'autres.

     

     

    D'aucuns évoquent une forte tendance névrotique ou masochiste chez les dominés ainsi divisés Elle amène ou exacerbe des phénomènes très concrets de malveillance, d'agressivité, de vol, de violence, etc. Ces faits montrent par exemple que ce sont plus les gens modestes voire les pauvres, qui vont être volés ou agressés par quelques alter ego sociaux. Il est dans la « nature » de l'inconscience de la domination de s'en prendre à ceux qui sont proches de soi. C'est l'humain malmené comme moi qui est visé parce qu'il est précisément proche de moi et l'image frustrante de ce que je suis...

     

    Quoi qu'il en soit, cet effacement en nous de la conscience collective - de notre ethos politique (dont sa domination) - et le creux de notre histoire sociale sont donc en totale interrelation.

     

    De manière déterminante et lourde de conséquences, la société s'est beaucoup réduite à une juxtaposition d'individualistes égocentriques. Pour autant, nous ne sommes pas presque tous des « affreux ». Beaucoup d'entre nous font preuve de gentillesse, de générosité, d'ouverture d'esprit, bref de ces qualités humaines qui donnent à l'individu le sentiment d'être juste, attentif aux autres, Pour autant, cela ne contredit pas le constat de la perte du sentiment collectif et de son ethos politique.

     

     

    A cause de cela, la transformation n'a pas du tout l'intensité et l'effet d'entrainement qu'elle pourrait avoir. Le nombre de sujets de ces petits mondes peut globalement croître, on sent bien que la réalité du changement qu'ils incarnent n'est pas à la hauteur des dangers et des défis.

     

     

    Il y a une certaine porosité dans les contours de ces petits mondes et certains échanges entre leurs adeptes. Mais, ce sont là des arbres qui ne cachent pas la forêt de la dispersion, pour ne pas dire de la discorde. Cela fait écho à la division qui fait rage dans la société et cela la renforce.

     

    Conséquence directe : la remise en cause des solidarités construites par notre histoire sociale, en particulier depuis un siècle et demi, bat son plein. Les mesures et faits de régression décidés en haut se succèdent. En bas, les dégradations sont nombreuses. Le sentiment d'impuissance domine. Le mal-être et ses corollaires sociaux s'amplifient.

     

    Loin de mettre en cause l'idéologie et les décisions politiques qui président à cette évolution, les dégâts servent de justification au renforcement de la pression sur (presque) tout le monde 2. Il y a ainsi le coût de la vie croissant dans tous les domaines. Il y a la prolifération de règlements contraignants, de productions plus ou moins absurdes des bureaucraties étatique et européenne. Ce sont une amplification du contrôle, un resserrement des libertés et une répression accrue, visant particulièrement certaines «  cibles ». La dynamique de division et de régression est abondamment entretenue.

     

     

    Nous faisons par exemple l'objet d'un véritable racket qui colonise de plus en plus nos esprits. Cela contraint notre quotidien qu'on le veuille ou non. Tout devient payant et ce qui l'était déjà augmente. A côté du harcèlement commercial par téléphone, par internet et par prospectus, les prélèvements de l'Etat sont insidieusement plus nombreux et plus injustes, inscrits dans une politique unique anti sociale de baisse de l'impôt progressif.

     

     

    Cette politique veut que les services publics deviennent peu à peu payants et soient voués, à rythme « acceptable », au privé et au profit d'une poignée d'actionnaires. Sur fond de chantage à la dette, de chômage et de précarisation, tout ça divise, « plombe » les esprits et la société. Cela contribue fortement à étouffer l'imaginaire du changement.

     

     

     

    Vous avez dit : solidarité ?

     

     

     

    C'est d'une solidarité massive, macro sociale, que naquirent les grandes luttes collectives et leurs gains sociaux. Et ce sont des luttes, de l'organisation et des victoires qui, en retour, entretinrent cette solidarité-là.

     

    Seules, des solidarités micro sociales se sont maintenues. Le bon vieux principe des vases communicants ne jouant pas ici, elles ne remplacent pas les autres, moribondes. Même si certaines de ces solidarités micro sociales se sont amplifiées, dans leur ensemble elles ne sont pas de nature et d'intensité à pallier l'affaissement de la solidarité de masse. Loin s'en faut.

     

    Alors, les régressions succèdent aux régressions depuis plusieurs décennies. Partout pilotées et institutionnalisées par l'État.

     

     

    Les micro sociales sont issues de l'archipel associatif et de la myriade familiale. Elles ne s'opposent pas à la logique dominante. Loin de la bousculer, elles ne font que colmater quelques brèches. L'utilité indéniable de ces associations ne réduit pas la source et le développement des dégradations.

     

     

    Par exemple, les actions de certaines associations (de conseils, d'aide bénévole, de rencontre, de loisirs, de charité...) limitent utilement des dégâts humains en croissance. Le cas des Restos du cœur est emblématique : 8 millions de repas fournis à la naissance de l'association en 1985 et presque 136 millions en 2016.

     

    Dans le même temps, le nombre de pauvres s'est accru en nombre et en proportion. Selon les données officielles, c'est 1 million de plus (ceux qui ont moins de 50% du revenu médian – celui qui partage la population en deux parties numériquement égales). C'est 1,5 millions de plus, si l'on compte celle qui a moins de 60%.

     

    « Un rapport de l'OCDE souligne que les inégalités de revenus ont atteint un niveau record depuis les années 1980...  le fossé entre riches et pauvres à un niveau record  depuis 30 ans » titre le Figaro en 2015. Si ce journal « de droite », grand quotidien des riches, le dit...

     

    La solidarité familiale ne le fait pas davantage. Forcément variable et fragile, elle peut même être un autre facteur d'inégalités. En particulier en ce qui concerne la solidarité inter générationnelle. Les enfants des milieux modestes vivent souvent la double peine. Plus touchés que les autres par le chômage, le manque de logements à prix accessibles et la hausse du coût de la vie, ces jeunes sont en moyenne bien moins aidés financièrement par leur parents. Et certains ne le sont pas du tout.

     

     

     

    Et nous « tous » ?

     

     

     

    Au bilan, la dégradation est large. Oh, pas pour tout le monde, bien sûr ! Elle s'accompagne d'un réflexe d'impuissance, d'inquiétude, de démoralisation, de frustration et parfois d'une colère plus ou moins contenue. Parallèlement, le sentiment d'insécurité et le pessimisme se sont diffusés. Bien évidemment.

     

    Or, l'histoire montre, au delà même d'un peu plus d'un siècle et demi de capitalisme que, dans ce système comme dans tout système antérieur de domination 3, seule une union suffisamment importante du peuple dominé peut s'opposer à sa mécanique et à ses penchants à l'excès.

     

     Ce sont des excès d'exploitation, une domination et une manipulation des esprits qui nous rapprochent d'une forme de totalitarisme. Corollairement, ce sont des excès bien connus de hauts revenus et des niveaux hallucinants de possession de biens. Ce sont des inégalités croissantes scandaleuses avec bien sûr, un développement parallèle du secteur du luxe et de la pauvreté. C'est la tyrannie d'une logique très largement imposée qui produit différentes formes de violence.

     

    C'est d'abord une violence verticale du haut sur le bas, c'est-à-dire des catégories dominantes sur les autres. sur la majorité. Aussi sourde qu'elle puisse être dans certains de ses aspects, elle n'en est pas moins concrète. Elle s'exerce bien davantage sur les humains « d'en bas » 4. Ce sont ensuite des violences horizontales de type « délinquances ordinaires ». De manière centrale, ces dernières sont celles que des gens ordinaires exercent sur des gens ordinaires. Elle a été expliquée précédemment sur le mode : psychologie des dominés. Nous sommes presque tous ces gens-là.

     

    Les deux formes de violence – verticale et horizontale - sont étroitement liées dans le système. Elles sont dans sa « nature ». J'entends par là, dans sa logique de domination et d'exploitation, dans sa culture de l'hyper individualisme et de la division.

     

    La première violence, celle de l’État et des tenants du « capital » se renforce. On l'a également évoquée plus haut. Ce sont des lois coercitives plus nombreuses et plus contraignantes, des contrôles et des répressions accrus. C'est le regain de surexploitation économique et psychologique au travail dans le privé et dans le public. Ce sont le harcèlement et le « racket » amplifié de la part du marché et de l' État 5, la rareté et la mise en concurrence de la population autour du travail, du logement, de la richesse économique. C'est la stigmatisation plus ou moins subtile de quelques groupes sociaux (les jeunes des banlieues, les « profiteurs » des minima sociaux, les réfugiés clandestins, les salariés en grève, même si les grèves sont devenues plus rares, les cheminots, les « marginaux » des ZAD...).

     

     

    Contrairement à ce qui est son but officiel, la violence (« légitime », selon la terminologie officielle enseignée à l'école) de l'État n'a pas pour résultat patent de réduire les secondes : les délinquances. Au contraire, les deux types de violence, s'alimentant à la même source (la levée des obstacles à la logique du système) se multiplient.

     

    Alors que cette logique et ce système sont subis ou portés de manière plutôt passive par la majorité, ils le sont de manière active, jusqu'au fanatisme chez certains, par une minorité d'individus qui jouissent puissamment (ou misérablement du point de vue de l'esprit de communauté et du coeur) de la situation et qui n'embarrassent pas leurs intérêts de considérations éthiques et sociales.

     

     

    Cette inégalité structurelle des implications est fondamentale. Elle est lourde de sens et de conséquences. L'affirmation « apolitique » assez répandue qui attribue indistinctement à tous, des rôles et des responsabilités équivalents, appartient au discours suggéré « d'en haut ». Le propos est plutôt stupide lorsqu'il est récité par des individus du  « peuple d'en bas ».

     

     

     

    La division par x.

     

     

     

    Comme suggéré plus haut, face à la supériorité numérique écrasante des dominés que nous sommes, la force de la minorité qui domine réside dans la division de cette « multitude ». Cette division relève d'une palette de modalités qui varie selon les époques, de la violence physique jusqu'aux manipulations les plus subtiles et au discours de conformité le plus travesti.  

     

    Par exemple, tout au long de la scolarité, les programmes officiels fixent et adaptent le contenu normatif de l'apprentissage scolaire, des comportements nécessaires et des savoirs. Les éditions de manuels scolaires, possédées par des industriels ou d'autres puissants conservateurs convaincus, mettent en œuvre cette conformité - là à l'esprit de division - au travers de ce qu'il faut savoir, penser, être.

     

     

    L'utilisation actuelle dans ces outils scolaires de formes plus ludiques et d'un humour parfois gentiment satirique, tâche d'accrocher les jeunes les moins « sérieux ». Elle suggère l'évidence d'une liberté d'expression et de choix, une attention au citoyen en herbe d'une démocratie oligarchique qui a besoin de dissimuler son imposture.

     

    La division s'impose comme nécessité trans historique de la domination de « quelques uns » sur la masse de la population. A cause de cela, elle fait feu de tous bois. Au final, l'ensemble - individualisme étroit et division - constitue le socle et le garant de la pyramide de la domination. Ce sans quoi, cette dernière n'est guère possible.

     

     

    Cela s'exprime évidemment partout. La culture dominante et donc ambiante se niche dans tous les aspects de la réalité économique et sociale. Cet individualisme-là y est largement valorisé. Il est présenté comme positif et fertile en bonheur de vivre. Il en va de même pour la compétition qui l'accompagne et qui est elle aussi réduite à ses aspects sains et positifs. La réussite sociale signe le mérite en quelque sorte naturel que chacun montre, indépendamment des autres ou plutôt dans la comparaison/compétition avec eux.

     

    Il s'agit toujours de rendre acceptable l'inacceptable : une situation d'inégalités et de domination jusqu'à l'outrance et un système écologiquement insoutenable.

     

     

    L'individualisme égoïste et sa représentation sociale sont donc promus au détriment de l'esprit collectif et du réflexe d'attention à l'autre qui sont indispensables au bien vivre commun. Esprit et réflexe qui sont Indispensables à une paix sociale non imposée aux perdants, non factice, réelle car désirée sinon spontanée. Les termes même de commun et surtout de communauté sont marginalisés, voire quelque peu diabolisés avec l'usage relativement fréquent de « communautarisme ». Et avec le spectre et l'aberration avérée du communisme d'État. Et enfin avec le terme « communauté » qui, abâtardi par internet, disparaît dans la virtualité de ses réseaux sociaux et dans la rhétorique publicitaire de ses multinationales.

     

     

     

    Humain ?

     

     

     

    Or, avoir l'autre à l'esprit et le sens de la communauté humaine, cela définit sans doute essentiellement l'humanité de l'Homme 6.

     

     

    L'expression "c'est quelqu'un d'humain" témoigne de cela. Une telle personne est quelqu'un qui « vit plutôt bien sa vie » et qui, indissociablement, manifeste un sens collectif et une attention au sort de chacun. On peut avoir le sentiment qu'un tel individu est même plus épanoui que beaucoup d'autres.

     

    Aujourd'hui comme naguère, dans la société humaine, la domination n'a rien d'évident et d'immuable. On l'a souligné précédemment, elle n'a rien d'une loi de la nature et ne dit pas la nature humaine.

     

     

    C'est d'abord une logique d'intérêts particuliers et une idéologie portée par les individus et les classes qui veulent dominer et en tirer pouvoir et argent 7. Ils tiennent « énormément » (sic) aux privilèges que leur permet un tel ordre inégalitaire. Et ils tiennent à transmettre ces privilèges à leurs enfants et plus largement à leur clan.

     

     

     

    La pire des démocraties.

     

     

     

    Pour ce faire, les dominants ont eu et ils ont toujours besoin du pouvoir politique qui protège et pérennise cet ordre-là intrinsèquement bancal. Particulièrement depuis le milieu du 20ème siècle, du fait du développement des élections et du fait d'une liberté certaine, ils ont besoin de contrôler les grandes sources d'informations et de distraction. Contrôler l'usage de l'essentiel du temps « de cerveau disponible » hors travail 8.

     

     

    C'est pourquoi, ils s'approprient tous les types de médias à diffusion massive d'abord, plus ou moins importante ou prometteuse ensuite. Même ceux qui assez nombreux - des journaux surtout - sont économiquement non rentables.

     

    La démocratie "représentative" inventée fin 18ème - début 19ème et peaufinée par la suite, a immanquablement permis l'appropriation du pouvoir politique par la nouvelle classe dominante. Au delà des grandes évolutions de toutes sortes et de leurs subtilités, on en est toujours là. Sans une force populaire d'opposition suffisante, ces maîtres encadrent la société et orientent son évolution. Ils la possèdent et elle est en quelque sorte à leur image. Elle est fondamentalement soumise à leurs intérêts et à l'idéologie qui les sert totalement.  

     

    Dans un contexte d'effacement de ce que porte le mouvement social issu des dominés, comme ce ne sont pas la modération, le partage, l'empathie et l'égalité des conditions qui les motivent le plus, les dominants sont enclins à "abuser".

     

    Dans le domaine politique, que le pouvoir soit à la gauche libérale ou à la droite libérale 9, cela ne change rien. Ce monde du pouvoir - ceux qui l'exercent et ceux qui veulent l'occuper à leur tour - partage le même projet et vise les mêmes gains. Ce sont des individus qui viennent très essentiellement de la classe sociale supérieure et même du haut de cette classe. Les quelques individus qui échappent à cette règle de recrutement social, ne dérogent pas au partage de la même vision du monde et du même attrait pour le pouvoir et ses privilèges.

     

    Tout est mis en œuvre « démocratiquement » pour qu'« électoralement », le risque d'un très mauvais résultat soit proche de zéro. Plus l'élection concerne les niveaux supérieurs et déterminants de pouvoir, plus le risque devient infime, quasi inexistant..

     

    Le pouvoir politique, quel qu'il soit, l'a montré sans faille depuis quelques décennies, ici et ailleurs : la classe politique et les puissants en général sont convaincus que leur projet est bon et qu'il est d'ailleurs unique. Le changement de direction nous incombe donc totalement et ces puissants en sont les tout premiers adversaires déclarés, sinon acharnés. Leur détermination est grande. Leurs réactions et les moyens mis en œuvre pour entraver un changement qu'ils ne peuvent maîtriser, furent, sont et seront à la hauteur de leurs privilèges et de leur estimation du niveau de risque encouru.

     

     

    Ne nous leurrons pas au prétexte que nous sommes des humains pacifiques aspirant à la douceur du vivre ensemble. Et qu'à ce titre, nous pourrions avoir tendance à voir le monde - et en particulier la faction dominante et privilégiée - non pas tel qu'il est mais tel que nous sommes. L'histoire le montre régulièrement : les tenants de l'ordre en place ne sont pas pacifiques et ils sont même virulents lorsqu'ils l'estiment utile ou nécessaire à la préservation (à la sécurité) du système : capitalisme et démocratie oligarchique.

     

     

     

    Le beurre de l'extrême droite.

     

     

     

    Dans cette situation qui apparaît plus clairement aujourd'hui, sur fond de pensée unique et de politique unique socialement désastreuse, la lignée Le Pen pourtant plutôt fortunée et l'extrême droite en général, exploitent le désarroi. En prétendant vouloir un autre système et être le peuple à la place du peuple. En le divisant davantage encore.

     

    Ils jouent sur le mal-être de sujets dominés qui se sentent en insécurité et non entendus. Ce que nous sommes au fond presque tous aujourd'hui. Le fonds de commerce d'un néo-fascisme modernisé qui veut à son tour le pouvoir, est donc potentiellement très large 10. Une possession du pouvoir, non pas pour libérer le peuple de la domination, mais pour imposer de manière moins subtile, dans l'ordre policier, les désordres induits par les excès du système et de sa classe dirigeante.

     

    A la fois constant dans son fond idéologique - nationalisme et désignation de boucs-émissaires – le discours de l'extrême droite devenu plus « fin », sait utiliser avec une certaine mobilité le désarroi d'humains davantage isolés. Avec la jeune Marion Maréchal-Le Pen, un ami avance que le message sera bien plus séducteur encore.

     

    C'est le désarroi d'une foule de personnes qui sont de fait étrangères aux réseaux de discussion et aux diverses petites tribus « consanguines » - militantes, alternatives, spiritualistes - qui poussent et végètent, plutôt agréablement dans la friche de la division.

     

     

    Cette majorité a alors une image du monde essentiellement construite par la télé, la radio, le journal régional et « leur  actualité débordante »... de faits divers décontextualisés, hors sol et hors sens. Sauf qu'elle est une image nourrie à la malbouffe de l'idéologie tout aussi débordante qui y prévaut. L'individualisme étroit et la peur ainsi diffusés, ne s'accommodent guère d'une ouverture d'esprit et de coeur envers le genre humain et sa diversité.

     

    Cela explique en très grande partie pourquoi l'extrême droite réalise un score d'une importance surprenante dans des petits villages plutôt tranquilles. Là où ne vit par exemple aucun individu d'origine immigrée récente. Mais là où comme partout, les médias possédés par les  dominants déversent leur abondante malbouffe dans les corps et les têtes.

     

    A cause de tout cela, le sujet est loin d'être anodin.

     

     

     

    Sommaire

     

     

    • Il serait tellement nécessaire que ces voies-là soient unifiées en chacun.

    • Renoncer : le mauvais sens près de chez soi.

    • Le bon sens a de l'avenir, si l'on reconnaît...

    • Pouvoir concentré et séparé : Sujets dominés et consentants = sujets fascinés par l'élitisme.

    • "L'intelligence collective" : une blague ?

    • "Les gens sont cons". De la connerie et...

    • ...de l'auto-dévalorisation/autodestruction.

    • "Les inégalités sont partout dans la nature".

    • « Tout est naturel » : l'égoïsme, le pouvoir, la guerre, la faim, les inégalités...

    • La nature a bon dos.

    • Le rayon fourni du prêt-à-penser.

    • "Il y a ceux qui ont l'esprit d'entreprise et il y a ceux qui ne sont rien".

    • Tout est individuel et relatif.

    • Vive nous. Vivre le "nous" au côté du "je".

    • « Les Hommes sont bons, les gouvernements sont des merdes ».

    • Alors quoi, l'auto-gouvernement ? Celui des Hommes bons ?

    • La réalité ne se soumet pas au bon vouloir de nos consciences borgnes.

    • Le passé n'est pas forcément un bon vieux temps, mais...

    • Le trou de mémoire et le « quand même ».

    • La psychologie de l'individu "libéralisé".

    • Les dangers du monde tel qu'il va.

    • L'hypothèse de la "bascule sociale".

    • Bascule dans les pièges de l'imaginaire conservateur.

    • Le "génie" d'un totalitarisme post totalitaire à visage démocratique.

    • Donner en plus à la barre du navire, un mouvement déterminé.

    • Participer aux choix collectifs, ce n'est pas une simple option pour chacun.

    • Nous sommes potentiellement nombreux, mais...

    • Union, ré-union attendues...

    • Le développement du féminin.

    • "Je commence par m'occuper de moi, après on verra".

    • Certains échanges, plutôt qu'une bénéfique osmose.

    • Radicalité et extrémisme.

    • "Chacun est libre, chacun peut construire sa résilience".

    • Lorsque je suis infiniment plus motivé par la-ma situation individuelle...

    • Le Karma. "Ce qui nous arrive doit nous arriver et la souffrance nous apprend".

    • La quête de sens et l'errance orientale.

    • "India, the land of spirituality".

    • "Entrez dans le monde de la sérénité".

    •  Bref épilogue.

     

     

    Il serait tellement nécessaire que ces voies-là soient unifiées en chacun.



    Ne sommes-nous pas des êtres sociaux à la fois uniques et interdépendants ? Ne sommes-nous pas des humains ayant à choisir leur vie personnelle dans une Cité commune, elle-même à choisir ? Et ces deux facettes d'une existence mieux choisie ne sont-elles pas irrémédiablement indissociables ?

     

    Pourquoi diviser notre "totalité" humaine et vivre exclusivement un aspect plutôt qu'un autre ?

     

    Alors que ces voies unifiées en chacun font la richesse de la voix singulière de l' "Être en pleine vie sociale" que nous pouvons être. Est-il inopportun de dire : ..de l'  "Être en situation optimale de réalisation de soi" ? Personnellement, je suis bien sûr plus proche de celles et ceux qui en nombre encore modeste contre l'air du temps, tentent d'unir en chacun d'eux les nécessaires transformations - la personnelle, la politique et les pratiques "alternatives".

     

    "Sois le changement que tu veux voir dans le monde". Cette citation de Gandhi est assez souvent reprise par les adeptes de la transformation personnelle, comme par ceux du petit monde "alternatif".

     

    Parmi deux interprétations possibles de cette parole, la leur est très souvent réductrice et intéressée. Ils veulent voir le "changement du monde" réduit à celui de chacun. Ils veulent voir la diffusion des transformations personnelles, imaginée telle une tâche d'huile, comme une condition suffisante de la transformation du monde. Tout étant ramené à la dimension individuelle et à l'idée d'un individu-source tout puissant (à l'image d'un petit dieu), c'est pour ces adeptes-là la voie unique et suffisante du changement.

     

    Une telle ferveur respire à la fois le simplisme et la démesure. Elle est une fuite devant la complexité du réel, devant une compréhension raisonnable de celui-ci. Elle attribue à l'individu - et à tous les individus - une puissance fantasmée, mythique.

     

     

    C'est ainsi que la plupart de ces croyants justifient ainsi leur choix exclusif d'un développement ou d'une transformation individuellle. Un choix qui signifie une auto-réduction de l'humain possible et souhaitable, de pleine vie sociale et de pleine humanité.

     

     

    Or, ces "gandhistes" oublient que Gandhi fut en même temps un leader politique et qu'il choisit de l'être. Et c'est sans doute à cause de cela qu'il fut le plus gênant, car le plus transformateur du système en place. Il le fut partiellement en réalité. Et c'est sans doute du fait de son engagement politique à ce haut niveau-là, qu' il fut assassiné par un "fanatique ou un fou", selon la version officielle et les livres d'histoire.

     

    Franchir certaines lignes n'est pas acceptable pour les milieux qui ont de puissants intérêts en jeu. Et pour les autres fanatiques de l'ordre existant. Une ligne primordiale se niche dans le franchissement (ou la menace de franchissement) du pouvoir à haut niveau et l'obtention d'une audience publique croissante avec un discours de changement important mettant en cause la logique et son ordre inégalitaire.

     

    Loin de l'Inde, par exemple, un autre mauvais joueur politique très populaire, prétendant franchir la première ligne, celle du pouvoir suprême, fut tué dans un accident de la route par un conducteur de camion y faisant un demi-tour (version officielle) ou opérant brutalement un écart déterminant à gauche au moment du croisement de la moto (autre version). Quoi que l'on en pense, le fait est que les menaces anonymes successives, y compris de mort, n'avaient guère fait reculer l'entêtement du très populaire trublion Coluche.

     

    Les croyants-électeurs en l'État et en la démocratie représentative, en une possible transformation profonde par l'élection et par le haut (par l’État et ses grandes institutions élues), apprécieront l'évocation de la version non officielle qu'ils jugeront horriblement complotiste... Qu'ils se rassurent, quelle que soit la réalité de l'évènement, ces croyants ne risquent quant à eux rien, sauf à être peu à peu moins nombreux.

     

     

    Renoncer : le mauvais sens près de chez soi.



    Il n'est pas juste que l'on renonce particulièrement aujourd'hui à s'occuper de notre "cité" (le grec "polis" a donné le terme "politique"). C'est au fond une mauvaise idée de laisser à quelques individus le choix de ses orientations très concrètes, de ce qui nous regarde, chacun et ensemble. 

     

    Nous sommes habitués à la "vie politique" médiatisée d'un petit nombre. Elle est le pendant de notre mort ou de notre sommeil politique. Nous ne sommes d'ailleurs guère capables de réfléchir hors de ce cadre du pouvoir concentré en quelques mains et séparé de nous. Notre imaginaire, plutôt alerte et débordant sur certains sujets, est stérile sur celui-là.

     

    Pourtant, un recours au simple bon sens permettrait de dire par exemple que les meilleures orientations dans le sens de l'intérêt général devraient provenir du général. D'une assemblée générale ou en tous cas d'un nombre large d'individus et surtout socialement hétérogènes.

     

    Le bon sens, c'est aussi de constater que l'ensemble de la politique concrète nous touche personnellement et intimement. Et qu'abandonner notre capacité d'influer directement sur elle, ce n'est pas la situation la plus favorable à notre réalisation et notre épanouissement.

     

    Dans ce contexte d'incapacité, les dégradations sont aujourd'hui légion. Entre autres et en vrac : le lent démantèlement de la protection sociale plutôt égalitaire et des services publics de proximité, l'explosion consécutive d'une mosaïque de mutuelles inégalitaires, la mainmise organisée du marché sur presque tout, sur la santé, l'alimentation, l'accès à la terre et au logement, la puissance politique des lobbies, la concentration des richesses en haut de la société, le recul d'une gratuité déjà peu courante, la pauvreté croissante, la mise en place forcée du projet de constitution pour l'UE pourtant refusé en France par référendum, la réduction du droit conquis qui protégeait encore les salarié-es, la prolongation de l'utilisation des poisons avérés dans l'industrie agro-alimentaire et chimique, le choix politique du tout-nucléaire, le choix forcé d'une mondialisation économique forcément "heureuse", l'imposition des traités d'échanges commerciaux conformes à l'idéologie dominante, de ceux qui "légalisent" de facto les normes alimentaires, sociales et écologiques généralement minimalistes des États-Unis, etc.

     

     

    Le bon sens a de l'avenir, si l'on reconnaît...

     

    Qu'il n'est pas juste que l'on abandonne ces choix de construction de notre société commune et de son évolution, à une élite fort peu désintéressée et donc très peu bienveillante. Et qui n'a rien de gandhiste et de spirituelle. Que l'on laisse tout cela, via les élections, à un régime politique de type aristocratique visiblement usé et anachronique.

     

    Reconnaître que l'on ne peut plus percevoir ces propos comme une idée parmi d'autres. Que c'est désormais une réalité tangible. Et qu'y résister trop longtemps pour différentes raisons personnelles, serait une erreur de jugement et un trouble de la conscience à la portée considérable.

     

    On sait bien que ces dirigeants politiques professionnels sont issus des élites sociales et qu'ils ne sont pas les plus doués pour représenter la totalité, ni même la majorité de la population. On sait qu'ils sont quand même davantage préoccupés par leurs intérêts personnels, par le court terme de leurs plans de carrière politique et les avantages du pouvoir concentré en leurs mains. Bien plus que par le mieux-être général, la préservation de la planète et l'avenir de l'humanité.

     

    On sait. Plus ou moins. De mieux en mieux.

     

    Mais l'imaginaire en panne, orphelin d'utopies généreuses après le « cycle des révolutions ratées » 11, la conscience mutilée et l'inquiétude enfouie au fond du corps, on accepte ou on abdique. Le confort aide à cela, une certaine spiritualité mystique aussi.

     

     

    Pouvoir concentré et séparé : Sujets dominés et consentants = sujets fascinés par l'élitisme.



    Contrairement à ce qui est mis dans nos têtes de sujets dominés et consentants, n'importe quel individu lambda sans instruction extraordinaire et mis en situation de responsabilité, aurait bien davantage à l'esprit l'intérêt général, le bien commun et l'attention à la planète. Ne serait-ce que parce que les intérêts personnels d'un humain ordinaire sont de niveau ordinaire. Et qu'ils sont donc bien moins obsessionnels. C'est en somme là aussi, le bon sens oublié près de chez nous.

    Pas mal d'expériences d' "assemblées citoyennes" menées dans différents pays, vérifient ce fait qui va à l'encontre de ce que l'on croit. A l'encontre de cette méfiance à l'égard de nos congénères, de cette non-confiance dans le peuple commun que nous formons ou pourrions former. Ce sont là des sentiments réflexes liés à une perception que nous avons apprise. Elle nous est transmise presque en permanence par un environnement culturel et médiatique complexe 12.

     

    La non-confiance domine donc chez les dominés que nous continuons alors à être. On ne s'aime guère et on ne sème rien dans une vie sociale subie et sans commun. Cela incite à consacrer son temps libre à se distraire, à oublier pendant ces toujours trop courts moments, cet essentiel de notre condition.

    La non-confiance entretient le consentement au (maintien du) pouvoir des élites sociales que l'on sait pourtant peu douées pour un intéressement personnel mesuré.

     

    Il est vrai que ces expériences concrètes d'assemblées citoyennes ayant à prendre une décision collective, sont fort peu portées à notre connaissance par les médias et tous ceux qui s'y expriment abondamment. Étonnamment, penseront certains... non sans humour, enfin, on peut l'espérer. Il faut donc être motivé pour dénicher cette information. Mais le grand bazar de l'internet aide 13.

    Voir par exemple en France, les "conférences citoyennes" de Jacques Testart et de sa fondation Sciences citoyennes. https://www.youtube.com/watch?v=wCAVBxcxnAI

     

     

    "L'intelligence collective" : une blague ?



    Le pouvoir séparé, extérieur à nous, installe de facto notre non responsabilité et notre isolement. On n'a pas à réfléchir et à se réunir.

    Lorsqu'il s'agit d'aborder les questions collectives, les faits sociaux, chacun est majoritairement livré à lui-même, à ses pulsions et réflexes plus ou moins conditionnés, à son ignorance relative, à son impuissance et sa frustration toujours.

    Tout occupés à notre histoire et à notre pathos personnels, on s'efforce de comprendre nos maux intimes et on tente de les dépasser. Ou bien on s'y soumet par manque de capacité et d'outils. Le développement du mal-être psychologique et de beaucoup de maux physiques, trouve dans le centrage exclusif sur soi une source. Cest un soi qui reste mutilé d'une part essentielle de son humanité, quels que soient les efforts d' « accomplissement » personnel entrepris.

     

    Alors, dans les situations de groupes que nous connaissons tous, d'individus ponctuellement réunis dans la réalité sociale présente, le phénomène de "l'intelligence collective" n'existe pas spontanément ou alors fort peu. Nous n'avons donc pas connaissance de la capacité des humains ordinaires qui se trouvent, au contraire, dans une situation de pouvoir et de responsabilité imbriquant l'individu dans le groupe. Cette situation ne nous étant pas connue, nous n'avons pas l'expérience de l'intelligence collective.

    Non observable, non médiatisée et pas davantage sujet scolaire, elle est donc facilement ignorée de presque tous.

     

    Au contraire, de nombreux propos, chansons et écrits célèbres appuient l'idée unique de la bêtise de la foule : "Quand on est plus de deux, on est une bande de cons", "L'intelligence d'une foule se calcule en divisant l'intelligence d'un individu moyen par le nombre de personnes qui la composent", etc. Dans nos têtes, la boucle est bouclée. La raison peut alors refuser ce que disent de manière reproduite les expérimentations concrètes montrant la réalité de l'intelligence collective.

     

    Il y a là une sorte de petit négationnisme acceptable. Plutôt général, il pose d'autant moins de problème à la conscience de chacun.

     

     

    "Les gens sont cons". De la connerie et...



    Ce que nous connaissons et vérifions dans la vie sociale quotidienne, ce sont les nombreux travers des humains qui vivent dans une situation historiquement longue de domination, de division, de compétition et de stress. Ces humains mutilés et malmenés, nous en faisons peu ou prou la "nature humaine".

     

    Nous "zoomons" uniquement sur ces travers pour mieux nous convaincre que la caricature n'en est pas une, et de surcroît grossière. Qu'une telle réduction ne relève pas d'une grande paresse intellectuelle et spirituelle. Et qu'elle n'est pas une vue aliénée à la logique de division. Ce contexte ne changeant pas, les travers demeurent et peuvent même s'amplifier si le niveau de domination, de compétition et de stress augmente. Ce qui est le cas aujourd'hui.

     

    On retrouve donc des comportements et des propos navrants en provenance de ces humains réduits que nous sommes, dans toutes sortes de séquences de vie, des plus agréables jusqu'aux plus pénibles. Des plus quotidiennes jusqu'aux moins fréquentes.

     

    L'intelligence collective possible dans un tout autre contexte qu'il faut largement imaginer, est alors perçue comme parfaitement irréelle face aux nombreuses manifestations concrètes de l'inintelligence collective. Au volant, se distrayant devant un match de football ou au concert, à l'occasion des soldes des grands magasins, dans les conversations de bistrot, dans les raisonnements politiques et en période électorale etc.. on fait les mêmes constats négatifs devant lesquels on ne se lasse pas d'être déçu et scandalisé.

     

    On exprime le scandale d'autant plus abondamment que l'on se distingue soi-même de la masse des autres. Un tour d'illusionnisme mental qui permet d'échapper à la félonne caricature de l'humain. On se valorise ainsi à bon petit compte, sans grand effort de réflexion et d'autonomie de jugement. Et donc avec fort peu de liberté d'esprit et de conscience.

     

    Que l'on observe ces "mauvais" aspects des réactions humaines à maintes reprises et depuis longtemps, c'est un fait.

     

    Mais dire qu'ils définissent l'humain, totalement ou en grande partie, il y a là un abus, une incapacité de projeter et de décontextualiser. C'est une interprétation réductrice en somme assez peu intelligente, côté cœur et côté raison. C'est une des facettes d'un manichéisme conditionné et de l'intériorisation d'une culture de la division et du fatalisme. Pour certains, les «honnis», ce sont quelques minorités (fonctionnaires, immigrés, réfugiés..) et pour d'autres, c'est la masse, le « tout-venant ».

     

    Pourquoi ne pas dire au contraire que si l'on retrouve assez fréquemment ces comportements depuis des temps immémoriaux, c'est d'abord parce que le contexte global est le même depuis des temps immémoriaux. Un contexte médiocre produisant pas mal de comportements médiocres.

     

     

    La pauvreté et les inégalités croissantes produisant une croissance de ces réactions. Il est étonnant que beaucoup s'étonnent devant l'évidence qu'un certain nombre d'individus de ces milieux s'insurgent à leur manière devant leur situation.

     

    En réalité, la "nature" humaine montre concrètement des choses extrêmement diverses. Un contexte particulier active davantage qu'un autre, certaines potentialités de la complexité et de l'adaptabilité de l'animal humain. Selon le contexte, des traits humains possibles sont valorisés ou sont au contraire relégués, marginalisés ou absents.

     

     

    Un contexte de solidarité organisée inexistante et de solitude accrue dans une compétition accrue, va évidemment accroître des comportements individuels plus durs, en particulier (mais pas seulement) dans la frange des perdants ou des réfractaires à la situation. A l'opposé, on a vu que dans un contexte de partage de la réflexion et de la décision, les individus ordinaires deviennent réfléchis. Leur jugement met en avant le bien commun et l'intérêt général. Réflexe d'Homo Sapiens, commente Jacques Testart.

     

    Pourquoi en vient-on même plus facilement, particulièrement aujourd'hui, à mettre en avant cette explication méprisante et "micro-fascisante" (voir plus loin le sens de ce mot dans «Psychologie de l'individu libéralisé») qui postule que l'humain est un être vivant bien décevant et même assez raté ? Jusqu'à suggérer avec plus ou moins d'humour, qu'il est une erreur de la création et que son extinction serait heureuse pour l'ensemble des autres espèces vivantes.

     

    Il est totalement surprenant que ce jugement blessant ou assassin, que ce degré zéro d'une liberté de l'esprit, soient exprimés assez fréquemment quand même et avec une certaine conviction, par des parents ou des enseignants. Ceux-là même qui sont sensés éduquer des jeunes, leur communiquer un plaisir de vivre et l'envie de construire avec les autres.

     

     

    ...de l'auto-dévalorisation/autodestruction.



    Une réponse à la question précédente se niche peut-être dans ceci : lorsque l'esprit critique de l'animal social et politique régresse en l'humain, son humanité s'étiole. Ainsi déprimé, il fuit sa propre dévalorisation en la reportant sur « les gens » ou les « différents » . En doutant de l'humanité de ces « autres », jusqu'au mépris selon l'état de son propre mal-être... et un certain niveau de lâcheté personnelle. Plus ou moins conscient de la faille de ses propos et de sa lucidité, l'éclopé dévalorisé utilise parfois l'humour en guise de cache-misère.

     

     

    La distinction "élitiste" et la culture de la domination diffusent et renouvellent le vieux mépris pour « la masse", pour « les gens ». C'est assurément une des bases de la construction sociale. Le conformisme à ce socle-là perpétue un ordre qui n'en finit pas de produire ses désordres. Il permet à un humain en faillite avec beaucoup d'autres, de se contenter de cette non réflexion, de ce jugement (de) misérable. Et de se rassurer sur sa mal-existence.

     

    Il évacue ainsi la question fondamentale des conditions du changement. Mais peut-être craint-il au fond un changement dans l'inconnu. Peut-être lui préfère-t-il le connu ou l'entrevu, même assez inquiétant ou très inquiétant. Le déluge... mais réellement perçu : après moi et à cause des « gens ».

     

     

    Ainsi lâche, on fuit une réflexion qui mérite plus que d'autres d'être « radicale » (d'aller à la racine des choses) parce qu'elle relève de la complexité et de la difficulté. On fuit en renonçant à faire son auto-analyse critique, à rechercher la source sociale et historique de ce qui est, alors même que cela est bénéfique. Il est vrai que pour accéder à ce résultat, il faut une certaine dose de courage personnel. Il faut une motivation certaine pour se construire une pensée un tant soit peu libre et exigeante en conscience et en humanité.

     

    L'humain mutilé, très peu ou pas du tout conscient de cette mutilation de son humanité, tend potentiellement et de manière variable à l'autodestruction. Il peut assez fréquemment connaitre une sorte de pulsion de suicide symbolique, naturellement, si l'on peut dire. C'est la pulsion d'un humain incomplet, séparé et frustré. D'un humain qui vit le profond mal-être induit par le ratage d'une réalisation qui passe nécessairement par toutes ses dimensions. Et entre autres, par sa composante sociale et politique.

     

    Aujourd'hui, le phénomène d'une certaine mise en danger de soi, jusqu'aux différentes formes d'une autodestruction globalement inconsciente, s'est développé. Il revêt maints niveaux et rythmes : addictions multipliées parfois conjuguées, drogues, alcool, tabac, surcharges alimentaires, surconsommation de médicaments, consumérisme plus ou moins obsessionnel, dépression et burn-out, conduite automobile risquée, sports extrêmes...

     

     

    Le vote Le Pen n'est pas étranger au mal-être croissant et à cette sorte de nihilisme humaniste qui peut en découler.

     

     

    "Les inégalités sont partout dans la nature".



    "Qu'il y ait de grandes inégalités dans notre société, cela relève plus de la nature qu'autre chose", entend-on de plus en plus fréquemment. La nature est à la mode. Son exploitation aussi, dans différents registres. Là, il s'agit du renoncement individualiste et parfois spiritualisé, à la juste quête collective d'égalité, à une certaine harmonie entre liberté et égalité.

     

    A cela, on peut déceler deux grandes causes. Elles ne sont pas présentées ici de manière hiérarchisée. D'abord, un autre contexte sociétal est devenu d'autant plus difficile à imaginer, que les différentes variantes du système alternatif socialiste et/ou communiste ont échoué. Notre imaginaire éduqué à un « clé en mains » toujours produit en dehors de nous par une élite, a ainsi perdu un repère historiquement majeur. On assiste ensuite à une dégénérescence accélérée de la démocratie représentative. « La » politique du monde du pouvoir devenue inéluctablement homogène et « régressiste », ajoute au désintérêt pour le politique et même pour la démocratie.

     

    Plutôt que de se réapproprier ces domaines essentiels et de les redéfinir ensemble, on laisse « tomber » son « animalité politique ». Elle qui nous définit en partie et qui constitue chez l'Homme une caractéristique fondamentale. L'idéologie politique dominante devenue unique n'est évidemment pas sans lien avec cet abandon d'une partie de nous-mêmes. Elle s'appuie sur cet abandon. Et elle met davantage encore en friche des esprits séparés, privés d'un ensemencement fondamental qui n'existe que dans et par le collectif.

     

     

    Des propos réactionnaires ultra conservateurs tels que "There's no alternative" et "L'Histoire est finie" ont d'autant plus enfoncé le clou dans les têtes, qu'ils furent fort bien médiatisés.

     

    Au-delà, le contexte global qui est le nôtre, est en place depuis que nous sommes nés et depuis moult générations. Il est donc parfaitement intériorisé et facilement naturalisé. Comment n'influencerait-il pas très profondément l'ensemble de nos comportements ? Même si certaines personnes ont de tous temps su développer une certaine liberté relativement à ces armes de détermination massive, on ne peut nier la puissance de leur impact.

     

    Il faut donc faire preuve d'une forte motivation pour résister, pour rendre un peu plus libre son imaginaire et pour développer sa curiosité et sa recherche. Pour s'épanouir davantage sur le chemin d'une conscience ouverte, d'une autonomisation patiente et déterminée qui se réalise davantage lorsque l'individu œuvre pour et dans le collectif.

     

     

    L'autonomisation personnelle est inséparable de l'autonomisation/émancipation collective. A défaut de cette dernière, les démarches individuelles, outre le poids des régressions occasionnées par l'absence de collectifs d'ampleur, ajoutent à la division sociale et aux inégalités. Il est un fait avéré qu'une grande partie des humains n'a pas ou ne trouve pas les moyens de cette seule autonomisation individuelle. Ne pas le voir, c'est tomber dans l'égocentrisme et le leurre du miroir aux alouettes... qui est un peu celui de la belle-mère narcissique de Blanche-Neige.

     

     

    « Tout est naturel » : l'égoïsme, le pouvoir, la guerre, la faim, les inégalités...



    Dans le domaine de la capacité critique, on sait bien que les inégalités sont aussi extrêmes que dans tous les autres domaines. Mais on devrait continuer à savoir 14 que du côté des sources des inégalités, le facteur naturel n'est pas celui qui domine. Le fil de ce savoir-là s'est abîmé. Le penchant pour la nature et le naturel se glisse partout, en particulier là où ils n'y font rien de bon.

     

    S'interroger et débattre sans fin sur la part du naturel et sur la part de l'acquis, est totalement stérile. Vouloir les isoler pour les mesurer et les comparer est quelque chose d'artificiel et d'absurde. La réalité humaine que l'on veut comprendre n'est pas du tout leur simple juxtaposition. L'humain n'est pas fait de parts de camembert ou de gâteau, il est le fromage ou le gâteau lui-même. En faire des parts, c'est pour le diviser, pas vraiment pour en connaître la recette.

     

    Nous, humains, sommes une totale fusion de ces ingrédients. La "cuisine" commence à se faire avant même notre naissance. Elle s'amplifie au fur et à mesure de notre existence. Si ces ingrédients nous déterminent inévitablement, leur combinaison nous autorise pourtant à construire notre individualité, notre propre recette.

     

    Mais autorisation n'est pas forcément réalisation égale pour tous. Nous sommes dotés d'une grande capacité d'adaptation aux situations données. Le milieu social d'origine de chacun va profondément marquer cette capacité et le sens de cette adaptation. Il existe ainsi une forte tendance à la reproduction sociale, à celle des inégalités.

     

    Cela va aussi puissamment influer sur ce qui du conformisme ou de la liberté a notre préférence. Le conformisme est largement semé car (très) attendu de nous. Il est abondamment cultivé par la société. Par conséquent, la liberté se conquiert contre ce conformisme devenu instinctif. Surtout lorsqu'il s'agit de l'injonction à se soumettre à sa condition d'exploité, de dévalorisé, de perdant.

     

    On sait qu'un ouvrier ou un modeste employé n'acquiert pas les mêmes ressources et les mêmes dispositions dans la réalité. Non pas parce qu'il est l'individu untel, moins intelligent, moins épris de liberté, mais d'abord parce qu'il est ouvrier ou employé. Parce qu'à son milieu social, défavorisé à l'école, plus exploité et plus manipulé que les autres, il n'est pas donné d'épanouir une capacité de choix et une recherche confortable de liberté.

     

     

    Cela conduit une masse nombreuse d'individus, au fond bien plus enfermés que libres, à circonscrire leurs goûts et leurs fréquentations à leur milieu social. Ils ne disposent pas non plus d'une solidarité déployée qui, dans une logique de domination et une société divisée, n'est que saupoudrée et ponctuelle.

     

    C'est le cas par exemple, en matière de liberté d'information et d'expression. Il est courant de penser qu'elle concerne tout le monde et que chacun peut en user librement à égalité avec les autres. Nul ne peut nier que cette liberté existe potentiellement. Mais les faits montrent que pour une partie importante de la population, elle n'existe pas, elle ne se réalise pas.

     

     

    Une foule de gens regarde les mêmes programmes sur les mêmes chaînes de télévision, écoute les mêmes radios commerciales et lit les mêmes journaux. Ce sont d'abord des médias privés possédés par des hommes d'affaires. Ce sont ensuite quelques médias publics contrôlés par l'Etat.

     

    Au total, il s'agit de sources d'information et de distraction dont les contenus cultivent la non réflexion personnelle, le non choix réel et donc l'absence de liberté de jugement. Il serait plus précis de dire qu'ils martellent la conformité à une pensée particulière, celle qui favorise l'ordre en place. C'est la pensée des classes dominantes et de leurs membres propriétaires de ces médias qui ont objectivement intérêt que les dominés ne leur demandent pas trop de comptes, par exemple au nom de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.

     

    Les inégalités sont alors des inégalités que l'on peut appeler "de socialisation" ou de réalisation par et dans son milieu social. Dans une société qui serait économiquement et socialement bien plus égalitaire et communautaire, elles seraient bien moindres que dans notre système.

     

     

    Cela aurait alors un impact considérable sur la capacité de liberté et de développement personnel de chacun. Cet autre cadre socio-politique permettrait un accès plus égalitaire à cette liberté et à ce développement. La solidarité y serait plus centrale et aiderait à cela. La société évoluerait plus librement, à meilleur rythme, dans une direction assurément moins aliénée aux intérêts tyranniques de l'économie et de ses champions.

     

     

    La nature a bon dos.

     

     

    Écologiquement malmenée, la nature est donc aussi évoquée et exploitée d'une autre manière pour justifier les inégalités, le système global et la logique qui génèrent et amplifient ces inégalités.

     

    Bien plus qu'être le "doux commerce" qu'imaginait Montesquieu, notre système se caractérise par la dureté de l'économie qui commande et met en concurrence, d'abord les salariés. Y est donc promu un individu égocentrique, au détriment des valeurs de coopération, de solidarité et plus communément des « révolutionnaires » - liberté, égalité, fraternité - qui sont brandies autant que trahies par la république des riches. Il est d'autant plus facile alors à un tel individu réduit à son intérêt égotique, de reprendre à son compte l'idée conservatrice qui naturalise les inégalités sociales, quel que soit leur niveau.

     

    Dans un tel contexte idélogique, les inégalités peuvent être fortes et s'accroître. D'autant qu'elles ne sont que très faiblement corrigées par un État qui veille surtout au grain économique et d'abord aux intérêts des castes qu'il représente réellement. Et il le fait bien davantage que poursuivre avec conviction la réalisation de ces valeurs maîtresses de notre nation.

     

    Ce mythe d'un Etat autre, de type 1936, avec une main gauche pouvant supplanter la droite, est tenace. Principalement, évidemment, dans le monde de la gauche, qu'elle soit molle ou plus fidèle à ses racines. Ce faisant, le mythe contribue à ce creux de notre histoire sociale évoqué plus haut.

     

    Les grands bénéficiaires et maîtres politiques de l'ordre en place sont bien sûr les moins motivés par ce triptyque de belles valeurs : liberté, égalité, fraternité. Leur application signifierait en effet qu'ils partagent leurs possessions, leur pouvoir, qu'ils renoncent à leurs grands privilèges. Cet (notre) idéal révolutionnaire est tronqué par une démocratie factice qui, aujourd'hui peut-être plus qu'au cours des cinquante dernières années, révèle son immense imposture.

     

    Les inégalités des conditions sociales (classe d'appartenance de la famille, moyens économiques, scolarité, études, réseau social) sont tout à fait prégnantes. Elles recouvrent, absorbent et dominent ce qu'il peut y avoir de naturel dans les capacités individuelles. C'est pourquoi, dans la réalité sociale, le terme "dénaturation" des situations humaines est à peine exagéré. Au point même que des comportements particuliers à une catégorie sociale durable, à une classe sociale, peuvent finir par s'intégrer dans l'identité génétique des individus concernés.

     

    Comme par ailleurs, peuvent s'intégrer génétiquement pour l'ensemble de l'espèce (de beaucoup d'espèces vivantes en réalité) des caractères d'adaptation à un milieu en évolution. Il paraît que le volume de notre cerveau augmente... mais sans doute davantage chez les personnes des catégories sociales supérieures qui fréquentent l'élite des grandes écoles et en particulier l'ENA (sic).

     

     

    Le rayon fourni du prêt-à-penser.



    Il y a donc maints aspects d'un certain bon sens qu'infiniment de personnes fuient avec opiniâtreté. Les nombreux prêts-à-penser à disposition des humains frustrés, se substituent à lui.

     

    Oser alors dire que notre société se porterait bien mieux si elle était en démocratie la plus directe, la plus populaire possible, cela semble d'emblée fou. Cela semble impossible à entendre aux oreilles courantes., y compris à celles de personnes proches, de gauche pour un certain nombre et dotées d'assez « grosses têtes ». Au mieux, le propos est perçu comme gentiment délirant. Au pire, comme irresponsable vore extrémiste et condamnable.

     

    On y oppose, par exemple, des affirmations d'un genre aliéné à l'élitisme méprisant : "il y a une masse de gens (ou même la plupart) incapables de réfléchir", "tu plaisantes, tu as vu tous ces gens qui votent Le Pen ?" ou "qui mangent mal, qui se soignent mal, qui remplissent leurs caddies de trucs inutiles ou chimiques", « tu ne regardes pas la télé ? »... Cet élitisme très courant frise un petit fascisme, celui que l'on ne voit toujours chez les autres, jamais chez soi.

     

    Ou ces autres propos qui tombent dans la caricature : "chacun ne pense et ne pensera jamais qu'à lui", "les gens zappent, ils sont superficiels et irresponsables...". Et en sous-entendu : "...sauf moi" qui profère ces jugements « sérieux, réalistes et responsables ». Et ils le sont responsables... de la dévalorisation du collectif et de l'éloignement de la perspective d'une ré-union souhaitable. Responsables en conséquence de l'absence de cet ingrédient important du bonheur qu'apporte le sentiment supérieur à tout jugement d'exister dans une communauté humaine à construire. Et pour cela, dans ce commun, ne prétendre se distinguer des autres que par sa propre singularité et pas par une pseudo supériorité qui, au fond, sépare et frustre.

     

    Conséquence d'un point de vue suggéré et donc plutôt répandu : les humains sont médiocres et infréquentables, « sauf toi" peut-être, à qui je le confie avec une naïve conviction que tu partages forcément ce minimalisme d'une fraternité rabougrie, réduite à une minorité qui me ressemble. Ou cette autre conséquence : il n'y a que que des différences individuelles, "on est tous différents". Ou ce nouvel emprunt au manichéisme : "Il y a des bons et des mauvais partout". Tout est instable et relatif. Circulez, il n'y a plus rien à penser. « Yaka » constater.

     

    Pour les porteurs de ce niveau zéro de la pensée autonome, la réflexion est synonyme d'inutilité et de perte de temps. D'autant, si elle est poussée un peu loin. Elle est une prise de tête anachronique et ringarde. Elle dérange la légèreté qui sied à la convialité et au bonheur à tous prix conforme. Elle est un temps perdu qui entrave mon petit plaisir de vivre ou de survivre "au max", sans lourdeur et sans temps mort.

     

     

    "Il y a ceux qui ont l'esprit d'entreprise et il y a ceux qui ne sont rien".



    Les premiers cités sont donc ces modèles de contemporains vivant effectivement sans temps mort... qui font vivre une masse innombrable de contemplatifs. Cette haute pensée (dans l'ordre du mépris) d'un nouveau président nous rappelle décidément celle de précédents avec leurs « forces vives » tractant le chariot des masses molles, de morts-vivants, walking dead.

     

     

    Ou comment humilier la multitude, comment l'inciter à cette lecture d'elle-même et à courber l'échine. Comment asseoir, dans notre monde « d'en bas », la pensée debout, celle qui fait que nous sommes des sujets vivants et non des sous-sujets consentants. Indignons-nous, oui mais sans en rester là.

     

     

    Au delà de la simple macronite, cette caricature idiote montre de quelle nature est l'humanisme des élites, des classes dirigeantes. Leur mépris pour la masse des autres, aujourd'hui policé et largement dissimulé, est une longue histoire.

     

     

    Dans la société de la religion économique, le "bon" esprit d'entreprise peut être appliqué à tout : "Il faut être pragmatique et concret... pour que l'entreprise France avance". « Il faut arrêter d'être utopistes et rêveurs », me souffle avec conviction une personne de mon entourage, très sympathique et un peu à gauche. Comme si le pragmatisme et le réalisme étaient du côté des partisans et des gagnants de l'ordre économique et politique en place. Comme si nos maîtres en excès et leur cour conservatrice représentaient la sagesse et la modération, en termes d'idées et de réalisations..

    Tant pis si ce pragmatisme-là, lorsque l'on y réfléchit, c'est bien l'aval d'un amont. L'aval de l'utopie en actes qui en moins de deux siècles nous amène "pragmatiquement et concrètement" à un productivisme de gaspillage, à une dégradation sociale et à des catastrophes. Sage et modéré tout cela, vraiment ?

     

    Aux esprits et aux yeux éblouis par l'économie de marché capitaliste et sa démocratie, une analyse qui plisse un peu les yeux pour y voir plus clair, ne sert à rien. Par exemple, celle qui cherche à comprendre la profondeur du mal, à repérer des mécanismes de blocage du changement souhaitable, dans nos esprits et dans les structures de la grande machine politico-économique. Penser et agir pour dépasser la logique d'une construction qui nous a tous précédés et qui est bien sûr dans nos têtes.

     

    Le laisser-faire économique est le grand principe. Il est celui du marché libre et il doit être celui de chacun. Pour la première fois, l'Homme est sommé de ne plus être ce roseau pensant en quête du juste. Cet humain capable de penser la racine des choses, en recherche d'un meilleur enracinement et d'un mieux-être en société. Un être libre, capable pour cela (dans le sens de cette radicalité-là) d'envisager idéalement et concrètement un autre terrain plus favorable pour tous.

     

     

    Tout est individuel et relatif.



    Dorénavant, l'air du temps est à la négation du collectif et des forces sociales à l’œuvre.

     

    Tout est individuel et variable. Le rythme naturel de l'évolution des sociétés est une sorte de moyenne des évolutions d'individus approximativement égaux. La même liberté offerte à tous aboutit à des inégalités concrètes dont il n'y a rien à dire. Hormis qu'elles sont à l'image de ce que montrent la nature et le monde animal. Il n'y a rien d'autre à faire et à penser que cultiver son jardin-nombril et surveiller celui des autres. Que méditer et ouvrir ses chakras.

     

    Et peut-être devenir, pour un petit nombre croissant, des dévots occidentaux du bouddhisme tibétain. Une dévotion qu'accompagna, assez longuement semble-t-il, dans un temple héraultais, un certain mépris de la part d'un grand « maître », ami du Dalaï Lama. Ses origines - un Tibet pauvre, humilié par la Chine et négligé par nos Etats - sont-elles totalement étrangères au long hors clous spirituel  du grand moine ? 15

     

    Dans ce monde d'individus libres et différents juxtaposés, tout est perçu mouvant, insaisissable et relatif.

     

    La célèbre théorie de la relativité d'Einstein se trouve en quelque sorte dégradée en un relativisme général qui annihile toute réflexion sur la dimension sociale, sur les structures et sur les forces correspondantes qui nous habitent. Une réflexion sur ce qui, en interaction avec les choix individuels, permet de mieux comprendre la réalité. Et qui permet ainsi de pouvoir la changer. Avec le noble objectif de rechercher de la manière la plus ouverte, un mieux-être collectif ne se réduisant pas à la seule addition de mieux-être personnels en nombre limité.

     

    L'absence de ce regard critique inhérent à notre espèce 16, glisse aisément vers le fatal : "On ne peut rien faire". Ou "rien faire d'autre que de s'occuper de soi" et de tâcher d'éclairer de sa petite lumière le petit monde qui nous entoure. Quoi qu'il en soit, beaucoup râlent. Nous râlons presque tous. On essaye des pseudos leaders politiques différents : ici, l'excité Sarkozy, le jupitérien Macron, ailleurs le noir Obama et le milliardaire Trump.

     

    Et puis après en France, un jour, "essayer" une femme de poigne de la famille Le Pen et son clan d'extrême droite.

     

    Avec la chasse aux étrangers sur notre sol national et le pseudo murage des frontières, comme cœur de "notre" projet politique. Et comme corps : une division sociale exacerbée et peut-être un certain climat de guerre civile. Puis, après le trauma extrémiste, « souffler » avec un Valls, un Fillon ou le retour du reposant Hollande, en ce moment très consulté par les médias. Bref, quelqu'un qui nous paraîtra léger et tout compte fait assez acceptable sur la route de la dégradation sociale. Nouvel essai. Nouveau piétinement illusoire. Tourner en rond un peu sonnés. Ne pas sortir de la cage encore dorée pour beaucoup d'entre nous, on ne sait jamais.

     

    Au delà de la variété des réactions individuelles, c'est la même panne de liberté et d'imagination. Ce blocage et le fatalisme consécutif trouvent une source essentielle dans l'effacement de la conscience collective. Cette mutilation de notre humanité, c'est aussi un niveau de réflexion qui est absent ou que l'on s'interdit. Celui qui consiste à imaginer et à oser une autre pratique politique, en sollicitant l’Être collectif qui existe en chacun (le citoyen, dit-on souvent abusivement 17 aujourd'hui). Et imaginer cela suffisamment nombreux, pour oser une autre direction et une autre navigation à notre bateau.

     

     

    Vive nous. Vivre le "nous" au côté du "je".



    La construction du changement et son orientation nous reviennent en plein. C'est la leçon qu'il faut tirer de l'histoire. C'est aussi celle que le présent nous suggère tous les jours. La démocratie « représentative » et bien plus réellement oligarchique, est épuisée. Elle épuise les bonnes volontés et la grande capacité d'adaptation dont l'humain est capable.

     

    Toutes les considérations qui amènent à douter, à tergiverser, à refuser de voir, sont compréhensibles et sans doute nécessaires. Mais, s'y arrêter paresseusement parce que l'on est trop vieux ou jeune ou femme ou en situation encore confortable, cela nuit beaucoup. A soi-même et à tous, au présent et au proche avenir.

     

    Les inconvénients de cette longue attente et de l'auto diversion dont nous, humains, sommes capables, rejaillissent déjà sur notre société, sur nos vies personnelles, Ils s'amplifient. Ne soyons pas ces grenouilles passives que l'on cuit peu à peu dans la marmite d'eau froide posée sur le feu. Prenons acte de cela et ne coupons plus les cheveux en quatre, notre Être et notre humanité en deux ou trois morceaux.

     

     

    « Les Hommes sont bons, les gouvernements sont des merdes ».



    Ce propos récent du réalisateur finlandais Aki Kaurismäki prend totalement à contre-pied la vulgate qui nourrit ou plutôt qui pourrit les têtes, une foule de têtes. Une vulgate déjà largement dénoncée dans les paragraphes précédents, qui se décline sous de très nombreuses formules. Quelques exemples de plus : « les Hommes ont les gouvernements qu'ils méritent », « les Hommes sont trop cons pour avoir mieux »...

     

     

    J'insiste et j'enfonce un peu plus le clou : cette bêtise anti-humaniste, ce petit cynisme ordinaire, ce mépris élitiste, sous l'excuse assez minable du pur réalisme, fait le beurre et l'argent du beurre de nos oligarques. Critiquer cette vulgate est d'autant plus important qu'elle est au cœur du blocage d'une dynamique de transformation souhaitable.

     

    Elle assure aussi une partie du succès de l'extrême droite. La désignation parmi nous de boucs-émissaires responsables de tout, du désordre et de l'insécurité, du chômage et du manque de logements, des déficits sociaux, etc... l'idéologie d'extrême droite en fait son fumier fertile. On est entourés de cons, de profiteurs, de salauds... mais ceux-ci se trouvent être essentiellement les immigrés, les réfugiés pas catholiques, les étrangers sans papier, surtout les plus pauvres d'entre eux.

     

    Cette parole provocatrice de Kaurismäki est un hommage à l'exigence de la réflexion autonome sur le monde lorsque l'on prétend désirer qu'il change. Oserais-je dire : c'est un cri d'amour pour la grande masse des humains dont nous faisons réellement partie. C'est une manifestation infiniment sympathique à mes yeux d'une spiritualité authentique, non égocentrique, non élitiste, mêlée d'esprit libertaire.

     

     

    Alors quoi, l'auto-gouvernement ? Celui des Hommes bons ?

     

     

    La vraie démocratie, c'est nous tous. Ceux et celles qui ont déjà le désir de participer à cette construction des choix pour notre communauté. Et ce sont les autres qui y viendront peu à peu. C'est une pratique locale, communale, largement nouvelle, connectée à nos vies concrètes et ajoutée à nos emplois du temps... quelque peu encombrés de temps perdus à mal soigner notre impuissance collective à coup de placebos.

     

    C'est en même temps une pratique-pensée (il n'y a pas là non plus à faire de découpage artificiel) qui efface peu à peu les clans idéologiques en obsolescence entamée. On retrouve aussi mise en pratique, la nécessité d'unir en nous les trois "petits mondes" de l'humain aspirant vraiment au changement.

     

    « Sa révolution personnelle » est nécessaire. Mais non isolée, non égocentrique, non "ultra ou néolibéralisée", elle est au contraire pleinement solidaire de celle des autres. Elle nourrit alors une dynamique collective de transformation de notre société. Elle lui donne un élan et une étendue qui n'existent pas aujourd'hui.

     

    Ce sont une pratique et une transformation locales qui, de la même manière non restrictive, ne se limitent pas à cette dimension-là. Le local communal est en effet contraint par les niveaux politiques et administratifs supérieurs. Il en va de même, lorsque l'on monte d'un cran, par exemple au niveau de la Communauté de communes qui est contrainte par le département, la région, la préfecture.

     

     

    Au total, c'est une construction globale qui ne tient pas sa cohérence structurelle et sa force du local. Elle ne repose pas sur cette base où nous sommes. Au contraire, elle la soumet et de ce point de vue aussi, elle n'est pas une démocratie. Ses fondations et sa nature réelle prolongent la longue histoire de la domination. Au delà de ses figures successives et des emprunts libéraux à la démocratie, la domination continue de s'incarner en chacun de nous, en notre imaginaire (la) « constituant ».

     

     

    Le pouvoir est pyramidal, le supérieur s'impose toujours au bas. Mais, disent certaines théories, c'est une pyramide inversée : sa pointe est à la base. Cela illustre le fait que l'élite sociale a le pouvoir et qu'elle est en mesure de perpétuer l'ordre inégalitaire et anti démocratique. L'élection joue le rôle éminemment central de légitimer la supercherie.

     

     

    En réalité, dans ce projet déterminé et dirigé par nos élites, le pouvoir politique s'éloigne de plus en plus de nous. Il cherche 18 en quelque sorte à protéger tout ce système, d'un peuple potentiellement conscient et rebelle, au moins pour partie inconnue. On peut affirmer, sans crainte des quolibets des bien-pensants, que le pouvoir doit subrepticement s'éloigner physiquement du peuple et des élections, pour les raisons précédemment expliquées de sécurité et de stabilité de la pyramide... sur sa pointe. Il s'agit, de ce point de vue, d'une situation foncièrement fragile dont la consolidation est de première importance. Cela explique le mouvement en trompe-l'oeil de déconcentration administrative et de concentration politique à étages qui est opéré depuis quelques décennies.

     

    La démarche locale est à penser d'emblée dans la nécessité d'un élargissement, sans pour autant être impressionnée et inhibée par lui. Elle doit au contraire être désinhibée et... impressionnante. Ne marchons plus sur la tête : le bon sens est de dire qu'en démocratie, le niveau supérieur du pouvoir doit être le « bas ». Et dire en même temps que du "local" au "global", là non plus, il n'y a pas de division. Que la séparation actuelle, bien problématique évidemment, est une division imaginaire reproduite par l'imaginaire de la division.

     

    S'éloigner et rompre avec la "vie" politique actuelle qui à tous niveaux territoriaux, enterre à distance la nôtre et met au chômage la capacité naturelle de notre imaginaire. Cette rupture n'est pas un artifice, ce n'est pas une option, c'est autant de liberté et de « temps de cerveau disponible » pour s'occuper enfin directement de sa Cité.

     

    Ce changement est près de nous. Il est à portée de mains, si nos imaginaires se libèrent et nous libèrent.

     

     

    La réalité ne se soumet pas au bon vouloir de nos consciences borgnes.



    Le blocage et le fatalisme s'alimentent à l'individualisme néolibéral qui, on l'a dit, nie les causes sociales des inégalités et des comportements.

     

     

    Ce faisant, cette idéologie mutée en pensée et en politique imposées, mutile les consciences des humains. En masquant les autres possibles, elle entrave notre liberté d'être et de penser. Elle enferme indistinctement chaque individu dans une responsabilité totale de ce qu'il est et de ce qu'il fait.

     

    Si les gosses de pauvres ne se comportent pas toujours aussi "bien" que les gosses de riches, « cela n'a rien à voir » avec les inégalités sociales éventuellement croissantes dans les sociétés du marché capitaliste mondialisé. « Cela n'a rien à voir » avec la perception d'un environnement lourd et d'un horizon bouché qu'ont bien des jeunes. Particulièrement certains d'origine sociale "un peu handicapante". 19 

     

    Or, la dimension sociétale des phénomène, le déterminant social de la réalité humaine, cela existe bel et bien. L'ignorer, ne pas se "prendre la tête" avec ça, vouloir que cette dimension et ce facteur ne comptent pas, cela ne les enlève pas magiquement de la réalité. Bien au contraire, cela favorise les fausses solutions spectaculaires (dont les violentes) et les mauvais choix politiques réitérés. Autant de gages de la poursuite de ces problèmes de grande portée et de gages de leur accentuation.

     

    Seule solution qui en découle dans les têtes réduites et enfermées dans le carcan individualiste le plus étroit : "changer" les gosses et leurs parents, en réprimant ce petit monde qui nous dérange. Jusqu'au recours à l'élimination, par exemple au célèbre karcher. Ou un jour prochain peut-être, recourir à la discrimination négative de la population française d'origine immigrée non européenne et non chrétienne. Des jeunes de cette minorité, parmi ceux qui remuent un peu plus que d'autres dans le désordre général et qui sont accusés de l'essentiel du désordre. Tout serait si ordonné et tout irait tellement bien, sans eux, n'est-ce pas.

     

    Pauvre humain d'aujourd'hui qui se saisit d'une solution totalement illusoire, sans réel effort de réflexion un tant soit peu distanciée de l'évènementiel et d'un spectacle médiatique infirmisant. Tellement il est seul avec lui-même, livré à ses propres fantasmes et à la télé, dans une réalité dégradée contre laquelle il ne peut rien, sauf avoir la haine contre celui qui a la haine.

     

     

    Cet isolement (même s'il est relatif) et ce sentiment d'impuissance sont une situation normale dans la démocratie factice qui est la nôtre. Une démocratie qui n'en a que le nom et dont les institutions furent faites pour qu'elle soit totalement aux mains des catégories sociales les plus hautes, celles des grandes familles, celles des plus carriéristes et des plus ambitieux.. pour eux-mêmes.

     

     

    Le passé n'est pas forcément un bon vieux temps, mais... 

     

     

    Ces paroles et ces sentiments médiocres disent la solitude et l'impuissance réelles d'un humain qui vote, en moyenne statistique, une fois tous les ans et demi, seul dans l'isoloir, après avoir fréquenté toute l'année "sa" télé, 4 heures par jour et/ou écouté sa radio, 2 heures. Un individu soit-disant libre qui, selon le dicton aussi célèbre que surréaliste, vote "en son âme et conscience". Quant à changer une situation dégradée d'injustices sociales liées au système et à son idéologie, encore faudrait-il en garder la conscience. Et ainsi penser que c'est possible et nécessaire.

     

    C'était bien le cas, il y a encore peu de temps, en particulier dans le milieu ouvrier d'où je viens. Cela participait grandement à donner du sens à notre avenir, à l'ouvrir aux jeunes que nous étions. Les médias ne nous occupaient pas beaucoup. La télé pénétrait à peine dans nos foyers. L'empire et l'emprise médiatique n'existaient pas encore au quotidien. On n'avait pas peur.

     

     

    L'avenir était ouvert. La vie était à construire, pour chacun et ensemble indissociablement. Et nous avions plutôt confiance, dans ce « nous, les ouvriers » que répétaient de temps à autre nos parents. Ils l'utilisaient au moins autant que le « je ». Même s'il ne s'agit pas de dire aujourd'hui que c'était le bon vieux temps.

     

    Notre réflexion était assez libre et elle élevait notre esprit critique. La révolution de 1968 germait. On le sait, le temps fut trop bref, il n'y eut ni lente pousse, ni moisson. Peut-être en partie à cause de cela, cette capacité critique naturelle de notre espèce, il est bien vu aujourd'hui de la dénigrer, au nom d'une injonction à être "positifs", aériens et zens. Autrement dit, à se conformer à l'ordre immuable et éventuellement pas zen des choses, à ne s'occuper que de ses affaires privées et à laisser les mains libres à ceux qui dirigent notre société, qui rendent immuables leur domination et la dégradation 20. C'est sans doute là l'ordre naturel ou divin et la zen attitude du « je » sans « nous ».

     

     

    Le trou de mémoire et le « quand même ».



    L'obsolescence et la destruction des anciens contre-pouvoirs collectifs ont largement installé un sentiment d'incapacité 21. La dégénérescence du débat politique professionnel et du régime représentatif (ou la révélation de leur véritable nature), ont favorisé ce sentiment. Cela s'illustre particulièrement dans ce qui est appelé : la "droitisation de la gauche". Le sentiment d'incapacité a fini par produire, à peu près en l'espace d'une génération, une non-conscience, un trou de mémoire.

     

    Au final, s'en trouve survalorisé ce type de convictions : "chacun est libre et s'occupe librement de soi", "chaque individu est totalement responsable de ce qu'il est et de ce qu'il devient", "nous sommes tous également responsables de ce qu'est la société". Autant de postulats et de prêts-à-penser qui sont au cœur de l'utopie libérale "en marche" 22, version néo et version ultra.

     

    Dans le rayon des prêts-à-penser du marché de la domination consentie, l'offre est bien sûr variée. Il y a celui qui nous donne une image de l'élite sociale dirigeante : des individus qui sont « quand même » là, parce que leurs compétences sont « quand même » supérieures aux nôtres : celles du commun. Hautement diplômés, l'attitude assurée et la tenue impeccable, le verbe facile et plutôt « classe », ils ne sont « quand même » pas n'importe qui et c'est, électoralement, « quand même » rassurant. Quand même.

     

    En ce qui concerne la partie proprement politique de cette élite dirigeante, on peut croire à la diversité représentative de leurs idées et de leurs programmes électoraux. On peut penser qu'ils sont avant tout des serviteurs légitimes de l'intérêt général. Ce qui permettra pendant longtemps de refuser de voir la réalité.

     

     

    S'il n'en reste qu'une, la majeure partie de la gauche bloquée sur le mythe de « l'Etat républicain » et du caractère révolutionnaire de l'élection de représentants, sera peut-être celle-là. Cette religiosité de la gauche, y compris celle qui se dit ou est dite radicale, explique en partie le passage électoral à l'extrême droite d'une partie du peuple « de gauche ». Le discours de toutes les tendances de l'extrême droite cherchant à être plus rupturiste, pour ne pas dire radical et révolutionnaire.

     

    De la même manière, la perception dominante que nous avons de la masse des humains a sa source dans le prêt-à-penser. Mais cela donne une perception totalement opposée à celle qui est donnée de l'élite sociale. Cette perception mêle , dévalorisation et négativité. Elle nous fait curieusement oublier au passage que nous appartenons à cette masse des humains.

     

    Dans la gamme des prêts-à-penser, du plus tempéré au plus grossier, le mépris pour la plupart des humains ordinaires n'est pas le moins nocif 23. Tandis que l'on est seulement déçus par les élites au pouvoir et que l'on peut continuer à attendre mieux d'elles. Il suffirait simplement de bien voter pour les bons candidats. Si les gens étaient moins bêtes, "Ils voteraient Cheminade", déclare un bon camarade électeur avec une naïveté touchante et étonnante. Une autre bonne citoyenne affirmait la même chose à propos d'Asselineau. Bêtes et aveugles au pays des borgnes, on serait donc passés à côté de la solution du changement, sans la voir.

     

     

    La psychologie de l'individu "libéralisé".



    D'une certaine manière, le mépris "micro-fascisant" 24 est le symptôme d'une maladie issue d'un déséquilibre plus profond dans l'histoire de notre société (voire dans notre civilisation) et en même temps dans les êtres que nous sommes.

     

    Ce déséquilibre, c'est la dévalorisation de sa propre humanité sur fond de déshumanisation collective et d'impuissance individuelle non assumée en tant que telle. Plutôt que m'allier aux autres, ce qui serait la solution à mon impuissance, je leur en veux de cette impuissance. Le virus du bouc-émissaire ne demande alors qu'à coloniser les organismes humains ainsi affaiblis. La force du mépris est à la hauteur de la frustration de l'individu à la fois dominé et "libéralisé", qui ne peut pas vraiment s'aimer tel quel. La variabilité de l'intensité du symptôme est grande.

     

    L'individu "libéralisé" n'est pas libre. Il est cet individu qui ne sait plus clairement qu'il est un être social interdépendant. Il ne sait plus que seul, il ne peut pas être vraiment libre ou "mieux" libre. Et qu'il l'est grâce aux conquêtes sociales et donc collectives. Il ne sait plus que son « bien vivre » dépend pour une bonne partie de ce progrès-là. Que lorsque les humains sont seuls, chacun perd une part de son humanité, de sa force et de sa capacité au bonheur. Que tout cet essentiel diminue en soi et autour de soi.

     

    L'humain libéralisé est celui alors qui court après l'argent, l'emploi, le logement, le bonheur dans la consommation matérielle et immatérielle... dans la compétition généralisée autour de la pénurie collective et de l'abondance individuelle possible pour un certain nombre. Il est celui qui consent à ce jeu généralisé des chaises musicales et qui renonce. Il est celui qui critique parfois avec quelque irritation, ceux qui critiquent un peu trop.

     

     

    Ainsi est la liberté tronquée du libéralisé.

     

     

    Le coût personnel et social de cette version de la liberté est au fond énorme. La réalité le dit, même à ceux qui préfèrent ne pas trop entendre, ne pas voir trop loin, au nom d'une tranquillité illusoire. Comment ne pas se sentir plus ou moins menacé, en insécurité, frustré ?

     

     

    Les dangers du monde tel qu'il va.



    Les grands dirigeants, dans une belle unanimité et une même conscience, partagent la même idéologie et construisent un monde dont on ne veut plus vraiment. Nous sommes désormais très nombreux à ne plus accepter cette réalité et ses conséquences. Certes à différents degrés et différents stades. Même si la vie quotidienne nous aide à les oublier, on pressent les dangers de ce monde, à terme peut-être pas si éloigné.

     

     

    Si on en croit l'évolution de la participation électorale et des résultats des votes 25, si on regarde le pessimisme ambiant, on peut penser qu'une majorité de gens vit plus ou moins ce désaccord profond, même si beaucoup sont encore en situation matérielle relativement confortable. Une bonne partie des électeurs de Le Pen est concernée par ce sentiment qui s'étend. Cette dernière affirmation déplaira probablement à tous ceux et celles chez qui la panique devant l'épouvantail bleu-gris prend le pas sur l'analyse.

     

     

    L'hypothèse de la "bascule sociale".



    Il apparaît que les dégâts écologiques, la frustration et les souffrances sociales ne s'arrêteront pas. On doit craindre leur amplification. Or, ces effets-là seront bien plus forts pendant un temps probablement très long encore, que ce qui germe de nos seules transformations personnelles et des fourmillements alternatifs. Mais, aux dires d'un nombre significatif d'adeptes de la voie personnelle et du petit monde alternatif, une "bascule sociale" finira par se produire spontanément. En quelque sorte grâce à eux, grâce aux démarches individuelles multipliées.

     

    Outre leur qualité et leur intérêt, des documentaires très en vogue tels que "Demain", "Nouveau monde", "En quête de sens", reflètent et appuient cette vision très hypothétique, pour ne pas dire bien fantasmatique. D'où cette idée tentante, mais foncièrement abstraite malgré sa référence charmante au monde concret et merveilleux des plantes, que la germination, somme toute  spontanée, se fait à bon rythme et qu'il n' y a qu'à (yaka) continuer à semer. En soi et dans les marges.

     

    Beaucoup de ces spontanéistes veulent opposer cet optimisme à tous crins au pessimisme ambiant, Mêlant le cœur et le micro-concret vécu par les individus et les petits groupes concernés, l'optimisme est donc de bon ton dans les petits mondes spiritualistes et écologistes. Pour autant, un certain nombre de ces semeurs d'un avenir meilleur ne parviennent quand même pas à se sentir confiants.

     

    Peut-être parce qu'il est difficile d'ignorer que, de par son échelle, ce concret-là de changement s'insère dans une vaste réalité qui est très loin d'être dérangée par lui. Et qui ne le sera sans doute jamais (au moins à temps) si quelque chose de l'ordre d'un mouvement social et politique ne se produit pas.

     

    Le système actuel sait recycler à son profit les petites dynamiques de changement et même les plus grandes, inabouties. Les exemples sont connus : l'esprit de mai 1968, le développement personnel, l'aspiration écologique, le revenu universel, la décroissance... L'impact le plus tangible de la vague spiritualiste, c'est l'émergence d'un marché florissant, d'un business classique et d'un certain nombre d'égos en quête de pouvoir. C'est aussi très classiquement, un nouveau segment d'exploiteurs et d'exploités, oeuvrant chacun à oublier les dangers de la situation globale dans un méli-mélo d'argent 26, de pratiques plus ou moins orientalisées, de gentilles paroles et d'écrits tout à fait recyclables dans la logique marchande capitaliste.

     

     

    Bascule dans les pièges de l'imaginaire conservateur.



    L'hypothèse fort peu raisonnable de la "bascule sociale" parait surtout inspirée par le souci hégémonique de soi, par la satisfaction personnnelle de celui ou de celle qui l'imagine. Elle relève bien plus du fatalisme social et d'un conservatisme politique que d'une spiritualité élevée à toutes les dimensions de notre Être et s'enrichissant de notre histoire. Même si les individus concernés invoquent facilement la "Voie du Cœur" et le "grand-doux" changement que celle-ci veut incarner.

     

    L'hypothèse de la bascule sociale tombe aussi dans le piège du manichéisme. Elle s'enferme dans ce simplisme lui aussi en vogue qui est tout sauf une tentative de garder raison et de prendre en compte la complexité : "Il y a d'un côté les optimistes (qui pensent comme moi la lente bascule sociale) et de l'autre les pessimistes... », « Il y a ceux qui sont dans la paix et ceux qui sont en conflit (ou qui le voient autour d'eux)». Dans ce manichéisme toujours moralisateur, il y a toujours les bons et les méchants, les justes et les non justes.

     

     

    Et on est évidemment parmi les premiers lorsque l'on incarne la juste Voie du Cœur et de la Conscience. Derrière les mots en majuscules, on entend : ce que je fais, ce que nous faisons est parfait. Il n'y aurait donc rien à redire, rien à ajouter. Certains maîtres de la spiritualité en vogue instaurent même qu'il est illusoire et dangereux de désirer réfléchir, avoir une parole et une action dans la société.

     

     

    Dangereux, pour qui ?

     

     

    Le "génie" d'un totalitarisme post totalitaire à visage démocratique.



    On peut critiquer de manière radicale la logique dangereuse en place et en même temps reconnaître son "génie" monstrueux à se nourrir de presque toute la créativité humaine. A se nourrir aussi de ses propres dégâts. C'est l'absorption de la créativité à visée purement mercantile, jusqu'à celle qui est fortement teintée d'altruisme. "L'Horreur économique" » 27 deviendrait ainsi éthique, spirituelle et verte.

     

    C'est par exemple, la marchandisation profitable de la pollution jusqu'à celle des maladies du stress et de l'alimentation industrielle. Ces dégâts croissants propres à la logique productiviste livrée à elle-même (par les pouvoirs politiques), engendrent des marchés croissants, d'autres productions encore : pharmaceutiques, médicales et thérapeutiques, marchés des droits à polluer, du naturel, d'une survie personnelle éclatante, de la surveillance, de la sécurité... L'insécurité et le stress peuvent continuer à prospérer. Les discours lénifiants et les grands médias sont toujours prêts. Les marchés répondent.

     

     

    Cette logique "géniale" propose à chacun de supporter un projet global concret aux nuisances croissantes, grâce à l'exploitation commerciale du désir tenace et légitime de vivre bien ou de survivre mieux. L'offre sans cesse élargie est cependant plus profitable aux consommateurs qui entrent dans la "demande solvable" des économistes. Tant pis pour les insolvables. A chacun son mérite. La "loi naturelle" du marché rendue sacrée par nos Maîtres est ainsi.

     

    Plutôt qu'un projet, Il s'agit d'un non-projet de société, si on considère que le développement de la production-consommation et l'accumulation d'argent, n'en sont pas un. Qu'ils appartiennent à la mécanique autonome 28 d'un système devenu fou. S'adapter à la mécanique de la méga machine, travailler et consommer, courir après l'argent, ce n'est pas équivalent à choisir ensemble sa Cité. Contrairement à ce que dit une autre "idée alternative" assez courante : "Par sa consommation, on choisit sa société".

     

    Il y a fort peu de choix 29 pour cette logique et cette dynamique devenues plus clairement autonomes et nocives. Nocives autant au plan humain qu'au plan écologique, si tant est que l'on puisse distinguer les deux. Devant nous, proches, des dangers et des échéances se profilent.

     

     

    Donner en plus à la barre du navire, un mouvement déterminé.



    Essayer de ne pas enfermer son regard et borner sa réflexion, cela peut favoriser une toute autre hypothèse que celle de la bascule sociétale et de l'individu-roi du libéralisme, un roi de papier glacé. Cela peut donc amener une autre attitude personnelle et une toute autre perspective.

     

    Outre que la "bascule" peut fort bien ne jamais se produire, son éventuel surgissement pourrait intervenir dans un temps bien trop long. Il est assez réaliste de considérer que le verre actuel du changement est au 1/50ème plein (on pourrait évoquer un taux bien moindre) et aux 49/50ème vide.

     

    Sans céder au vent de panique catastrophiste, on voit bien que certains défis se posent déjà à l'humanité. Et qu'ils appellent à terme relativement court une grande mobilisation. Ceci doit nous incliner à penser qu'il vaudrait beaucoup mieux ajouter au rythme de l'évolution individuelle et micro sociale spontanée, un coup de pouce politique. Un coup de pouce susceptible, grâce à une échelle collective d'une toute autre ampleur, d'accompagner la germination spontanée et de favoriser la transformation naissante. De donner pour cela à la barre du navire, un mouvement déterminé et déterminant. Cela demande une force collective suffisamment importante et donc une participation numérique conséquente.

     

    Mais qu'il faille tout de suite une "majorité", c'est une perception courante qui relève plus de l'idée reçue que de la réalité historique. Cette fausse idée est une projection abusive du fonctionnement de notre régime politique et de ses élections. Les grands mouvements de société engagent d'abord un petit nombre. Bien sûr, en l'absence d'une dynamique d'élargissement, ils ne "prennent" pas.

     

    La majorité n'est jamais strictement nécessaire en tant qu'actrice directe. Elle l'est en tant que partie favorable, en tant qu'elle dit son adhésion de manière implicite ou explicite. La passivité tant dénoncée d'une partie d'entre elle, n'est ni un fait définitif, ni un obstacle immédiat à une amorce de changement. Doit-on rappeler « pour l'anecdote » que Macron fut élu par 39% des majeurs français (23% environ, selon une estimation du sénat, si l'on déduit les personnes qui se bouchèrent le nez) et que sa majorité absolue à l'assemblée provient de 15,2% des 18 ans et plus. Ainsi est le triomphe de Macron claironné par les grands médias. Ainsi est la « démocratie représentative » du peuple.

     

     

    Participer aux choix collectifs, ce n'est pas une simple option pour chacun.



    A mes yeux, participer réellement (non plus en se contentant de voter ou de ne pas voter) aux différents choix pour notre collectivité, ça n'est pas une option comme les autres. Comme celles qui nous font choisir d'habiter en ville ou à la campagne, d'être bouddhiste ou libertaire, alternatif ou... natif ordinaire, de beaucoup rouler à vélo ou de ne prendre que sa voiture.

     

    Je dirais même que notre implication dans les choix collectifs n'est pas une option du tout. C'est un élément constitutif de notre espèce particulière. Chaque humain est de fait un des habitants d'une "polis". Cette cité - avec ses différents niveaux, aujourd'hui, de la commune jusqu'à l'UE - est une communauté "politique", en ce sens qu'elle se choisit au long de ces étages, un destin collectif qui concerne et contraint ensuite chacun. C'est de toute évidence moins le cas pour toutes les autres espèces animales.

     

    Nous avons donc à faire des choix collectifs, à définir un sens, une direction, à déterminer un trajet souhaitable pour le navire qui embarque nos existences personnelles.

     

     

    Nous sommes potentiellement nombreux, mais...



    La question me semble primordiale. Sans un nombre bien plus important d'individus impliqués de manière indivise sur tous les plans nécessaires - le politique, le spirituel et le concret alternatif - sans en exclure un au prétexte qu'il n'est pas "mon truc", on reste tous hors-jeu de la direction du navire. On est impuissants à pouvoir collectivement le diriger autrement. Là encore, la réalité nous le dit tous les jours.

     

    Plutôt que s'enfoncer un peu plus dans la tempête en imaginant, soi, y vivre "quand même" très bien, il est nécessaire de se réunir plus nombreux pour choisir vers quoi on souhaiterait aller ensemble et comment. C'est précisément ça être « citoyen » dans une réelle démocratie. C'est cela cette « anima » politique qui appartient à l'humanité. Son endormissement nous prive de choix, réduit notre liberté et contraint notre capacité au bonheur.

     

     

    « On ne naît pas Homme, on le devient » écrivait Erasme il y a cinq siècles 30. Les élections et notre mise à l'écart politique nous soustraient de la création d'une partie de ce devenir 31.

     

    Accepter cette anima, même si pour l'heure elle est peut-être encore inconnue de soi ou en friche. Ajouter "simplement" ce supplément d'âme et de souffle à notre imaginaire. Pour que notre vie personnelle déploie notre humanité en s'exerçant avec les autres humains. Pas sans eux ou au détriment d'eux. Ne pas accepter une répulsion réflexe qui aboutit à accepter de se restreindre et à n'en plus sentir les conséquences. Faire l'effort de ne plus céder au très auto-centré : "je suis ce que je suis, tu es ce que tu es. Tu t'engages, moi pas, chacun et libre et nous sommes complémentaires ». Tout est bien et tout serait en ordre, en quelque sorte.

     

    Est -ce vraiment le cas, dans le monde présent des humains « complémentaires » ?

     

    Consacrer bien sûr un peu de son temps à la codirection du navire, qui sait, quelques heures par mois peut-être. De ce temps qu'aujourd'hui on perd en partie de toutes façons, tandis que chacun de nous veut être très strict en ce qui concerne sa liberté de choix et l'usage de son précieux temps.

     

    On commencerait alors à rompre - et notre société avec nous - avec le sentiment d'impuissance et d'insécurité auquel on prétend pouvoir échapper. Ce sentiment-là, bien réel et croissant, a de multiples conséquences dont nos transformations personnelles souffrent, évidemment. Nos alternatives aussi, bien sûr.

     

    Qui peut dire le contraire ? Sans doute, un individu aveuglé par un individualisme assez peu spiritualisé et peu humain en définitive.

     

     

    Union, ré-union attendues...



    ...de ces petits mondes que je fréquente sans ségrégation, pour mon bonheur et avec parfois un peu de tristesse silencieuse ou de paroles critiques. D'où ce regard et cette réflexion qui se veulent à la fois bienveillants et bien critiques.

     

    Comme un certain nombre de personnes, j'allie ma composante politique et ma transformation personnelle, un bon pied dans les explorations alternatives. C'est une alliance qui, à mon avis, réduit le risque d'une forme d'extrémisme qui s'observe parfois dans le choix exclusif. En effet, au delà de la personnalité de chacun, ce qui est exclusif en nous n'est pas soumis à l'existence d'autres centres d'intérêt, à leur effet diversion et pondérateur.

     

     

    Puis, un élargissement du champ de notre réflexion et de nos actions favorise notre propre inclusion à une population plus large. Son influence peut alors davantage réduire le risque de sectarisme, de jusqu'au-boutisme que celle d'une fréquentation plus étroite.

     

    Cette aspiration et cet intérêt pour toutes les dimensions d'une transformation paraissent étranges dans une situation générale où l'on est ici ou là, mais pas dans (le) tout par-tout. Où l'on est fort peu dans ce désir d'union en soi et de ré-union avec les autres.

     

     

    Etre dans le personnel-spirituel et dans le collectif-politique, dans le souhait et la recherche patiente d'un équilibre et d'un épanouissement non réduits à soi. C'est à la fois la quête humble d'une certaine complétude et une posture assez réaliste en terme d'efficacité.

     

    Dit plus simplement, c'est la recherche d'une bonne vie avec les autres. Pas seulement, avec ceux qui sont proches. Pas dans une conscience personnelle séparée de la vie concrète des autres, plutôt dans la large conscience que leur bien-être fait partie du mien. Elle est une conscience libre, radicale ou racinaire, que le développement ne peut pas être que personnel, que le bonheur est solidaire.

     

    Une amie dit volontiers : "Comment pourrais-je être pleinement épanouie dans le monde tel qu'il est ?". Quels petits monstres le sont en effet ? Qui passent devant les miséreux sur le chemin de l'ashram, du temple ou sur nos trottoirs. Qui suivent ainsi servilement l'exemple des grands monstres qui partout s'enrichissent au détriment de l'appauvrissement scandaleux de très nombreux autres.

     

    Les choses sont ainsi dans un monde non (et même anti) communautaire, où le bonheur des uns crée aussi le malheur des autres. Dans un monde d'humains en situation "libérale" de vases communicants, il n'est peut-être pas étonnant que les vampires soient à la mode dans les films et les séries télé 32.

     

    Nous serons, je le souhaite vraiment, de plus en plus nombreux à déranger par nos réflexions, les conforts de l'entre-soi. A bousculer le conformisme (qui la plupart du temps s'ignore) aux diverses pratiques de l'individualisme étriqué de la division et du mal-vivre social.

     

    C. me dit parfois : "vous êtes sans doute un peu en avance sur votre temps". Mais non, nous sommes, comme chacun sans exception, sur la même ligne historique. Dans ce moment présent où les enjeux sont majeurs, nous sommes tous devant ce choix à faire : soit nous abandonner à l'ordre présent et à la direction actuelle, consentir et faire l'autruche, soit définir et bâtir ensemble une autre situation, grâce à une démocratie de responsabilisation et de décisions partagées.

     

    Seule petite différence peut-être, nous ne sommes encore qu'un petit nombre à penser que l'abandon au choix des puissants, bien qu'encore confortable pour beaucoup, ne peut être que tragique à terme.

     

     

    Le développement du féminin.



    Les "petits mondes dans le grand monde" font à mes yeux des choix trop exclusifs qui séparent et isolent. Au nom de leur liberté individuelle. Au nom de "l'heureuse" diversité des sensibilités liées à l'histoire de chacun.

     

     

    Là aussi le recours à la métaphore naturaliste - celle de l'arc-en-ciel, de sa beauté et de l'émotion qu'elle nous communique - justifie le choix exclusif. La juxtaposition harmonieuse et mêlée des couleurs, c'est toujours magnifique et émouvant, mais ce n'est pas ainsi que fonctionne la société humaine.

     

    Par exemple, les femmes longtemps exclues de la citoyenneté, ne ressentent guère la nécessité du politique. Elles ignorent souvent leur "âme politique", cette partie intégrante et centrale de l'espèce humaine que soulignait déjà Aristote avant de nombreux autres penseurs. "L'Homme est un animal politique". Les femmes ont ainsi "librement" tendance à épanouir une sensibilité et un cheminement hors de l'implication politique dont l'histoire les a privées.

     

     

    Elles explorent souvent exclusivement le terrain du mieux-être personnel, des soins naturels, des ressources de la Terre(Mère), les savoirs vernaculaires, les grandes traditions sprituelles et leur réinterprétation aujourd'hui. C'est un champ d'exploration qui est tout à fait nécessaire au grand changement et qui pourrait bénéficier à tous, si le mieux-être de la Cité était aussi visé et pensé. Il n'en est pas ainsi.

     

    Le dépassement de l'orientation politique forcée et dangereuse (sans aucun doute encore très masculine) de notre société aurait tellement besoin de la participation plus nombreuse des femmes. Est-ce aussi là chez les femmes, une forme d'adhésion à la culture individualiste de la séparation ? Un abandon bien d'époque du champ des choix collectifs, entièrement occupé par un monde de pouvoir, sa pensée unique et son occupation largement masculine ? Est-ce un prolongement de leur domination sur le mode de la spécialisation attribuée à chaque sexe ? La révolution féministe serait-elle comme toutes les grandes contestations, entamée puis arrêtée et peu à peu digérée par l'ordre en place ? Questions complexes auxquelles une réponse univoque, un « oui » ou un « non », serait le signe d'une grande paresse intellectuelle.

     

     

    "Je commence par m'occuper de moi, après on verra".



    Il est aujourd'hui assez général d'entendre ceci : "je commence par m'occuper de moi, puis un jour, plus tard, je m'intéresserai aux questions relevant des choix collectifs et donc politiques". Ce n'est pas un propos uniquement féminin.

     

     

    Là aussi, pourquoi m'isoler articiellement de la collectivité ? Pourquoi me prendre comme Être sécable et comme individu non dépendant ?

     

    Pourquoi ne pas considérer qu'il y a en même temps mes choix et ceux de ma Cité ? Mes choix mêlés à ceux de ma Cité ? Les choix de ma Cité pour conforter les miens ? Au nom de quel esprit de division et de quel artifice, séparer ce qui est inséparable en réalité ? Et puis attendre combien de temps pour "s'engager", pour exprimer ses préférences concrètes pour notre société ?

     

    Notre chemin de transformation et de construction prend toute notre vie. Cet après évoqué dans les propos ci-dessus, renvoie à un temps indéterminé qui relève plus des Calendes grecques et d'un "après-moi le déluge" inconscient.

     

     

    Certains échanges, plutôt qu'une bénéfique osmose.



    Ainsi, il y a des mondes d'individus qui résistent à se rencontrer, parce que chacun pense être sur le bon chemin : le sien. Le petit monde de la transformation personnelle et des relations inter personnelles modifiées, qui prétend diffuser et être la voie unique - le petit monde des militants et citoyens engagés qui luttent et s'épuisent en petits groupes - le petit monde des alternatifs et des tribus "quand même" assez satisfaits de leur entre-soi en transition énergétique.

     

    Bien sûr, il y a un petit peu de fréquentation et d'échanges entre ces petits mondes. Mais bien trop peu. Parce que la culture de l'individualisme étroit et de la domination nous divise. Par réflexe conditionné, nous jouons facilement ce mauvais jeu qui est loin d'être pleinement le nôtre. Parce que nous n'avons pas le désir de changer cela jusqu'à la racine. Et se demander, quel est mon-notre vrai je(u) ?

     

    Cette faible motivation est un mauvais aspect du confort et de la sécurité que nous aimons tous. Elle est une autre cause de la mise en sommeil de notre "imaginaire radical" et de notre "imaginaire social instituant". Une cause de la mise en rade du navire commun. Il n'y a pas que « les gens » qui sont concernés par l'endormissement, tandis que moi et mes potes, on serait consternés par eux.

     

     

    Tocqueville imaginait en son temps - la première moitié du 19ème siècle - l'avenir de la démocratie représentative et du capitalisme industriel naissants (« curieusement » en même temps). Une masse d'Hommes "...qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs... Chacun d'eux, retiré à l'écart, vit comme étranger à la destinée de tous les autres..." hormis celle de sa famille et de son clan, ajoutait-t-il.

     

    Cette attitude se réalise au moins en partie. Elle accompagne la dégradation et le mal-être. Mais elle n'est pas inéluctable. Nous n'avons pas un destin tracé par des forces qui nous échappent. Cette vision-là d'ordre idéologique, prône que nous nous abandonnions, à la fois personnellement et collectivement, à un projet politique en échec plus qu'annoncé.

     

     

    Radicalité et extrémisme.



    La culture dominante diffusée d'abord par les grands médias et le monde du pouvoir politique, a remplacé le terme "extrémiste" par le mot "radical". En particulier, pour que notre attention et notre réflexion sur l'extrémisme bien réel de notre système soient détournées. Et pour que la radicalité "naturelle" de notre imaginaire humain en quête de simplicité et de ce qui est juste, soit disqualifiée.

     

     

    Le mot "radical" est étymologiquement apparenté à : racine, radicelle. L'esprit radical, est donc celui qui, légitimement, s'attache à comprendre la racine des choses et à s'en nourrir. Concernant notre société humaine, c'est par exemple voir la nature qui nous porte et nous fait vivre, comme base et nourriture premières (ou primaires) de nos vies. Et c'est aussi s'interroger sur l'humanité profonde de l'Homme, sur ce que sont nos vrais désirs.

     

    Cette quête radicale est bien davantage motivée par une recherche de modération et d'équilibre devant les excès et les errances en cours. Dans l'état de crise profonde de nos sociétés et du monde, face aux dangers encourus, n'y a-t-il pas nécessité d'interroger ensemble notre radicalité ?

     

    Et dire par exemple que l'Homme est un être social dépendant des autres et désirant au fond vivre une bonne vie commune. Qu'il serait donc à dominante plutôt pacifique. Mais bien sûr, il n'est pas que cela. Dans nos sociétés, il est même essentiellent autre. Dans un tout autre contexte économique social et politique, de coopération et de responsabilisation déployée, ses désirs égoïstes et sa composante agressive n'auraient plus le terreau sociétal qui favorisent leur primauté.

     

    Une condition est alors nécessaire pour que notre radicalité s'exprime par dessus tout : que cette « commune-ôtée » d'aujourd'hui devienne réellement une communauté, basée sur l'horizontalité, la complémentarité, la coopération, le compagnonnage...  Qu'elle ne soit pas une société "libérale" de la domination qui instaure l'individualisme égoïste, la hiérarchie sociale et politique, la concurrence et la division. Tout ce qui génère les fortes inégalités et le conflit et qui amène la nécessité d'un "haut" qui doit réprimer  un "bas" éclaté pour ne pas dire explosif.

     

    C'est un réflexe fort répandu (en particulier dans mes propres relations) et bien peu libre de figer l'humain tel qu'il est dans la situation historique présente. De le définir uniquement par ce qu'il est dans des rapports de domination, dans une société de la séparation, de la division et de la non responsabilité. Dans une logique de compétition et de disharmonie individualiste. Dans un matérialisme et un consumérisme extrêmes érigés en cœur de la vie de chacun et de tous. Si on se contente de cette projection, on ne risque pas de voir dans la totalité de l'Homme, autre chose qu'un ensemble partiel, fait de traits relatifs à ce contexte.

     

    Or, l'histoire humaine n'est pas finie et elle ne se réduit jamais à ce qu'elle est pendant un temps. Fut-il long au regard de la durée de notre existence ou de quelques générations.  "Ça a toujours été comme ça, alors...". Cette déclaration assez fréquente est révélatrice d'une absence de radicalité, d'une paresse qui empêche de chercher la source... qui peut-être désaltère vraiment. Au prétexte courant par exemple, que l'on n'a pas le temps ou qu'il faut agir et arrêter de cogiter.

     

    Cette absence et cette paresse enferment la liberté de l'esprit et rendent celui-ci, parfois à son insu, obéissant et conforme. Par ailleurs, des recherches ethnologiques indiquent que l'idée rebattue "ça a toujours été comme ça", est historiquement fausse.

     

     

    "Chacun est libre, chacun peut construire sa résilience".



    On entend aussi cette autre affirmation issue d'un certain courant de la psychologie actuelle. Elle est un des aliments de la spiritualité conforme, individualiste, hors critique sociale et engagement.

     

    Si on ne soumet pas à la juste critique ce qui se présente comme une pleine affirmation, si on ne la confronte pas au réel social, c'est que l'on n'est bien peu exigeant. C'est que l'on sait éventuellement se contenter de théories à la mode qui justifient souvent un conservatisme plus ou moins dissimulé 33. Ce postulat suggère que notre société permet la même et meilleure liberté pour tous. "...Chacun peut construire sa résilience", c'est théoriquement vrai et concrètement faux dans la vie réelle pour une infinité d'individus.

     

    Par cette affirmation péremptoire, on dit entre les mots que notre société est libre et presque parfaite. Que nous sommes dans un système plutôt bien fait qu'il faut conserver et qui n'a pas à être produit autrement et transformé.

     

    On entend parfois : « Bien sûr il y a des pauvres, une minorité qui n'est pas très heureuse, voire pas du tout, mais c'est une minorité ». De la même manière, le système a aussi des conséquences nocives sur la planète. Mais c'est peu puisque mes (je souligne) yeux voient que globalement la nature reste belle. Là encore, à l'esprit des conservateurs, c'est sans doute une minorité encore négligeable de dégâts qui resteront à l'état de minorité quoi qu'il arrive. Et sans doute que dans cette perspective, comme nous tous et même mieux que nous, la nature sait se réparer, construire sa résilience. Voilà un concept « positif » et une trouvaille théorique miracle, ceux qu'aime mettre en avant le royaume du business et sa cour de créatifs culturels et spirituels.

     

    Selon ses adeptes, la résilience permet à tout un chacun de corriger ou de dépasser ce qui est ou fut traumatique, tort et souffrance. Au total, tout serait en place et tout serait en chacun. L'évolution résiliente permettrait le « mieux » présent et le meilleur avenir pour tous.

     

     

    Lorsque je suis infiniment plus motivé par la-ma situation individuelle...



    ...peu importe la situation sociale. Et plus précisément, celle d'une foule de petits et de grands perdants à laquelle je n'appartiens pas franchement.

     

    Négliger la question sociale et politique, mettre à un plan subalterne la globalité de la dégradation écologique, cela s'explique au fond par un choix motivé par soi, par le puissant filtre de sa situation personnelle. Et plus concrètement peut-être, ces "négligences" signifient que l'on adhère à la culture de l'intérêt égoïste qui a besoin de nier ou de négliger des pans de la réalité. Parce que ces aspects-là sont incompatibles avec "mon" développement personnel, avec « ma » situation confortable. Avec un petit bonheur que je veux hédoniste ou lumineux, non dérangé par les nombreuses ombres 34.

     

    C'est un nombre massif d'individus qui négligent ainsi pour l'heure leurs (nos) racines, leur (notre) communauté. Paradoxalement, certains d'entre eux évoquent plus que d'autres, la fameuse "empathie". Peut-être est-elle un de nos éléments racinaires, mais là quelque peu malmené. D'autres se réclamant des idéaux de gauche, parlent de fraternité et d'égalité, comme on parle ou comme on débat d'autres choses, d'art, de peinture abstraite ou de musique sacrée.

     

    Certains s'enrichiraient financièrement tandis que d'autres s'enrichiraient spirituellement. D'autres encore gagneraient sur les deux tableaux dans le presque meilleur des mondes. Le meilleur, au moins pour eux. Tandis qu'à l'autre bout de la chaîne de la variété, d'autres seraient très différents, très pauvres, laissés pour compte, sans logement fixe, sans revenu digne, avec une espérance de vie à 50 ans... Des femmes seules avec enfants y sont assez récemment apparues. Leur nombre augmente.

     

    Cela ferait au fond un monde varié d'individus construisant différemment leur vie. Avec leur liberté et leur karma. La résilience aidant, cela ferait une bio diversité humaine déjà riche et un jour prochain à son sommet.

     

     

    Le Karma. "Ce qui nous arrive doit nous arriver et la souffrance nous apprend".



    Retomber sur ses pattes en disant que ceux qui ne parviennent pas à leur résilience et qui peut-être souffrent, vont de toutes façons tirer du bien de leurs épreuves. Et qu'ainsi est leur Karma. Dire cela sans discernement de manière non circonstanciée et parfaitement dogmatique, c'est bien exclure de son esprit la réalité sociale et donc la conscience concrète de « l'Autre » qui, au sens pluriel et sans exclure une (bonne) partie de l'humanité, participe à nous faire humain. Il y a quelque chose d'assez monstrueux dans ces paroles. Mais le choix exclusif d'un domaine d'évolution et l'inculture du reste, sont propices à la monstruosité et à un extrémisme qui font écho à ceux d'une logique économique totalitaire.

     

    Ils signent une pensée infirme, une spiritualité hors sol, très loin de l'empathie qui pousse à chercher un autre sol plus favorable à tous.

     

    La juste reconnaissance de sa propre dimension sociale est nécessaire au développement personnel juste, celui d'une conscience qui évite de dire... souvent non consciemment des bêtises.

     

    La conscience collective nourrit une légitime préoccupation humaine multi séculaire. Elle n'est pas étrangère à la consubstantielle aspiration spirituelle des humains. Elle est une aspiration qui inclut celle d'un mieux-être social et de la meilleure organisation politique la permettant. De toute évidence, la quête d'une utopie sociale a à voir avec la quête spirituelle dans sa pleine dimension, lorsque cette dernière ne s'enferme pas dans l'individualisme auto centré promu par un système sans doute (on le souhaite) en déclin. C'est une quête qui ne s'abandonne pas à la logique extrémiste et anti fraternelle qui a besoin de réduire l'humanité de l'Homme.

     

    Non bornée, notre quête fondamentale inclut une réflexion sur un cadre politique permettant une plus grande égalité, une liberté non déliée de la solidarité, une "résilience" bien plus réellement accessible. Tout ce qui peut constituer les bases de la fraternité, de la paix et d'une société écologique.

     

     

    La quête de sens et l'errance orientale.



    Notre conscience (d'appartenance) collective et la réflexion politique qui en découle, peuvent relever d'une spiritualité des plus élevée.

     

    Elle puise alors dans notre histoire et dans notre culture, dans leurs ruptures et leurs continuités, en France, en Europe... Mais notre propre quête de sens n'est bien sûr pas étrangère à celle des autres peuples, ailleurs. Elle a à s'en inspirer aussi pour s'enrichir, se corriger. C'est une spiritualité qui devrait unir ce qu'il y a de meilleur chez nous et là-bas. Et il ne peut s'agir d'une spiritualité importée telle quelle d'Orient ou de l'on ne sait où.

     

    On voit apparaître et se développer l'importation pure et dure de chemins spirituels orientaux. Cette importation fait l'objet d'adaptations variables. Mais, la faiblesse de la conscience critique et l'absence de discernement sont largement communes à ces diverses attitudes d'importation.

     

    La déification de l'indienne Amma, l'importation fidèle de traditions ou leurs réinterprétations sommaires en sont des exemples parlants. Les pratiquants du yoga traditionnel comme ceux de yogas nés récemment en Occident ou pour l'Occident, y renforcent souvent le même individualisme auto centré. Ils peuvent rechercher la même « sagesse indienne » et partager la même absence de recherche d'une "sagesse sociale".

     

    Le monde du business a déjà commencé à « investir » dans le yoga et la méditation pour ses cadres stressés. Quant à l'évocation des liens de Amma, de son ashram et de son organisation internationale avec la logique financière capitaliste et les pratiques correspondantes, de toute évidence, elle relève un peu plus que des rumeurs et du complotisme.

     

    Parmi "les trois petits mondes", le monde de la transformation personnelle et de la spiritualité est celui qui remet le moins en question l'origine, la place et la fonction de l'argent, celles du pouvoir, de l'atomisation sociale et des inégalités. 

     

    Si état de conscience il y a, on doit constater que les chemins spirituels en Orient s'accompagnent assez souvent de situations sociales plutôt bloquées dans un lointain passé. Cela donne des sociétés objectivement très inégalitaires et des situations parfois ségrégationnistes. On peut là encore évoquer l'Inde et son système de castes pour lequel l'appui religieux et plus largement spirituel fut et demeure indéniable.

     

     

    "India, the land of spirituality".



    Les notions spirituelles de pureté et d'Êtres éveillés se marient très bien avec la distinction sociale "purs/impurs" qui demeure en Inde. La suggestion d'une hiérarchie des « niveaux de conscience » suppose des individus supérieurs aux autres sur ce plan-là. Mais ce plan étant fondamental pour ne pas dire transcendantal, il induit une ségrégation tenace subie par les "impurs" en bas de l'échelle sociale indienne. Gandhi lui-même ne remit pas en cause le système des castes, contrairement à Ambedkar, un universitaire politisé et très critique 35 que l'histoire officielle a quelque peu oublié.

     

    Ce dernier était issu de la caste de ces "intouchables". Gandhi, lui, était né dans la caste des "vayshia" (des marchands) de parents assez aisés. Ceci n'explique sans doute pas tout cela, mais il y a là une petite eau apportée au moulin de la force de la détermination sociale de chacun. Même s'il existe une possibilité de s'en émanciper, pour énormément de monde l'écart culturel et politique par rapport à son milieu d'origine reste modeste. Que l'on connaisse personnellement un autre sort ou un certain nombre d'autres cas particuliers, ne contredit pas la tendance lourde.

     

    C'est le coeur de la reproduction sociale, le fait que la structure de la société évolue au fond assez peu lorsque l'on élimine l'effet de modernisation. Celui-ci touche à peu près tout le monde et donne l'illusion que toute la population est logée à la même enseigne. Et qu'il y même rattrapage du haut par le bas, qu'il n'y a plus de distinction et de grandes catégories sociales et a fortiori de classes. La pensée dominante aime diffuser l'illusion qu'il y a une seule catégorie d'humains, une classe moyenne unique qui rassemble des individus aux caractères distincts, aux opinions libres et variées.

     

    Exit la domination. Exit la conflictualité d'une situation qui montre une concentration de la richesse, du confort, de la liberté et du pouvoir et, pour une masse d'humains, une dépossession ou un manque. Exit la permanence de cela et même son développement.

     

    Cette vision idéalisée partisane se heurte à la réalité qui veut par exemple que dans les générations qui suivent le grand-père Le Pen, les convictions d'extrême droite se perpétuent, même si elles se « modernisent ». Plus globalement, c'est une réalité qui veut que les gosses de riches soient en général des adultes riches et, comme leurs parents et peut-être grands-parents, peu enclins au partage de ce qu'ils possèdent. Comme leurs ascendants, ils sont plutôt conservateurs, souvent politiquement à droite. Mais ils se disent volontiers apolitiques et même à gauche.

     

    On voit donc qu'un haut niveau de spiritualité (celui de Gandhi) reste fort dépendant de cette détermination-là et d'un conservatisme social spirituellement injustifiable. Si la spiritualité doit inonder l'individu, comment ne s'appliquerait-elle pas à sa conscience politique ou comment ce chemin profond vers ce qui est juste ne la ferait-il pas naître ?

     

    L'idéologie nazie et fasciste de la race pure est une utilisation délirante et directement meurtrière de la distinction entre les purs et les impurs. Au delà de cette caricature monstrueuse, ces notions méritent d'être interrogées. Interroger leur pertinence et leur qualité spirituelle, relativement à la fraternité humaine. Interroger là aussi radicalement leur sens, depuis leur racine jusqu'à leurs différentes utilisations.

     

    Par exemple, dès son origine le mot Aryens ou Arya induit une distinction sociale puissante. C'est un terme qui en sanskrit signifie "noble". Le mot a été utilisé en Inde par des Indiens de la période védique comme désignation ethnique pour eux-mêmes. Ce fut le cas des lettrés qui écrivirent le Rig-Veda, le plus vieux texte en sanskrit. Le qualificatif se réfère à la classe noble ainsi qu'à la région géographique connue sous le nom d'Āryāvarta, où la culture indo-aryenne était basée.

     

    En Inde, outre la faible mobilité sociale, ce sont surtout les mouvements sociaux et politiques, par définition collectifs, qui réussissent à réduire quelque peu la discrimination extrême que contient le système des castes. Cette discrimination pourtant formellement interdite dès 1950, continue à s'exercer de manière violente à l'encontre des castes d' "impurs".

     

    Avec le développement des luttes, les "impurs"  se nomment de plus en plus : les Dalits (les Opprimés, en sanskrit). Cette appellation choisie, digne et spirituellement élevée, mérite bien la majuscule parce qu'elle signifie une conscience de soi et de sa communauté, bien plus que la conscience hors sol social prônée par la tradition.

     

    L'Inde est évidemment un cas emblématique. Mais fondamentalement, il apparaît qu'une relation plus ou moins étroite peut être faite entre la sur-spiritualisation individuelle et le sous-progrès social. Ces voies spirituelles et/ou religieuses (dominantes voire exclusives - excessives ?) accompagnent des sociétés dans lesquelles domine un fatalisme devant l'in-juste.

     

    C'est un fatalisme contre lequel nos propres ancêtres – d'abord les masses des plus pauvres - se sont heureusement dressés. Un grand pas fut fait au fil de notre histoire collective dans le sens d'un monde socialement et spirituellement plus juste. Même si on en est très loin et si on s'en éloigne, on peut parler à ce sujet de bonne direction, de bonne utopie. Même si des forces et des individus s'y opposent, par intérêt personnel, par idéologie, par peur.

     

    L'histoire montre, observait un vieil historien à l'aube de sa vie de recherche il y a peu d'années, que la quête de la Vérité est la grande aventure de l'espèce humaine. Aristote en faisait le coeur de la réalisation du bonheur, irrigué par la contemplation de la beauté et la culture des relations humaines.

     

    Cette quête s'interrompt provisoirement, ajoutait l'historien, du fait de dogmes qui s'imposent à certaines époques. Elle est ainsi menacée aujourd'hui par le dogme productiviste et l'idéologie néo libérale de l'oligarchie. Par la régression des luttes sociales contre la domination des catégories ou classes ou castes supérieures. Contre les excès, les injustices et les nombreuses dégradations que la domination et le fatalisme génèrent. Par l'absence de grandes idées ou d'une grande idée collective, même floue, même abstraite, dont les peuples ont besoin pour s'opposer aux dogmes et tracer ensemble leur chemin 36.

     

     

    "Entrez dans le monde de la sérénité".



    Aujourd'hui le fatalisme renaît, globalement sous deux formes : l'une profane plutôt triste voire désespérée et l'autre explicitement spiritualisée et « heureuse ». Le tout sur fond de division et de dégradation sociale.

     

    Il est nécessaire de regarder cet aspect important de la réalité de notre Cité commune. Le constater et le penser pour dépasser une situation qui, si elle durait trop longtemps encore, risquerait d'être dangereuse pour tous. Division, fatalisme, domination et logique sans réelle opposition collective, dégradation sociale et écologique, tout cela ne peut pas être fui, là encore au prétexte que ce serait s'abandonner au pessimisme. Au prétexte que la voie de la transformation ne passerait que par un optimisme quelque peu forcené. Ou encore au prétexte que le monde du pouvoir fait tout ce qu'il peut et qu'il n'est pas responsable de la dégradation, pas plus que nous.

     

     

    Un nouvel égocentrisme spiritualisé prône une joie sereine en soi... au prix d'un regard filtrant pour ne pas dire borgne sur notre société. Il ne peut que produire un optimisme (de) béat, quand il n'est pas purement et simplement celui qui caractérise les conservateurs-adorateurs du système présent. Ils aiment taxer de pessimistes celles et ceux qui critiquent ce système, qui en dénoncent les méfaits objectifs et les dangers majeurs. Ceux et celles qui consacrent du temps de réflexion et d'action au dépassement d'une logique lentement destructrice.

     

    Sourire, sourire... et ne plus lutter. « Dire oui à ce qui est », entend-on dans des documentaires vidéos ou lit-on au fil des numéros dans des revues de yoga 37, sans qu'un tel propos y trouve la moindre nuance et encore moins une bribe de contradiction,

    N'avoir plus d'esprit collectif et de regard critique sur nos sociétés au nom de la fraternité et de l'esprit, extraire de soi toute indignation et toute colère. Ramener celles-ci au statut d'impure négativité.

     

    Encore "le pur et l'impur". Et le symptôme d'une conscience mutilée par le retour d'un manichéisme simpliste, ennemi d'un quelconque progrès partagé 38.

     

    Prendre notre vessie spirituelle ou alternative pour une lanterne du monde, comme telle Européenne, adepte du bouddhisme tibétain qui fait appel au financement participatif de sa retraite monacale de 3 ans et 3 mois. Avec l'argument en tête du « tract » écrit par un méditant assez connu qui la soutient : elle participe à « éclairer l'avenir de l'humanité ». 

     

    Est-ce là la voie du mieux-être de notre société et le chemin de complétude d'une réalisation spirituelle personnelle ?

     



    En tous cas, le discours dominant (issu des catégories dominantes) qui sait faire semblant de presque tout prendre en compte et de s'adapter, nous invite tous les jours à faire ce choix-là, sur-centré sur soi et décomplexé. Complètement personnel, alors qu'il prétend être relié à l'intérêt de tous et veut même être son parfait synonyme.

     

    Ce choix et cette voie ne sont pas les nôtres. Ils ne sont pas ceux du partage d'un bien-être collectif qui n'existe pas sans une bonne situation pour chacun 39. Ils sont ceux du petit monde des élites et de leur projet "en marche" continue, pour que rien ne change vraiment. C'est une marche vers tous les dangers que très nombreux, nous percevons désormais. Nous les percevons car pour la grande majorité à laquelle nous appartenons, la vie concrète est bien moins étrangère à ces dangers que celle d'une minorité obnubilée par ses privilèges.

     

     

    A l'opposé de cette minorité, nos propres privilèges et les troubles 40 que ces privilèges nous occasionnent, sont d'un niveau ordinaire. Aussi sont-ils de moindre conséquence sur les humains ordinaires que nous sommes, sur nos perceptions et nos consciences. Le changement vers un meilleur pour tous n'est pas la préoccupation des grands privilégiés. Il incombe à tous ces autres que nous sommes.

     

     

    Il incombe à chacun uni au monde. Il dépend de notre réunion dans la construction et l'apprentissage d'une société essentiellement relocalisée - agriculture - économie - énergie.. Tout ce que portera vraiment une démocratie directe, elle-même d'abord communale et territoriale.  C'est pourquoi la construction de cette vraie démocratie horizontale, populaire, est fondamentale.

     

    Elle n'est pas un combat et une utopie comme les autres, au même niveau que d'autres. Elle est une condition sine qua non de l'élimination d'un dogme et d'une logique extrémiste fondamentalement entretenus par le régime (non) représentatif.

     

     

    Cette co-construction d'une vraie démocratie est l'élément de tête de la reprise de la quête spirituelle et concrète de l'humanité, hors de ce vieux dogme dégénérescent. Renouvelé dans sa forme actuelle il y a moins de deux siècles, ce dernier déploie son totalitarisme particulier et son désordre. Les stigmates que nous portons sont nombreux : croyances inculquées, conflits idéologiques inutiles, querelles manichéennes d'impuissance, gentillesse naïve et innocence dépolitisée, égocentrisme éventuellement spiritualisé... En état perpétuel et crescendo de crise, ce système inflige des dégâts croissants à juste titre inquiétants.

     

      

     

     

     

    Bref épilogue.

     

     

     

    Ce regard qui est le mien, patient et passionné, aimerait modestement participer à la levée de ces entraves, à la réduction de ces fractures et de ces blessures infligées à notre humanité. Ensemble œuvrer à ce que nous ne soyons plus les humains éclopés d'une histoire prise au piège de la division et de la perpétuation du règne d'une élite soucieuse d'elle-même et de sa domination totale. N'être plus ces éclopés et ces indignés dispersés, pris au piège d'une histoire qui bégaie la primauté de l'intérêt égoïste (de « l'idiot.e »41) et l'omnipotence d'une logique économico-politique « lentement » destructrice.

     

     

    L'individu autonome reste à concilier avec l'être collectif qui sommeille en nous aujourd'hui plus que jamais. L'indiscutable attention à soi est à réconcilier avec la grande attention à la communauté humaine. Cela signifie que le respect de tous et la dignité de chacun ne peuvent exister sans réelle égalité et sans une forte solidarité. Cela ne se fera pas dans « l'idiotie » du désintérêt pour les grands choix collectifs, en un mot, pour le politique. Celui-ci est à débarasser de la politique de fin d'un système qui à juste titre dégoûte.

     

    Notre pleine humanité reste à bâtir dans notre conscience et dans le dépassement d'une logique qui nous fait éclopés, incomplets, malvoyants et trop souvent malveillants.

     

     

     

    Le sens et l'utopie, c'est notre communauté humaine largement autogérée et auto-gouvernée – forcément localement d'abord - et réconciliée avec elle-même. C'est l'apprentissage  commun de la juste liberté dans l'attention à l'autre et à la nature.

    Le cheminement se déroulant sur un temps inconnu, sera certainement long. Mais peu importe, le début n'est pas le moins passionnant.

     

     

    Nous pouvons commencer à créer le mouvement avec visibilité et bonheur, si les « petits mondes » s'unissent, si nous sommes bien plus à nous occuper de nos affaires collectives, de ce qui nous regarde.

     

     

     

    Le chemin s'élargira et s'éclaircira vraiment lorsque, libérant imaginaire, énergie et temps, nous romprons, alors plus nombreux, avec le confort et la liberté du « poulailler libre ». Avec la course individualiste à l'argent et aux nécessités vitales, avec une concurrence absurde induite par le non sens de la rareté dans l'économie de la surabondance. Rompre plus nombreux avec le mythe d'un bien-être personnel possible hors sol social, hors l'éthique du partage que permet le réveil du commun qui sommeille en nous.

     

     

    MV – 2018 http://novote-notears.eklablog.com/ 

     

     

    1. Désir d'organisation et non désir d'appartenance aux organisations politiques et syndicales d'aujourd'hui qui, nées aux 19ème et 20ème siècles, ont canalisé les révoltes et les débuts d'insurrections révolutionnaires, puis ont réduit l'esprit de subversion et de rupture.

    2. Ce renforcement est nécessaire au pouvoir et vise deux objectifs liés : légitimer la nécessité de l'Etat dans son rôle de pouvoir « extérieur », de gendarme et éviter que dans un contexte de dégradation croissante, les idées émancipatrices libertaires soient entendues par des « cerveaux disponibles ».

       

       

    3. C'est la domination politique, économique et sociale, faite par un groupe plus ou moins réduit sur la majorité de la population. Voir à ce sujet les nombreux travaux d'ethnologues, d'anthropologues, de sociologues, de philosophes... qui montrent que la domination dans la société humaine n'a rien de naturel. Hormis le regroupement des humains qui est considéré comme naturel, son organisation et l'évolution de celle-ci sont des construits socio-historiques. On assimile souvent longueur historique et naturel, jusqu'au fameux : « ça a toujours été comme ça, alors.... ». Or, rien ou presque rien de ce qui nous parait naturel, ne l'est réellement dans le monde des humains, dit en substance l'anthropologue Françoise Héritier.

    4.  « Amnesty International dénonce depuis de nombreuses années des violations des droits humains commises par des responsables de l’application des lois en France, notamment des homicides illégaux, des cas de torture et d'autres traitements cruels, inhumains et dégradants (mauvais traitements). En 2005, l’organisation a publié le rapport France. Pour une véritable justice (index AI : EUR 21/001/2005), qui constatait l’existence d’un phénomène d’impunité de fait pour les responsables de l’application des lois qui commettent de telles violations, dans un contexte où la police, le ministère public et les juges se montrent peu enclins à enquêter de manière approfondie sur ces atteintes et à en poursuivre les auteurs présumés. » Extrait d'une lettre ouverte de Jordi Crau, parue sur le site de Médiapart le 12 mai 2018.

       

       

    5. « Ils nous prennent la richesse de notre travail et nous font payer leur dette » dit un Irlandais engagé dans la lutte visiblement populaire qui dans son pays vise à préserver leur système original et apprécié de gestion de l'eau publique et de l'assainissement. Ceci contre l'Etat irlandais, les partis politiques et la pression de l'UE que l'on peut qualifier de violente. Documentaire ARTE – décembre 2017 - «La guerre secrète de l'eau en Europe».

    6.  Voir en particulier les découvertes récentes des neuro-sciences. Le premier volet documentaire de Michel Meignant et Màrio Viana - Odyssée de l'empathie – 2015 en révèle des aspects qui invalident totalement une perception dominante de la nature humaine. Selon cette perception dominante qui prétend dire la vérité, l'humain serait un animal comme les autres animaux vivant en groupe hiérarchisé et dominé. Consommateur insatiable et foncièrement égocentrique, sans autre conscience que de lui-même, il serait par ailleurs pour certains le mauvais sujet, voire la catastrophe du règne animal.

    7.  Se développe aujourd'hui un discours contraire, prétendument de transformation, qui tend à dire : « Nous sommes tous également responsables. Nous n'avons pas d'adversaire, hormis celui qui est en chacun de nous » .. « Change-toi et tu changeras le monde ». Le parallélisme avec différentes formulations du postulat-maître du libéralisme économique et de son individualisme (« du renard libre dans le poulailler libre » écrivait Karl Marx) est saisissant : « Enrichis-toi et tu enrichiras le monde »...  « la poursuite par chacun de son intérêt égoïste réalise l'intérêt général ». La large imposture et la nature idéologique partisane de telles assertions sont à nouveau clairement révélées à notre époque avec la concentration de la richesse économique en haut de la société, l'appauvrissement d'une masse croissante d'individus et la forte augmentation des inégalités. Une concentration vers le haut qui concerne aussi le pouvoir politique, avec une fabrique du consentement qui connaît cependant divers accrocs (toujours relativement) intéressants. En vrac : le résultat en France du référendum sur le traité de constitution européenne, la montée continue de la désertion électorale, le Brexit, l'évolution politique en Catalogne, en Corse, les ZAD, etc.

       

       

    8. A propos d'un aveu fait il y a quelques années avec un franc cynisme par Patrick Le Lay, un ex pdg du groupe TF1, pour qui  TF1 vend aux annonceurs (les grandes entreprises qui financent la chaîne par la pub) du « temps de cerveau humain disponible ».

       

       

    9. On lit et entend aussi à leur sujet  : la gauche du capital et la droite du capital.

    10. Dans la situation historique que nous vivons, en particulier celle de la chute de la grande idéologie « alternative » au capitalisme (le socialisme-communisme d'Etat), la profusion de courants d'idées plus ou moins adversaires ou affiliés, montre une décomposition et une recompositon, dans une confusion étonnante. Internet en est le grand vivier. Les extrêmes droites qui ont cessé de se nommer ainsi, en tirent profit, bien plus que les gauches. Les gauches, les extrêmes et la « radicale » des Insoumis, continuant, elles, à se renvendiquer ainsi, tandis que leur ancrage sociologique se situe désormais davantage dans les milieux moyens-diplômés-confortables que dans les milieux plus  « populaires ». Même difficiles à définir, la réalité c'est que ces catégories ou classes populaires représentent globalement de 50 à 60 % de la population totale.

      On peut s'inquiéter de la confusion des idées dès lors qu'on la relie à une certaine naïveté et au désarroi d'individus devenus largement seuls. Le développement de la confusion s'alimente à une inculture théorique, historique et politique, à la tentation de faire table rase du passé. Les jeunes générations pouvant être davantage concernées par cela. Beaucoup de femmes aussi, qui ont été depuis toujours reléguées hors du champ du pouvoir et de ses contestations, et d'une certaine manière, hors d'une partie de l'histoire.

      Ainsi, le communisme, Marx, le souffle situationniste, la révolution émancipatrice de l'Etre, sa radicalité contre l'avoir et contre l'Etat... sont revendiqués par un faisceau d'habiles parleurs proches de l'extrême droite. Tous ne visent pas le pouvoir. Certains évoquent sa destruction et son dépassement libertaire. Il n'est pas rare de lire ceci dans la biographie de ces individus : maoïste ou troskyste dans sa jeunesse, puis membre d'un groupe anarchiste, il a rejoint (ou fondé ou s'est rapproché d') une organisation d'extrême droite patriotique, il y a quelques années. Sont cités alors quelques figures plus ou moins connues, des « camarades » de combat appartenant à des groupes identitaires plus ou moins haineux d'une ou de plusieurs catégories telles que les Juifs, les immigrés, les homosexuels, les francs-maçons, les gauchistes, les anarchistes, les féministes, les partisans de l'ouverture entre les peuples, du « cosmopolitisme » etc.

      « Nous vivons une époque épique mais nous n'avons plus rien d'épique » disait Léo Ferré. Pas sûr en ce qui nous concerne, au regard de toutes les significations de « épique ». L'épopée de l'humanité, le devenir humain, se tracent réellement aujourd'hui de manière aventurière, incertaine, inimaginable. C'est un constat objectif, en deçà du sentiment personnel, subjectif qu'il suscite en nous. Très souvent : crainte et pessimisme.

    11. Expression tirée d'un livre de Eric Hazan et de Kamo : Premières mesures révolutionnaires. Editions La fabrique 2013.

    12.  J'entendais récemment à la radio le témoignage d'une femme qui à l'issue d'un burn-out professionnel en 2005, disait ne plus s'informer avec les médias classiques (télé, radio, journal..) depuis cette époque. Elle le faisait désormais avec internet et le bouche-à-oreille. Elle confirmait ce que je pressentais au travers de mon expérience personnelle et de celles de quelques personnes rencontrées. Rompre avec l'usage des médias conventionnels, cela fait diminuer le stress, le sentiment d'insécurité et la participation au pessimisme ambiant (qui se prétend réalisme). On (ré)apprécie davantage les choses simples de notre existence, la beauté de la nature... On gagne en estime de soi, on reprend confiance en l'humain et en l'avenir. Autant d'éléments propices à l'engagement et à l'action.

    13. Certes, on trouve tout sur le net. Tout et son contraire. Que penser alors de cette liberté, plus surveillée que censurée ? Sans doute d'abord qu'elle est large. Qu'ensuite, internet n'est pas à proprement parler un média de masse, c'est-à-dire univoque et massif. Concrètement, cela veut dire que chacun choisit plus librement dans un éventail plus large de propositions. Et que des dizaines de millions d'individus ne regardent pas au même moment la même chose.
      Internet n'a donc pas besoin d'être contrôlé par les pouvoirs de la même manière que le sont les télés et les radios. Concernant celles-ci, pour les médias de l’État, c'est un contrôle par la censure, par l'auto censure et par le recrutement de ses "vedettes" maison. Pour les médias privés, c'est un contrôle plus "radical" avec leur appropriation par des grands industriels et des financiers richissimes. Ces grands noms du business économique sont d'ailleurs assez souvent proches des têtes du pouvoir politique. Ce pouvoir, « ce haut » doit l'occuper . La démocratie représentative organise cette occupation. Elle est pour les élites sociales une nécessité et un autre type de business. C'est donc à la fois une condition sine qua non de leur domination et un complément de rentabilité.

       

       

    14. « ..continuer à savoir.. » car il y a encore peu d'années, les idées critiques et l'utopie ou les utopies « de gauche » marquaient une culture populaire diffuse qui savait cela. Elle savait que le capitalisme et sa démocratie bourgeoise étaient synonymes de domination d'une classe sur l'autre. Elle savait que c'était ça qui produisait de profondes inégalités sociales et que les dominés pouvaient et devaient changer ce système par la lutte pour instaurer une société d'humains égaux et libres. Une société de coopération et de commun qui, en quelque sorte, offre réellement à chacun le cadre et les conditions du « développement personnel » qu'il souhaite.

       

       

    15. Je pense là, par exemple, au livre de Jean Ziegler - La haine de l'Occident – Albin Michel 2008.

    16. Selon le philosophe Cornelius Castoriadis, l'homme est un animal politique capable de réflexion critique... un être doté d'une "imagination radicale" (aspect individuel) et d'un "imaginaire social instituant" (aspect collectif)... un être vivant particulier capable (je souligne... parce que cela ne veut pas dire qu'il "s'en sert") d'une puissance d'imagination autonome en interaction avec une société qui est elle-même "autocréation" et de ce fait "autoaltération".

       

       

    17. L'inflation de l'usage du terme "citoyen" semble aller de pair avec sa "déflation" réelle dans la société actuelle. La domination croissante de l'économie sur nos vies quotidiennes, une direction politique unique qui nous y soumet et qui est construite quotidiennement sans nous, sont plus de nature à ramener le citoyen au rang de sujet absent. Un sujet qui se vit d'ailleurs de plus en plus ignoré et impuissant.

       

       

    18. Plus précisément, c'est dans sa logique rationnelle.

       

       

    19. Je pense en particulier à un échange entre membres d'un groupe de Sommières sur facebook. Il était question d'actes de vandalisme perpétrés à l'école primaire. Les propos sont tous uniquement tournés vers la stricte responsabilité des parents et des (probables ?) jeunes qui les ont commis. Au delà de ce petit groupe, ce réflexe d'individualisation exclusive de problèmes qui sont aussi sociaux ou sociétaux, s'est installé dans énormément de têtes. Comme si à l'ancien extrême : "c'est entièrement la faute de la société", il fallait aujourd'hui forcément opposer l'autre extrême : "la société a bon dos. Faut arrêter, chacun est totalement libre et responsable". Ce qui autorisa deux membres de ce groupe facebook à avancer sans vergogne leurs solutions uniques. Progrès de la parité, il s'agissait d'une femme et d'un homme. Pour elle : "de bons coups de pied au cul" et pour lui, nettement plus abîmé d'impuissance et de virilté violente : "crever ces sales races". Personne n'a vu les "vandales". Presque tout le monde les a imaginés jeunes. Mais lui, l'impuissant raciste, il les voit sans doute arabes ou gitans ou roms.

       

       

    20. A propos de vies privées et de dégradations, j'ai tendance à dire que nos vies simples deviennent de plus en plus compliquées.

       

       

    21. Le sentiment d'insécurité n'est pas sans lien assez direct avec ce sentiment d'incapacité. Au contraire, lorsque l'on se sent en capacité de penser et de faire, alors le sentiment d'insécurité est moins présent.

       

       

    22. Appellation du jeune mouvement politique de l'énarque Macron, issu bien sûr de la bonne bourgeoisie amiénoise. Elle joue sur la sensibilité « ni gauche, ni droite » (ou le « un peu à gauche, un peu à droite ») d'une partie sans doute croissante des électeurs. Profitant de cela, elle exprime de manière quelque peu subliminale, une volonté farouche d'avancer dans la réalisation de cette « avantageuse » utopie libérale. Dans une France relativement singulière, encore trop attachée aux valeurs égalitaires et sociales "de gauche" et à un passé révolutionnaire au goût d'inachevé pour certains, il s'agit de faire de grands pas vers l'achèvement du projet cher aux élites mondiales (et coûteux au reste des vivants). En cassant ce qui reste de résistances "à la française" dans la société. En instrumentalisant auparavant, le temps de la campagne électorale, un certain désir de renouvellement politique et de démocratie participative. Le "moral" des Français n'y trouvera bien sûr pas son compte. Pour Le Pen et les extrêmes doites en général, on verra.

       

       

    23. Ce thème très important est repris dans plusieurs paragraphes. Il est le fil d'Ariane de cette réflexion et il le mérite bien. Cette auto-dévalorisation jusqu'au mépris plus ou moins sourd pour la masse des humains, construit une culture de la non-confiance qui répond en grande partie au « mystère » de la soumission volontaire de la multitude à une caste minoritaire et à son ordre.

    24.  Gilles Deleuze : " le néofascisme qui est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d'une "paix" non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de micro-fascistes, chargés d'étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma ».

    25. Voir à ce sujet mon blog :
      http://novote-notears.eklablog.com/les-vrais-resultats-des-elections-2017-c29352048

       

       

    26. Où l'on entend souvent : « l'argent est une énergie, tout dépend comment on l'utilise ». Cette affirmation spiritualisée, exclusivement centrée sur l'individu, est bien plus une récitation qu'une réflexion. Elle fait table rase de toute la pensée critique sur le sujet, depuis Aristote jusqu'à aujoud'hui. Elle ignore les savoirs scolaires officiels qui attribuent à l'argent différentes fonctions : économique, sociale et politique. La monnaie joue un rôle central dans l'installation de tout pouvoir. Ce faisant, le propos spritualiste se marie bien au conformisme du très simpliste « chacun est libre de faire ce qu'il veut, comme il peut ». Certains ont donc cette « énergie » bancarisable en abondance, d'autres très nombreux en ont beaucoup moins et une petite masse croissante de gens n'en ont presque pas. On imagine alors qu'il soit préférable que la société soit dominée et dirigée par les premiers qui ont bien plus d'énergie (sic).

       

       

    27. « L'Horreur économique » est un livre de feu Viviane Forrester. Son titre est inspiré d'un vers de Rimbaud. Paru en 1996, les vingt années écoulées n'ont pas rendu ce livre obsolète.

       

       

    28. Une mécanique autonome, parce que le pouvoir politique séparé (l’État) a juridiquement organisé et continue bien sûr de favoriser cette autonomie et de l'imposer à la population. Dire que tous, nous choisissons ce "système", alors que nous y naissons et que nous nous y adaptons, est une bêtise spirituelle et politique à la mode.

       

       

    29. Au contraire de l'affirmation d'une adhésion et d'un choix délibéré pour ce qui est, un certain nombre de résultats de sondages le disent régulièrement : une majorité de personnes souhaite une sortie du nucléaire, une interdiction des OGM, un arrêt de l'utilisation de produits nocifs, en particulier dans nos objets de consommation, une maîtrise de l'économie, une relocalisation, des hauts revenus moins exorbitants, des inégalités limitées, des médias plus indépendants, une UE différente, etc. Et pour les élections, si on tient compte de la proportion croissante des « déserteurs » qui frise et dépasse parfois les 50%, il y a le souhait d'une autre situation politique.

    30.  « Homme » au sens générique. Erasme livre cette pensée dans son traité d’éducation « De pueris instituendis », « De l'éducation des enfants » paru en 1519 et traduit en français en 1537. Dans son livre paru en 1949 - Le deuxième sexe - Simone de Beauvoir écrira : « on ne naît pas femme, on le devient ».

       

       

    31. Certains disent : "les élections nous en libèrent". Soit. Un écrit de Thucydide, historien et penseur politique athénien d'avant JC, répond à cette paresse-là qui veut le beurre (se décharger de son pouvoir) et l'argent du beurre (la liberté) : "Se reposer, se la couler douce ou être libre, il faut choisir" - cité par Henri Guéguen dans son Appel à créer des micro-villes irrégulières.

       

       

    32. De la même manière de vases communicants, il est incroyable d'entendre des retraités percevant une retraite au delà de 2500 ou 3000 euros, déclamer avec une grande foi : je l'ai méritée ! Outre que le prêt pour le logement est souvent payé, outre que les enfants sont le plus souvent économiquement indépendants, « on » oublie que notre vieux système de retraite est basé sur la solidarité inter générationnelle. Autrement dit, les générations en âge de travailler subissent des prélèvements sociaux plus importants, alors que ia précarité de leur situation s'est développée et que l'âge de la retraite s'éloigne et fuit comme l'horizon devant les marcheurs.

    33. Il est ainsi assez courant d'entendre de tels propos, sous couvert d'apolitisme et de neutralité idéologique. D'après ceux et celles qui les reprennent à leur compte, Ils seraient en rupture avec les querelles politiques qui n'ont mené à rien (sauf au monde tel qu'il est) et qui sont à dépasser si l'on veut justement changer le monde. Exclusivement centré sur la transformation personnelle, les idées qui sont derrière ces paroles, ignorent totalement les autres déterminants de la société et donc de sa transformation - les structures (marché capitaliste, régime représentatif, État, grands médias..), les forces sociales qui défendent leurs intérêts, les conflits qu'un tel système amène. Quoi qu'en disent les personnes, ces idées qu'elles épousent, ne sont pas hors d'un conflit de valeurs et de visions du monde. Le paradigme libéral, centré depuis toujours sur l'individu égocentrique, est le promoteur et le conservateur de la logique du système et de ses structures. Archi-dominant et arrogant, depuis la chute du communisme d'État, ce néo libéralisme prétend lui-même, être un dépassement des idéologies et des conflits, une sorte de nature apolitique et donc apaisée des choses. 

       

       

    34. Au cours d'un repas, un jeune « gabatch » sommiérois, après une rupture amoureuse douloureuse, disait qu'il avait compris ceci : faire que ce qui est juste à ses yeux mais sans jamais oublier de se demander si c'est juste pour l'autre. Cet éclairage peut paraître relever du bon sens. Il dit l'évidence d'une vie sociale agréable. En réalité, il est très intéressant car il pointe notre fonctionnement narcissique réflexe qui s'écarte de cela. L'attitude d'attention à l'autre (aux autres en général) permet ainsi de changer un conditionnement culturel egocentrique, souvent perçu et valorisé comme spontané et naturel. Nous sommes conditionnés à ne faire que ce qui nous est individuellement profitable. Ou en tous cas, l'attention aux autres, la prise en compte « instinctive » de ce qui est juste pour l'autre et pour la communauté humaine dans son ensemble, sont reléguées, voire évacuées. Ainsi, peut-on s'enrichir, vivre dans le luxe au milieu de nombreux pauvres. On peut exploiter, dominer ou simplement ignorer beaucoup de personnes, polluer la planète, fabriquer toutes sortes d'armes, diffuser des perturbateurs endocriniens, breveter le vivant, hypothéquer la santé humaine, dégrader la planète et le climat, voter des lois scélérates, des règles partisanes et plus « gentiment », mettre des oeillères ou la tête dans le sable. 

       

       

    35. https://fr.wikipedia.org/wiki/Castes_en_Inde 

       

       

    36. C'est la thèse du philosophe Alain Badiou. Pour lui, ce n'est pas tant un système alternatif qui est nécessaire, c'est une grande idée, un horizon d'idéal pour ré-unir et mettre en mouvement.

       

       

    37. Entre autres dans la revue Infos Yoga. En particulier, dans le numéro 116 de mars/avril 2018 à la fin du texte de la page 3. où l'auteur définit la « bonne vie » par cette injonction. Cette agréable revue dirigée par Claude Mathieu est une des rares publications de yoga dans laquelle l'humour trouve une place revendiquée comme appartenant pleinement au yoga indien. Cest un humour d'autant plus rare et appréciable qu'il remet gentiment l'égo du yogi occidental à sa place. Il y a en effet de quoi faire. On aimerait bien que cette revue interroge aussi avec humour le yoga indien, le fatalisme social et le conservatisme soit disant apolitique qui placent le non-agir social au cœur du yoga. De quoi alors le Yoga est-il union, libération ? Là aussi, que signifie une importation sans discernement de tout et n'importe quoi, au prétexte que nous sommes entrés dans une juste quête de sens et d'harmonie ? Chercher ailleurs, sans regarder autour, la société, son présent et son histoire ?

       

       

    38. Entre autres très nombreuses manifestations  de ce manichéisme qui accompagne les régressions : le camp du bien/le camp du mal – les forces vives, ceux qui entreprennent/ ceux qui ne font rien – les optimistes/les pessimistes – moi et mon entre-soi/les cons – ceux qui réfléchissent/ceux qui consomment – les conscients/les non conscients – les pragmatiques raisonnables « sur la plaque »/les utopistes déraisonnables « à côté de la plaque »...

       

       

    39. Cela peut aussi s'apprécier au travers de l'agrégation des sentiments individuels dans une situation sociale. Par exemple, depuis le milieu des années 70, diverses études montrent que l'évolution du bien-être ressenti par la population n'est plus en corrélation avec celle du PIB. Contrairement à ce qui se passait avant, ce sentiment de bien-être décroît tandis que progresse le PIB. : http://www.mouvementpourundeveloppementhumain.fr/nos-fondements-theoriques/en-finir-avec-le-chomage-un-choix-de-societe/la-croissance-du-pib-peut-elle-supprimer-le-chomage/la-croissance-du-pib-contribue-t-elle-au-bien-etre/

       

       

    40. Ces troubles sont le développement de l'égoïsme, un intérêt accessoire, négligeable pour ce qui est extérieur à soi, la réduction de sa propre humanité et la peur du changement même si l'évolution en cours n'annonce rien de bon. Ces troubles qui sont au fond liés, s'élèvent et s'installent plus fortement avec l'élévation de la situation sociale d'un individu et de ses propres privilèges. Cette corrélation entre troubles et situation sociale personnelle exlique que notre régime politique plus proche de l'aristocratique que du démocratique, ne nous amène pas en terre inconnue, mais en terre inquiétante.

    41.  « Idiot, idiote » du grec ancien « idiðtês » (« homme vulgaire, sans éducation, sot, qui ne participe pas à la vie politique de sa république »).

     

     Rappel du Sommaire

     

     

     

    • Il serait tellement nécessaire que ces voies-là soient unifiées en chacun.

    • Renoncer : le mauvais sens près de chez soi.

    • Le bon sens a de l'avenir, si l'on reconnaît...

    • Pouvoir concentré et séparé : Sujets dominés et consentants = sujets fascinés par l'élitisme.

    • "L'intelligence collective" : une blague ?

    • "Les gens sont cons". De la connerie et...

    • ...de l'auto-dévalorisation/autodestruction.

    • "Les inégalités sont partout dans la nature".

    • « Tout est naturel » : l'égoïsme, le pouvoir, la guerre, la faim, les inégalités...

    • La nature a bon dos.

    • Le rayon fourni du prêt-à-penser.

    • "Il y a ceux qui ont l'esprit d'entreprise et il y a ceux qui ne sont rien".

    • Tout est individuel et relatif.

    • Vive nous. Vivre le "nous" au côté du "je".

    • « Les Hommes sont bons, les gouvernements sont des merdes ».

    • Alors quoi, l'auto-gouvernement ? Celui des Hommes bons ?

    • La réalité ne se soumet pas au bon vouloir de nos consciences borgnes.

    • Le passé n'est pas forcément un bon vieux temps, mais...

    • Le trou de mémoire et le « quand même ».

    • La psychologie de l'individu "libéralisé".

    • Les dangers du monde tel qu'il va.

    • L'hypothèse de la "bascule sociale".

    • Bascule dans les pièges de l'imaginaire conservateur.

    • Le "génie" d'un totalitarisme post totalitaire à visage démocratique.

    • Donner en plus à la barre du navire, un mouvement déterminé.

    • Participer aux choix collectifs, ce n'est pas une simple option pour chacun.

    • Nous sommes potentiellement nombreux, mais...

    • Union, ré-union attendues...

    • Le développement du féminin.

    • "Je commence par m'occuper de moi, après on verra".

    • Certains échanges, plutôt qu'une bénéfique osmose.

    • Radicalité et extrémisme.

    • "Chacun est libre, chacun peut construire sa résilience".

    • Lorsque je suis infiniment plus motivé par la-ma situation individuelle...

    • Le Karma. "Ce qui nous arrive doit nous arriver et la souffrance nous apprend".

    • La quête de sens et l'errance orientale.

    • "India, the land of spirituality".

    • "Entrez dans le monde de la sérénité".

    •  Bref épilogue.

     

     

     

     

     

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